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Robert Badinter sur l'abolition de la peine de mort

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 17 sept. 1981

Retrouvez la transmission intégrale, en direct de l'Assemblée nationale, le 17 septembre 1981, du discours prononcé par le garde des Sceaux, Robert Badinter, sur l'abolition de la peine de mort en France. La séance est présidée par Christian Nucci.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
17 sept. 1981
Production :
France Régions 3
Page publiée le :
30 août 2021
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000004354

Contexte historique

Par Emeline VanthuyneProfesseure agrégée d'histoire )

Le 30 septembre 1981, la France est le 35e pays au monde et le dernier pays d’Europe occidentale à abolir la peine de mort. À cette date, l’adoption de l’article premier du projet de loi par l’Assemblée nationale le 18 septembre (363 voix « pour » et 117 « contre ») est confirmée par le Sénat (par 161 voix contre 126).

Ce débat parlementaire intervient au terme de deux siècles de combat abolitionniste porté par de grands intellectuels (Victor Hugo, Albert Camus) et qui transcendent les partis politiques (d’Aristide Briand et Jean Jaurès à Pierre Bas ou Philippe Séguin). Certes, au cours du XIXe et du XXe siècle, le nombre d’exécutions, qui ne sont plus publiques depuis 1939, décroît. Mais la guillotine, dont l’usage a été initié sous la Révolution française, fonctionne jusqu’au 10 septembre 1977, jour où le dernier condamné à mort, Hamida Djandoubi, a la tête tranchée à la prison des Baumettes à Marseille.

Le 28 novembre 1972, l’avocat Robert Badinter est profondément marqué par l’exécution de son client Roger Bontems, condamné à mort avec son complice Claude Buffet après l’enlèvement et le meurtre d’une infirmière et d’un gardien de la prison de Clairvaux. Il s’engage alors dans le combat abolitionniste. Il défend par la suite Patrick Henry, poursuivi pour l’enlèvement et le meurtre d’un enfant de 7 ans et dont l’affaire a été très médiatisée. Sa plaidoirie, sous forme de dénonciation de la peine de mort, influence les jurés en faveur d’une condamnation à perpétuité. Malgré les menaces subies, Robert Badinter continue de défendre d’autres prévenus passibles de la peine capitale. Son combat se déplace sur le plan politique lorsqu’il est nommé garde des Sceaux après l’arrivée au pouvoir du président François Mitterrand.

Lors de la campagne présidentielle de 1981, le candidat socialiste s’est clairement prononcé en faveur de l’abolition de la peine de mort, malgré des sondages indiquant l’hostilité de l’opinion publique française à cette mesure. En inscrivant la mesure dans son programme présidentiel, il rompt alors avec l’attitude frileuse de ses principaux adversaires, dont l’ancien chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing. Ce dernier avait refusé, au cours de son mandat, de gracier deux condamnés à mort pour meurtres de jeunes enfants (Christian Ranucci et Jérôme Carrein) et Hamida Djandoubi, condamné pour viol, torture et meurtre d’une jeune femme.

Au matin du vote de la loi à l’Assemblée nationale, un sondage publié par le journal Le Figaro, indique encore que 62 % des Français s’opposent à la loi sur l’abolition de la peine de mort. C'est dans ce climat que le garde des Sceaux s’avance à la tribune de l’Assemblée nationale et prononce un plaidoyer de près d’une heure et demie en faveur de la loi. Ce discours intervient après celui de Raymond Forni qui a présidé la Commission des lois chargée d’étudier le projet. Ce travail parlementaire préalable est suivi par un débat au cours duquel se succèdent des dizaines d’intervenants les 17 et 18 septembre 1981. Il en sera de même au Sénat où la majorité n’était d’ailleurs pas acquise à la gauche au pouvoir et où le temps des débats, non limité, dura trois jours. 

Publiée au Journal officiel le 10 octobre 1981, cette loi portant abolition de la peine de mort a fait l’objet d’attaques répétées au cours des deux mandats de François Mitterrand : plus de 27 propositions de loi ont alors été déposées en faveur du rétablissement. Afin de d’éviter tout retour en arrière possible, le président Jacques Chirac a fait adopter un nouvel article (66-1) dans la loi constitutionnelle promulguée le 23 février 2007 indiquant explicitement : Nul ne peut être condamné à la peine de mort. 

Éclairage média

Par Emeline VanthuyneProfesseure agrégée d'histoire )

Dans ce plaidoyer de près d’une heure et demie prononcé à la tribune de l’Assemblée nationale, le garde des Sceaux, Robert Badinter déploie tout son talent oratoire et sa force de conviction en faveur de l’abolition de la peine de mort.

Il martèle son discours : ses deux paumes de main enserrant le pupitre, il fixe tour à tour, sur les différents bancs, les parlementaires favorables ou hostiles au projet de loi. Il ne jette que des regards furtifs à ses notes. Il retient l’attention de son auditoire, tout à la fois par son ton passionné et ses arguments précis et étayés (statistiques, citations, détails concernant des affaires judiciaires récentes).

La construction de sa plaidoirie lui permet de répondre à la plupart des remarques soulevées par ses contradicteurs. Il revient d’abord sur le retard pris dans le combat abolitionniste par la France, patrie des droits de l’Homme. Il retrace les échecs successifs subis sur la scène politique par les partisans de l’abolition de la peine de mort en France. Après ce tableau historique, il en vient à décrire la situation actuelle : il dresse un état des lieux des pays qui pratiquent encore la peine de mort et démontre l’inefficacité judiciaire de la peine capitale. Elle ne prévient ni le crime ni sa récidive.

Il fait par la suite la liste de toutes les restrictions que le législateur pourrait être tenté de prendre pour limiter la peine de mort à certaines catégories de crimes et de victimes (par exemple les personnels de police ou le personnel pénitentiaire). Il refuse également toute peine de remplacement ou de mention évoquant les temps de guerre.

Il conclut sur une anaphore qui résume sa vision du progrès de la justice française grâce à l’abolition Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.

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