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La législation française sur la prostitution (1945-2003) : l'abolitionnisme

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 25 avr. 2006 | Date d'évènement : 13 avr. 1946

Avec la fermeture des maisons closes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par la loi Marthe Richard, la France adopte une politique abolitionniste à l'égard de la prostitution.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de l'évènement :
13 avr. 1946
Date de diffusion du média :
25 avr. 2006
Production :
INA
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001098

Contexte historique

Par Julie Le Gac

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France adopte une législation abolitionniste en matière de prostitution.

Pourtant, la position française a longtemps été celle du réglementarisme. Le Code civil napoléonien considère la prostitution comme un mal nécessaire qui assure la tranquillité publique. Selon lui, l'activité doit cependant être encadrée par l'Etat qui est responsable de la morale et de l'hygiène publiques. Ainsi, la loi du 3 avril 1903 autorise officiellement le fonctionnement des maisons de tolérance sous le contrôle de la police.

Néanmoins, le mouvement abolitionniste, qui prend son essor en France sous l'égide de Marcelle Legrand Falco dans les années 1920, remet en cause tant la corruption des agents de l'Etat chargés d'encadrer la prostitution que le principe même du caractère irrésistible des besoins de la sexualité masculine. En 1935, un premier projet de loi visant la fermeture des maisons de tolérance présenté par Henri Sellier, ministre, est adopté par l'Assemblée nationale mais rejeté par le Sénat.

Ce n'est que le 14 décembre 1945, que Marthe Richard, ancienne prostituée et ancienne résistante obtient la fermeture des maisons closes par le conseil municipal de Paris. Si elle dénonce le principe de la prostitution organisée, patentée et contrôlée par la police, elle utilise également un argument politique: les maisons de tolérance auraient été pendant l'occupation des centres actifs de trahison. Le 13 avril 1946, le projet de loi "tendant à la fermeture des maisons de tolérance et au renforcement de la lutte contre le proxénétisme", présenté par le député M.R.P. Pierre Dominjon, étend à tout le territoire national la fermeture des maisons closes. Toutefois, l'Etat ne renonce pas à la surveillance de la prostitution et la loi du 24 avril 1946 instaure la constitution d'un fichier sanitaire et social de la prostitution.

La France devient véritablement un pays abolitionniste lorsque le 28 juillet 1960, elle ratifie la Convention du 2 décembre 1949 des Nations Unies qui définit la prostitution comme une activité incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine. Cette politique n'effectue toutefois aucune distinction entre prostitution libre et forcée. Alors qu'une nouvelle loi intensifie la répression du proxénitisme en 1975, de manière inhabituelle, les prostituées se mobilisent. Ainsi, une centaine de prostituées lyonnaises occupent l'Eglise de Saint Nizier en juin 1975 pour protester contre la répression policière dont elles sont victimes. Ce mouvement, se propage dans toute la France et connaît une médiatisation inédite avec la première participation d'une prostituée à visage découvert dans une émission télévisée, en l'occurence celle d'Ulla aux "Dossiers de l'Ecran". Il trouve cependant difficilement des interlocuteurs au niveau de l'Etat. Guy Pinot, premier magistrat de la cour d'appel de Versailles est nommé par Valéry Giscard d'Estaing pour recueillir les témoignages des prostituées. Le rapport qu'il rédige demeure cependant lettre morte.

Si la prostitution demeure le plus souvent un sujet tu, ponctuellement, au nom de la santé publique, l'idée de la réouverture des maisons closes est avancée. Bernard Kouchner et Françoise de Panafieu se prononcent notamment en ce sens.

La loi pour la sécurité intérieure adoptée le 18 mars 2003 à l'instigation du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, à l'inverse, renforce la répression de la prostitution, et réintroduit le délit de racolage passif. Très critiquée par les prostituées, elle conduit à une nouvelle mobilisation de cette communauté. Avec cette modification de sa législation, la France se rapproche des politiques prohibitionnistes appliquées notamment en Suède.

Éclairage média

Par Julie Le Gac

A l'approche de la Coupe du monde de football organisée par l'Allemagne en 2006, le débat sur la prostitution est relancé. En effet, l'Allemagne qui a légalisé la prostitution en 2002 s'attend à un afflux considérable de prostituées pendant cet événement mondial qui attire une forte population masculine. A cet égard, l'émission "France Europe Express" animée par Christine Ockrent, retrace, à l'aide d'images d'archives, l'histoire de la politique française en matière de prostitution. Il revient tout d'abord sur la fermeture des maisons closes. Des images d'archives en noir et blanc les identifient par leurs adresses, tandis que le secret de leur intérieur demeure caché derrière des portes closes. Dans un entretien, Marthe Richard, 30 années après la loi qui porte son nom, explique les motivations qui ont guidé son combat.

Parallèlement, il rappelle le mouvement de contestation des prostituées qui se développe en 1975. A cet égard, il relaie les paroles des prostituées, qui expriment à la fois le dégoût inspiré par leur métier et le manque de considération dont elles souffrent.

Ce reportage se conclut par le tournant constitué par l'adoption de la loi de sécurité intérieure en 2003 qui réprime le racolage tant actif que passif. Cette évolution, présentée comme la conséquence de l'afflux massif de prostituées en faveur d'Europe de l'Est après la chute du Mur, fait en effet basculer la France dans le camp des prohibitionnistes.

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