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La vogue du smurf : l'animateur Sidney présente le mouvement hip-hop

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 25 mars 1984

Sidney, animateur sur Radio 7 et disc-jockey, explique les origines du smurf et les raisons du succès de cette danse. Il en décrit les éléments constitutifs pendant que des images montrent les acrobaties de jeunes smurfant place du Trocadéro, dans le quartier des Halles et dans une boîte de nuit.

Niveaux et disciplines

Ressources pédagogiques utilisant ce média

  • Niveaux: Cycle 3

    L’art in situ

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
25 mars 1984
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001495

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Le smurf est avec le break dance la partie dansée du mouvement plus large qu'est le hip-hop. Le hip-hop est une culture populaire issue des quartiers pauvres de grandes villes des Etats-Unis à la fin des années 1970. Elle se diffuse rapidement en Europe dans les années 1980.

Cette culture, considérée comme une sous-culture populaire, comprend également du chant, le rap, scandé sur un accompagnement musical fait d'échantillonnage musical, le sampling (du nom de l'appareil qui permet de le réaliser, le sampler). Le DJ (disc-jockey) utilise dans un premier temps des disques vinyles dont il récupère des extraits musicaux pour les mélanger (mix), qu'il transforme par des coupures brutales du son (cut) et des frottements du support sur la platine (scratch).

L'histoire retient le titre Rapper's Delight du groupe Sugarhill Gang comme acte de naissance du hip-hop et fait d'Africa Bambaataa le premier porte-parole d'un mouvement qui sort de la confidentialité au tout début des années 1980. Bambaataa est le premier à systématiser l'emploi du terme hip-hop et à désigner la « Zulu Nation » comme identité artistique. Se développent rapidement des tendances plus diverses qui se nourrissent d'influences larges à mesure que le hip-hop se diffuse à travers le monde (jazz, musiques électroniques, chanson française).

La musique se double d'attitudes vestimentaires (la mode du sportswear avec sneakers aux pieds et sweaters sur le dos), langagières (un argot spécifique mélange de langues diverses, l'usage en français du verlan qui inverse les syllabes des mots ou les réaménage). Une expression graphique se développe. Elle associe le tag, réalisé rapidement dans les rues pour marquer une opinion ou un territoire, et le graffiti (ou graff'), plus élaboré, produisant une identité visuelle et un paysage urbains. L'ensemble de ces marqueurs traduisent des codes sociaux essentiellement liés à la jeunesse populaire urbaine, mais son influence dépasse largement ce groupe initial.

Cette culture s'impose également comme culture contestataire. Contestation des codes culturels dominant car elle s'impose dans les espaces urbains périphériques de relégation. Elle conduit à produire une culture autonome intégrant des éléments variés (cinéma, télévision, musique) en marge de la haute culture. Contestation également des codes sociaux : le rap des années 1980 développe un discours de mobilisation et d'action, opposant le peuple aux élites et aux institutions, appelant à la désobéissance civile pour lutter contre les injustices et inégalités (aux Etats-Unis Public Enemy, en France IAM ou NTM).

En 1997 sont organisées à Paris les premières Rencontres nationales de danses urbaines à la Grande Halle de La Villette. Elles résument le succès et le malaise du hip-hop en France : la reconnaissance d'une expression artistique et des individus qui la portent se dénature en même temps en perdant le contact avec le terreau social où elle est née. Une nouvelle rupture entre haute culture et culture populaire est à l'oeuvre alors que des chorégraphes de danse contemporaine (Jean-Claude Gallotta, José Montalvo, Karine Saporta) travaillent avec des danseurs de hip-hop.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Le reportage saisit le smurf alors qu'il est encore relativement marginal. Il ne s'impose réellement qu'avec l'avènement du rap comme style musical au début des années 1990 avec les groupes NTM, IAM ou Assassins.

Sidney montre qu'il commence pourtant à imposer ses repères à toute une jeunesse : le style funk cède la place à la casquette et au survêtement, dress code beaucoup plus pratique pour les performances dansées. La mythologie n'est pas non plus bien fixée : les origines portoricaines et caribéennes fondent une filiation mythique qui ne tarde pas à s'effacer derrière l'origine new-yorkaise.

La danse et l'influence américaine sont les éléments structurant du mouvement. Les jeunes se rassemblent dans des lieux publics (le Trocadéro, le Forum des Halles) ou des boîtes de nuit pour des numéros de danse relevant de la démonstration, parfois de la performance explosive. Ils enchaînent les figures acrobatiques et défient les autres danseurs sous le regard du public, imposent le modèle de la battle, manière de créer un lien et une concurrence entre eux.

Pour un public souvent très jeune, le spectacle de la boîte de nuit s'invite dans la rue au son de la stéréo, le ghetto blaster, et le sound system plus élaboré. Le phénomène de groupe de jeunes autorise la journaliste à rapprocher le hip-hop des yéyés des années 1960 et à y ajouter l'épithète « excentrique » qui lui est ordinairement accolé.

Sidney Duteil, dit Sidney, est animateur sur radio 7, l'une des radios libres issues de la libéralisation des ondes en 1981. Il est également disc-jockey dans une boîte de nuit « spécialisée dans ce genre de musique ». Il insiste sur son origine guadeloupéenne et sa naissance à Argenteuil, en banlieue parisienne, qui lui confèrent une certaine légitimité à ses yeux.

Après un petit numéro derrière le micro, Sidney fait état de son expertise en culture urbaine : « smurf ça veut rien dire... c'est une danse le smurf, parmi tant d'autres » qu'il différencie visiblement du body pumping ou de l'electric boogie et fédère sous le terme hip-hop. Son expertise est plus douteuse lorsqu'il avance que « ça apporte un très grand pouvoir le fait d'être guadeloupéen, le fait d'être noir, on a donc un feeling qui est déjà hyper naturel, donc c'est venu tout seul... Moi je danse depuis l'âge de dix ans ». Il évoque également ce mouvement « nature nature », car il « faut être en bonne condition physique », qui « va emmener tout le monde... bon du côté masculin parce que d'abord c'est très physique, mais les femmes vont s'y mettre bientôt j'en suis très très très sûr ». Enfin, c'est « un phénomène qui n'est pas coûteux » parce que populaire. Il n'est pas certain qu'il mesure complètement ce qu'engagent ses propos en termes de stéréotypes.

Sidney devient surtout l'animateur vedette de l'émission H.I.P H.O.P en 1984. Sidney est le premier présentateur noir du paysage audiovisuel français et il officie le dimanche en début d'après-midi. Entre deux leçons de smurf et de break, il lance aux danseurs amateurs une injonction restée célèbre : « je sais que tu le peux, je sais que tu le veux ». Mais l'amateurisme de ce programme très fédérateur et la récupération commerciale du smurf avec des hits comme Street Dance du groupe Break Machine entraînent la disparition de H.I.P H.O.P au bout d'un an. Le smurf s'essouffle puis disparaît au profit d'un rap de banlieue moins bon enfant.

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