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Tournage de Yeelen, de Souleymane Cissé

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 29 nov. 1987

Une équipe de l'émission Cinéma, cinémas suit le réalisateur Souleymane Cissé au Mali sur le tournage du film Yeelen. Elle observe les conditions de tournage que doit affronter Cissé, car la négociation avec les autorités locales est difficile et menace la production.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
29 nov. 1987
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001542

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Souleymane Cissé, né à Bamako (Mali) en 1940, est réalisateur. L'Afrique noire francophone compte peu de réalisateurs qui soient parvenus à acquérir une notoriété internationale. Cissé la doit en grande partie à son film Yeelen, réalisé en 1987, et qui remporte au Festival de Cannes 1987 le Prix Spécial du Jury. Ce film tranche avec la production africaine habituelle et les réalisations antérieures de Cissé.

Le cinéma africain apparaît tardivement avec la décolonisation en 1960. Sembène Ousmane en est le premier grand représentant. Formé à Moscou, il réalise sur un ton très moderne La noire de... en 1966 qui remporte un prix au festival des arts nègres de Dakar. Sembène pose des thèmes qui nourrissent le cinéma africain : la prise d'autonomie de l'ancien colonisé par rapport au colonisateur, les difficultés de l'Afrique à entrer dans la modernité démocratique et urbaine. Souleymane Cissé s'inscrit dans ses premiers films dans cette filiation d'un cinéma militant.

Projectionniste à la Maison des jeunes de Bamako, il découvre les Actualités Filmées qui guident ses premières expériences comme réalisateur de documentaires : L'Homme et les Idoles (1965) sur un peintre malien ; Sources d'inspirations (1969) sur l'apartheid en Rhodésie du Nord ; L'aspirant, sur l'opposition entre médecine traditionnelle et médecine moderne. Il obtient une bourse pour faire un stage de perfectionnement à l'Institut des études supérieures de la cinématographie de Moscou. Il est à son retour embauché comme réalisateur des actualités et documentaires à la Scinfoma, l'organisme cinématographique du ministère de l'information du Mali.

Les premiers films de Cissé exploitent les difficultés du Mali à devenir moderne. Son premier moyen-métrage, Cinq Jours d'une vie (1971), prend pour thème les mésaventures d'un jeune paysan en butte aux lois de la ville. Son premier long métrage, Den Muso (Jeune Fille, 1975) pose le problème des filles-mères et du pouvoir masculin. Ce sujet lui vaut trois ans d'interdiction. Enfin, Baara (Le Travail, 1978) aborde le monde du travail et de l'industrie sous l'angle du conflit et de l'opposition sociale entre ouvriers et patrons.

Par la suite, Cissé adopte un ton plus original. Il associe les problèmes de développement à un questionnement sur l'identité du Mali, voire de l'Afrique. En 1982, Finye (Le Vent) montre, à travers la révolte des étudiants contre la dictature militaire, une jeunesse à la recherche d'un projet qui conjuguerait conscience du passé – notamment de la culture tribale – et regard vers l'avenir. Le film remporte des prix au Fespaco (Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou) et au festival de Carthage ; il est sélectionné au Festival de Cannes. Il ouvre la voie à Yeelen (La lumière, 1987), récit d'initiation où un fils affronte son père pour faire triompher la magie blanche dans une Afrique mythique. Avec Waati (Le temps, 1995) Cissé se penche sur l'apartheid sud-africain à travers le portrait d'une jeune fille, faisant prendre à son cinéma une dimension panafricaine qu'il prolonge avec Min yé (Dis-moi qui tu es...) en 2009.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Cissé met trois ans à faire aboutir son projet (1984-1987) avec sa société de production, Sisé Filimu. Le financement est le premier problème que rencontrent les cinéastes d'Afrique noire, réduisant la majorité de la production audiovisuelle à de la vidéo. Il est produit avec la coopération des ministères de la culture et des Affaires étrangères de la France, de l'Allemagne, du Burkina Faso et du Japon.

Cissé cherche à montrer ce que les Africains connaissent mais qui est masqué, le monde secret du divin, de la croyance et de la magie, mais n'a pas de visée ethnographique : « J'ai voulu répondre à un regard extérieur, à un regard de savants et de techniciens blancs, à un regard étranger qui avait parfois tendance à prendre les Africains pour des objets, pour des animaux que l'on montre dans leurs rites un peu exotiques. » [propos du dossier pour la 62e Rencontre internationale de cinéma de Pontarlier, 2005].

Le tournage n'a pas été simple : il commence le 15 novembre 1984, mais au bout d'une semaine, le vent de sable se lève et compromet le tournage. Il reprend mais Ismaïla Sarr qui joue le rôle du père meurt d'une crise cardiaque, obligeant Souleymane Cissé à réécrire le scénario. Il faut pour le tournage parcourir 800 kilomètres. Le reportage souligne que le projet de Cissé suscite la méfiance : son chef opérateur Jean-Noël Ferragut est français, et Cissé est suivi par l'équipe d'Etienne de Grammont pour Cinéma, cinémas. Le réalisateur doit donc expliquer le statut des blancs sur son tournage – « Ce que nous faisons est un film malien, ce n'est pas du tout l'affaire des étrangers. Les étrangers que tu vois ici c'est pour nous qu'ils travaillent. C'est nous qui les payons » – et le caractère malien de sa réalisation.

Paradoxalement, ce monde secret est le fondement de leur civilisation et les Maliens le craignent. Cissé, qui a souvent rencontré des oppositions (refus d'autorisation administrative de tournage, interdiction de diffusion), doit palabrer avec des chefs de villages dogons et des chefs religieux parfois hostiles.

Il doit également négocier avec des sociétés secrètes, payer des « sacrilèges » et respecter les « interdits ». Il doit rembourser les sacrifices qui ont du être faits car il a déjà violé des interdits. Les chefs religieux craignent que Cissé ne dévoile « leurs rituels et le lieu de leurs cultes ». Les images témoignent de l'ardeur de la négociation : le ton monte, les hommes s'agitent.

Etienne de Grammont suit Souleymane Cissé sur le tournage de loin, il commente les faits et gestes mais se garde d'interpréter des discussions qui ne sont pas sous-titrées, laissant Cissé expliquer la situation en voix off. Lorsque les autorités locales acceptent le tournage, Souleymane Cissé peut travailler avec ses acteurs, pris par l'urgence de filmer.

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