vidéo - 

Didier Daeninckx contre la raison d'Etat

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 16 janv. 1997

A l'occasion de la projection de Lumière noire, film tiré de son roman, Didier Daeninckx revient sur l'événement à l'origine de cet écrit, puis rappelle la place que la lutte contre la raison d'Etat prend dans l'ensemble de son oeuvre.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
16 janv. 1997
Production :
INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001558

Contexte historique

Par Alexandra Von Bomhard

Didier Daeninckx est né en 1949, en Seine Saint-Denis. C'est à l'âge de 11 ans, au cours d'une expérience traumatisante liée à des émeutes dans son quartier, que l'écriture s'impose à lui comme une nécessité. Après une scolarité difficile à Aubervilliers, il trouve par hasard un métier d'imprimeur, devient ensuite animateur culturel, puis journaliste. C'est au cours d'une période de chômage qu'il écrit son premier roman, Mort au premier tour (1982), où l'on voit apparaître un personnage qui se fait récurrent dans son oeuvre : l'inspecteur Cadin. La publication de Meurtres pour mémoire en 1984, qui évoque la dérive sanglante de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961, lui ouvre les portes de la notoriété. Il se spécialise alors dans le roman noir. Dans La mort n'oublie personne (1988), il raconte l'histoire tragique d'un jeune résistant condamné pour meurtre après la guerre. Avec Cannibale, publié en 1998, il revient sur les «zoos humains» de l'Exposition Coloniale de 1931, pendant laquelle des Kanaks avaient été donnés à voir comme des animaux. Auteur prolifique, Daeninckx compose aussi nouvelles, essais, bandes-dessinées et scénarios pour la télévision, le cinéma et la radio. Persuadé qu'on est amené à revivre le passé si on ne l'affronte pas, l'écrivain puise son inspiration dans les périodes troubles de l'histoire, les événements que l'on cherche à étouffer, les faits divers. Son oeuvre est résolument orientée vers une critique sociale et politique.

C'est en 1987 que Daeninckx publie Lumière noire, roman policier qui prend pour toile de fond la première expulsion massive d'étrangers décidée par l'Etat. En 1986, sous la direction de Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, la politique migratoire connaît un tournant majeur : la plupart des ressortissants des pays pauvres sont obligés d'avoir un visa. Le 19 octobre 1986, une centaine de Maliens sont emmenés de force dans un charter affrété par le ministère, renvoyés manu militari vers Bamako. Si l'événement a bien évidemment marqué et troublé l'écrivain, c'est surtout « le vol d'un mot» qui est à l'origine de l'écriture de son roman : « J'ai la volonté de donner à voir par le roman. Il permet de montrer des choses qui sont là, mais qui ont besoin d'être soulignées. Mon boulot, c'est les mots [...]. En 1986, par exemple, on m'a volé un mot. C'est un mot qui veut dire liberté, rencontre des peuples, changement d'horizon : le mot charter. Pour ma génération, 20 ans en 1968, charter, ça voulait dire : voyager pas cher à l'autre bout du monde, faire la fête, rencontrer des potes, etc. En 1986, il y a eu le charter pour le Mali et désormais, ça veut dire le contraire de la liberté. D'un seul coup, je me suis dit : «Tiens, le père Pasqua, il m'a volé un mot», et j'ai écrit Lumière noire » (Daeninckx par Daeninckx, Thierry Maricourt).

Éclairage média

Par Alexandra Von Bomhard

A l'occasion de la projection du film tiré de son roman Lumière noire dans le campus de l'Université Picardie-Jules Verne, Didier Daeninckx est l'invité du journal télévisé de FR3 Picardie, le 16 janvier 1997. L'entretien, malgré sa brièveté, est assez complet. Il aborde divers points : la rédaction du roman, la production et la diffusion du film qui en est issu, le caractère engagé de l'oeuvre de l'écrivain. La dernière question posée par Laïd Berritane, comparant deux versions du roman, montre que le présentateur a pris le temps de s'immerger un tant soit peu dans les écrits de Daeninckx. C'est toutefois la projection du film qui est à l'origine de l'invitation de l'auteur sur le plateau. Publié en 1987, le roman est adapté en 1994 par Med Hondo au cinéma. L'écrivain souligne les difficultés que le réalisateur a rencontrées pour produire ce film. Seule une chaîne de production anglaise a donné des financements, aucun producteur français n'ayant souhaité se lancer dans l'aventure. Si la présence de Daeninckx sur le petit écran et les propos tenus par l'écrivain sont la marque de l'indépendance que les journaux télévisés ont acquise par rapport aux pouvoirs politiques, force est de constater que le caractère confidentiel de cet entretien (l'information - concernant la projection du film sur le campus d'une université de province - est diffusée sur la page régionale du JT) nous invite à penser que les propos de Daeninckx gardent un aspect dérangeant. Le présentateur l'incite d'ailleurs à revenir sur l'engagement qui fonde son écriture : il y a toujours quelqu'un, explique le romancier, qui s'insurge contre la raison d'Etat. Ainsi, bien avant le procès Papon, son ouvrage Meurtres pour mémoire interrogeait le rôle trouble de cet homme politique dans l'histoire.

Lieux

Thèmes

Sur le même thème