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Robert Desnos, « Le Veilleur du Pont-au-Change »

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 30 avr. 1944

Lecture, par Jean Lescure, du poème de Robert Desnos Le Veilleur du Pont-au-Change.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
30 avr. 1944
Page publiée le :
10 sept. 2015
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001736

Contexte historique

Par Anne Doustaly

Né en 1900, Robert Desnos écrit des poèmes dès 1918 et rejoint le mouvement surréaliste entre 1922 et 1930. Radical-socialiste, épris de liberté et d'humanisme, son engagement politique ne cesse de croître dans les années 1930 : en 1934, il adhère aux mouvements d'intellectuels antifascistes. Mobilisé en 1939, Desnos fait la drôle de guerre, convaincu de la légitimité du combat contre le nazisme. Le journal quotidien qui l'emploie, Aujourd'hui, est soumis à la censure, mais Desnos publie, sous couvert de littérature, des textes qui appellent à un avenir libre. Parallèlement il entre dans la lutte clandestine. Le 20 janvier 1940, il écrit à sa femme Youki : « J'ai décidé de retirer de la guerre tout le bonheur qu'elle peut me donner : la preuve de la santé, de la jeunesse et l'inestimable satisfaction d'emmerder Hitler. » Dès juillet 1942, il fait partie du réseau de résistance AGIR, auquel il transmet des informations confidentielles parvenues à son journal, tout en fabriquant par ailleurs de faux papiers pour des Juifs ou des résistants en difficulté. En 1943, il est averti que ce réseau est infiltré (nombre de ses membres furent d'ailleurs dénoncés, arrêtés et déportés), mais il en demeure membre tout en s'engageant dans un autre, le réseau Morhange. Dès lors, aux missions de renseignements qu'il effectue pour le premier s'ajoutent très certainement des missions plus directes et violentes. Sous son nom ou sous des pseudonymes, il revient à la poésie, qu'il allie à la musique et au chant (État de veille 1943, Chantefables 1944, sonnets en argot, comme Le Maréchal Ducono, virulente attaque contre Pétain 1944). Ainsi, il poursuit sa lutte contre le nazisme : « Ce n'est pas la poésie qui doit être libre, c'est le poète ». En 1944, Le Veilleur du Pont-au-Change, qu'il signe Valentin Guillois, appelle à la lutte générale. Desnos est arrêté le 22 février de la même année. Le 20 mars, il est transféré au camp de Royallieu à Compiègne, où il organise des conférences et des séances de poésie (il y écrit Sol de Compiègne). Déporté en Allemagne, il est détenu successivement dans les camps de Buchenwald, Flossenbürg, Flöha, enfin Theresienstadt. Le 3 mai 1945, les SS s'enfuient de ce camp ; le 8 mai, l'Armée rouge et les partisans tchèques en prennent possession. Malgré les soins, Robert Desnos y meurt le 8 juin 1945.

Éclairage média

Par Anne Doustaly

Le Veilleur du Pont-au-Change fut écrit et publié en 1944, dans le second volume de L'Honneur des poètes, recueil de poésie préparé par Pierre Seghers, Paul Éluard et Jean Lescure. Le premier volume, publié en 1943 par les Éditions de Minuit, clandestines dans le cadre de la Résistance, rassemblait des textes de Louis Aragon, Jean Lescure, Pierre Seghers, Jean Tardieu, Paul Éluard, Eugène Guillevic, Robert Desnos, Vercors, Francis Ponge, parmi d'autres. Selon les mots de l'éditeur, le recueil fut publié « sous l'occupation nazie le 14 juillet 1943, jour de la liberté opprimée ». Un second volume, L'Honneur des poètes II, fut publié aux Éditions de Minuit le 1er mai 1944.

La quasi-totalité des poèmes de L'Honneur des poètes ont été clandestinement enregistrés sur disques en 1944 par Éluard et Lescure dans les studios de la radio. « J'avais depuis le début de l'année établi le contact avec les studios de la radio de Vichy qui, rue de l'Université, avait installé son Club d'Essai que dirigeait Pierre Schaeffer. À l'insu de celui-ci (...) nous avions entrepris d'enregistrer, les dimanches matin où Schaeffer ne venait jamais, les poèmes de L'Honneur des poètes. J'avais prévenu Éluard. Nous étions seuls les deux premières séances, et tout alla bien. Paul eut la malencontreuse idée d'inviter Aragon à la troisième. Jusque-là il lisait bien, à la manière un peu chantante d'Apollinaire, plus mesurée peut-être. Aragon entreprit de lui apprendre ce matin-là la bonne façon de dire. Il le faisait recommencer, le reprenait, lui donnait le ton. C'était celui, ampoulé et déclamatoire, des vieux cabots de l'Odéon, type 1900 amélioré. Je signifiai à Aragon, qu'il valait mieux qu'il ne revienne pas. Il ne revint pas en effet et nous prononçâmes, Paul et moi, tranquilles, l'achevé d'enregistrer le 1er mai 1944» (Jean Lescure, Poésie et Liberté, Histoire de Messages, 1939-1946, Éditions de l'IMEC, Paris, 1998, p. 293-294).

Cette lecture du poème de Desnos est extraite de l'un de ces enregistrements. Poète et éditeur, Jean Lescure (1912-2005) s'est engagé en 1942 dans la résistance littéraire, en dirigeant sa revue, Messages, comme une « anti-NRF» (La Nouvelle Revue française, dirigée depuis 1940 par Drieu la Rochelle, collaborateur). Malgré censure et interdictions, il publie pendant toute la guerre les poètes résistants, parfois depuis l'étranger, et distribue lui-même en tandem avec sa femme, les tracs annonçant la publication de L'Honneur des poètes. Il fait simultanément partie du Comité national des écrivains et du groupe armé « Ceux de la Résistance ». Le 27 octobre 1944, en présence du général de Gaulle, au cours d'un gala donné à la Comédie-Française, Le Veilleur du Pont-au-Change fut lu à plusieurs voix et très applaudi.

Dans ce poème, le poète-veilleur s'adresse d'abord à tous ses camarades résistants de l'intérieur, qu'il situe dans une géographie parisienne poétique, comme l'annonce le titre. Il dit la torture et l'espoir de la victoire, cite les actions concrètes et risquées de ces hommes de l'ombre. Puis il évoque ceux de l'extérieur, ceux d'Angleterre et d'Amérique, ainsi que les combats d'Afrique, de Russie, du Pacifique, et donne à la lutte de chacun une échelle humaine et mondiale, dans un seul but commun, la liberté retrouvée.

Bibliographie

- Robert O. Paxton, Olivier Corpet et Claire Paulhan, Archives de la vie littéraire sous l'Occupation, À travers le désastre, Éditions Taillandier et les Éditions de l'IMEC, 2009, 448 p.

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