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Dossier : Mémoires de deux jeunes mariées, de Balzac

Par Isabelle Ducrocq-MaïaResponsable éditoriale Lumni Enseignement
Publication : 14 févr. 2023 | Mis à jour : 27 mars 2024

Niveaux et disciplines

Ce sont 57 lettres d’amitié dans lesquelles se disent, à cœur ouvert, le quotidien et les pensées les plus intimes de deux jeunes femmes de l’aristocratie des années 1820-1830 ; ce sont, parfois aussi, des lettres dans lesquelles s’expriment les opinions, parfois peu amènes, que deux jeunes femmes portent l’une sur l’autre et sur leur façon d’appréhender leur destinée.

Mémoires de deux jeunes mariées, seul roman épistolaire de Balzac, nous fait pénétrer dans l’entrelacs, en teintes claires obscures, des sentiments contradictoires qui animent Louise et Renée. Compagnes d’infortune rencontrées au couvent, à la fois doubles et contraires, elles cherchent, chacune à leur façon, un espace de liberté au sein d’une société où, parce qu’elles sont femmes, elles doivent se soumettre à leurs parents, à leurs frères, à leur mari, aux conventions et aux considérations d’argent qui font d’elles une monnaie d’échange pour asseoir la position sociale et financière de leur famille.

Le grave Devoir ou le fol Amour ?

Pour Renée et Louise, priées de donner leur consentement, cet espace de liberté, au sein d’une société qui les contraint, prend des allures différentes. De nous deux, écrit Renée, je suis un peu la Raison comme tu es l’Imagination ; je suis le grave Devoir comme tu es le fol Amour. Ce contraste d’esprit qui n’existait que pour nous deux, le sort s’est plu à le continuer dans nos destinées. Renée de Maucombe accepte ainsi de s’unir à un vieux jeune homme, puis de se dévouer à sa famille ; de son côté, Louise de Chaulieu se persuade qu’elle aime l’homme laid et à demi-ruiné qu’elle choisit d’épouser (mais, privée de dot, avait-elle véritablement le choix ?) et que leur amour se suffira à lui-même : d’enfant, il sera ainsi à peine question.

Avec subtilité ou théâtralité, toutes deux réussissent malgré tout à imprimer leur empreinte sur le monde – ou, plus exactement, sur leur monde. Renée se donne à son époux Louis de l’Estorade uniquement lorsqu’elle l’a décidé ; elle suscite et encourage l’ambition politique de son mari et s’accomplit, enfin, en rayonn(ant) en tant que mère. Louise, quant à elle, trouve en Felipe Hénarez un chevalier servant éperdu d’amour, acceptant toutes ses volontés et le moindre de ses caprices ; à la mort de ce dernier, elle fait ensuite de Gaston son obligé : plus jeune qu’elle, désargenté, il est bridé dans ses projets professionnels par l’orgueil de Louise.

Aimer ou renoncer ?

Dominées ou dominantes ? Soumises ou qui surmontent l’emprise ? Obligées ou qui obligent ? Au travers de ce récit sociologique du mariage, Balzac donne à voir des femmes qui tentent de faire de leur vie d’épouses autre chose qu’un contrat. Qui, de Renée et de Louise, a emprunté la voie qui conduira vers le salut ? Louise, à l’agonie, avoue ses erreurs : J’ai eu deux fois tort, et deux fois la Mort sera venue souffleter mon bonheur de sa main décharnée, convenant que le mariage ne saurait avoir pour base la passion, ni même l’amour. La dernière lettre revient à Renée, une Renée désespérée d’avoir perdu celle qui la comprenait le mieux, mais une Renée qui, bien qu’ayant renoncé à ses rêves de jeune fille, sait trouver du réconfort auprès de son mari et de ses enfants.

Mais est-ce là la conclusion de Balzac ? N’est-elle pas plutôt dans ce dialogue tumultueux entre les forces de vie de Louise et le dévouement de Renée ? Dans une voie médiane qui permettrait que le mariage ne soit plus une quête impossible d’absolu ou un renoncement à soi, mais, enfin, le consentement libre – et libéré du carcan social – de deux êtres qui se choisissent parce qu’ils s’aiment et se dévouent l’un à l’autre ?

 

Une adaptation pour la télévision

C’est en 1981 que Marcel Cravenne réalise pour la télévision l’adaptation des Mémoires de deux jeunes mariées, diffusée sur FR3 dans Le Roman du samedi. Fanny Ardant incarne la fougueuse Louise ; Martine Chevallier, la raisonnable Renée. La première jouera au cinéma, la même année, dans La Femme d’à côté de François Truffaut. La seconde fera son entrée à la Comédie-Française en 1986 et en sera sociétaire en 1988. On retrouve aussi au générique de cette adaptation de Balzac deux visages bien connus : celui de François Marthouret, comédien éclectique qui a fait ses débuts au cinéma dans L’Aveu de Costa-Gavras et travaillé aussi bien pour le théâtre que pour le petit et le grand écran. Michel Peyleron, qui fait ses débuts avec Jean Vilar, a joué quant à lui de nombreux seconds rôles.

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Une œuvre, un film, trois pistes pédagogiques

     

Mémoires de deux jeunes mariées : mariage et place de la femme dans la société du XIXe

Cette piste pédagogique interroge le mariage dans ses dimensions contractuelle, institutionnelle et morale et permet de comprendre la place qu’il assigne aux femmes dans la société. 

L’amour dans Mémoires de deux jeunes mariées

Au travers de ses deux épistolières, Balzac présente deux conceptions de l’amour diamétralement opposées : Renée est aussi pondérée que Louise est exaltée, l’une incarnant la raison tandis que l’autre ne vit que pour les sentiments. Chacune des héroïnes juge l’existence de l’autre à l’aune de sa propre vie. Il s’agira, dans cette piste pédagogique, d’analyser les deux visions de l’amour que l’œuvre propose.

Regards et voix dans Mémoires de deux jeunes mariées

Cette piste pédagogique propose d’observer la transposition du genre épistolaire et la manière dont l’adaptation filmique traduit le regard de Louise et Renée sur la société qui les entoure et permet de faire entendre leur voix. 

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