Patrimoines et Histoire

Patrimoines et Histoire

Par Jean-Marie Guillon et Stéphane KronenbergerPublication : 2021

# Présentation

L’exceptionnel état de conservation de la grotte Cosquer témoigne, à elle seule, de la grande richesse du patrimoine préhistorique régional. Des vestiges monumentaux, laissés par les civilisations celto-ligure, grecque, romaine ou gallo-romaine, marquent également de leur empreinte indélébile le paysage provençal. Cette profusion de monuments antiques, sans équivalent en France, a d’ailleurs fait l’objet d’une large mise en valeur patrimoniale et muséale à destination des habitants et des touristes. La région possède aussi, disséminé sur l’ensemble de son territoire, de remarquables monuments datant du Moyen Âge ou de l’époque moderne (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles). Ce riche patrimoine se compose notamment d’abbayes, de châteaux, de palais ou de citadelles, juchée au faîte de collines imprenables, alors que d’autres paysages, tout aussi typiques de la Provence, ont été modelés par l’architecture rurale en pierres sèches. 

     

# Préhistoire

L’histoire de la Provence commence bien avant notre ère. La découverte à partir de 1985, puis la déclaration en 1991 de la grotte Cosquer, par le plongeur professionnel éponyme, au large de Cassis par 37 mètres de fond, a d’ailleurs permis de largement attirer l’attention sur le Paléolithique dans la région. Elle a été classée monument historique dès l’année suivante, et un centre d’interprétation lui sera consacré en 2022 à Marseille à côté du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) dans l’enceinte de l’ancienne Villa Méditerranée. Des restitutions à l’identique permettront aux visiteurs de découvrir certaines œuvres dessinées et gravées il y a 27 000 ans.    

La connaissance de la Préhistoire était ainsi spectaculairement enrichie. Pourtant, la région était connue depuis longtemps pour abriter des sites témoignant d’installations humaines parmi les plus anciennes du Paléolithique. C’est pour protéger l’un des plus anciens foyers humains, portant la preuve de la domestication du feu aux environs de 400 000 ans, que la ville de Nice a ouvert, en 1976 le Musée de Terra Amata implanté sur le lieu même des fouilles menées au Mont Boron dix ans plus tôt. Non loin de là, les mêmes équipes d’archéologues avaient mis à jour le site plus récent - 130 000 ans - du Lazaret, classé dans les Monuments historiques en 1963, qui témoigne de la continuité de la présence de l’homo erectus dans la région.

C’est pour mieux faire connaître la Préhistoire en Provence dans toutes ses dimensions que le musée de Quinson  a été ouvert, en 2001, à l’initiative du Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, sur les bords du Verdon au cœur du parc naturel régional. Ce musée, qui est, dans le genre, le plus grand d’Europe, possède aussi une caractéristique que l’on va trouver désormais de plus en plus souvent dans les créations d’espace culturels, celle d’être signé par des architectes de réputation internationale, ici le Britannique Norman Foster, et donc de constituer une œuvre en soi.

# Antiquité

La Provence conserve aussi de très nombreuses traces de son passé antique, qui s’étend bien au-delà de la seule empreinte romaine. Les sites celto-ligures, dont le plus connu est l’oppidum d’Entremont à Aix-en-Provence, n’ont pas de musées en propre, mais le musée Granet en expose des pièces de grande valeur. C’est cette population que les Grecs de Phocée trouvent en débarquant à Marseille. Bien des éléments de l’implantation grecque étaient connus sur plusieurs points du littoral, mais elle s’offre aux yeux de tous depuis la découverte des vestiges de leur port sur les terrains du centre Bourse de Marseille en 1967 et l’aménagement qui en a été fait, tandis que tout à côté le Musée d’histoire de la ville, rénové en 2013, met particulièrement bien en valeur les principaux éléments de cette installation.

On trouve des traces, souvent monumentales, de l’époque gallo-romaine partout dans la région. Elles ont attiré depuis longtemps l’attention des érudits et des pouvoirs publics, puisque certaines des plus admirables ont été classées dès 1840 et l’établissement de la première liste des monuments historiques : le théâtre antique, la nécropole des Alyscamps et les arènes  à Arles, le théâtre antique et l’arc de triomphe d’Orange, mais aussi les arènes de Fréjus dans le Var, le pont de Vaison-la-Romaine dans le Vaucluse, les colonnes antiques de Riez dans les Alpes-de-Haute-Provence, puis, peu après le rattachement de Nice à la France, le spectaculaire trophée des Alpes, à La Turbie (Alpes-Maritimes). Le site de la ville de Glanum et « les Antiques » de Saint-Rémy-de-Provence, sur le rebord des Alpilles, identifiés dès le XVIIe siècle, ont très tôt été fouillés. Ils sont devenus précocement l’un des sites romains les plus fréquentés et ont donc posé, avant d’autres, les problèmes liés à une fréquentation de masse.

Glanum fait partie des sites candidats, depuis 2002, au Patrimoine de l’UNESCO, en compagnie d’un ensemble de vestiges romains situés de part et d’autre du Rhône. Mais la création et les découvertes récentes les plus remarquables pour la période romaine ont eu lieu à Arles, où a ouvert en 1995 le Musée départemental de l’Arles antique dans lequel les spectaculaires pièces trouvées dans le Rhône, dont un magnifique buste qui serait celui de César, sont exposées. 

Une extension du musée a même été nécessaire en 2012 pour faire sa juste place, dès l’année suivante, au chaland antique Arles Rhône 3, long de 31 mètres, découvert dans le fleuve en 2004.  

# Des châteaux du Moyen Âge aux citadelles de l’époque moderne

Les vestiges de châteaux laissés par la période médiévale sont par ailleurs extrêmement nombreux et beaucoup de localités sont toujours dominées par ce qui reste de leurs murailles ou de leur donjon. Certains de ces vestiges, plus ou moins accessibles – ceux de Forcalqueiret (Var) ou de Buoux, au cœur du Luberon (Vaucluse) par exemple – restent impressionnants. D’autres, qui ont été souvent remaniés aux Temps modernes (XVIe-XVIIIe s.), sont mieux conservés, ainsi celui de Tallard (Hautes-Alpes) ou celui de Lacoste (Vaucluse) auquel le nom du marquis de Sade reste attaché. Il faut évidemment faire un sort particulier au Palais des Papes d’Avignon qui reste le monument le plus visité de Provence ou au château dit « du roi René » à Tarascon qui, tous deux, datent du haut Moyen Âge (XIVe siècle pour le premier, XVe pour le second).

Mais les monuments médiévaux les plus renommés sont religieux. Ce sont d’abord des abbayes. Le monastère de Saint-Honorat situé sur l’île éponyme, dans l’archipel des Îles de Lérins au large de Cannes, renvoie certes à l’ancienneté de la présence chrétienne dans la région, puisqu’il a été fondé par Honorat dès le Ve siècle après J.-C., mais les bâtiments visibles de nos jours datent du Moyen Âge et du XIXe siècle. 

Cependant, ce sont les « trois sœurs cisterciennes », Sénanque, Le Thoronet et Silvacane, trois joyaux de l’art roman du XIIe siècle, qui sont les plus notoires et les plus fréquentées, d’autant que – et c’est un signe des usages du patrimoine que la fin du XXe siècle a vu se développer – elles sont utilisées comme lieu de concerts ou d’exposition. Sénanque, qui se trouve non loin de Gordes, au nord du Luberon, garde une vocation religieuse, ce qui n’est pas le cas de Silvacane, près de La Roque d’Anthéron (Bouches-du-Rhône), et du Thoronet (Var) qui servent de cadres à des festivals de musique ou de chants réputés.

Tout comme l’abbaye bénédictine de Montmajour, près d’Arles, ou Saint-Victor qui domine le Vieux-Port de Marseille, ces deux dernières ont bénéficié d’un classement dans les Monuments historiques dès 1840. La chartreuse de La Verne, isolée dans le massif des Maures à Collobrières, est moins prestigieuse, mais l’écrin de verdure dans lequel elle se trouve rivalise avec celui du Thoronet et la restauration impressionnante dont elle a bénéficié lui a restitué sa dimension. C’est aussi le cas de l’abbaye bénédictine de Boscodon, non loin d’Embrun (Hautes-Alpes). Comme le montre la cathédrale de cette ville, l’art roman a marqué l’architecture des églises provençales et il n’est guère de localités qui n’aient pas leur église ou leur chapelle romanes. Certains de ces édifices - Saint-Trophime à Arles, la cathédrale de Fréjus - sont très fréquentés par les visiteurs, tout comme la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence, mais celle-ci est plus composite et comporte des éléments gothiques majeurs, en même temps qu’une des œuvres peintes parmi les plus célèbres du XVe siècle, le triptyque du Buisson ardent, du peintre avignonnais, Nicolas Froment. Mais c’est avec la basilique de Saint-Maximin (Var) que le gothique provençal a trouvé sa principale expression, même si sa façade n’a malheureusement pas été achevée.

Bien des sites enjambent les derniers siècles du Moyen Âge et au moins le premier des Temps modernes, le XVIe siècle. Le gothique tardif, qualifié de flamboyant, se mêle aux premières influences de la Renaissance. La peinture d’alors, dont le Musée du Petit Palais à Avignon présente une importante collection, témoigne de cette transition, mais aussi les fresques peintes à la fin du Moyen Âge et aux siècles suivants dans les églises et chapelles des collines et vallées de l’arrière-pays niçois autour et à la suite de Louis Bréa et de sa famille.

L’architecture civile associe elle aussi les époques, ainsi pour la citadelle de Sisteron, qui fait partie des monuments les plus courus de Provence, ou les forts – notamment le fort Saint-Jean réutilisé pour le MUCEM - qui défendent l’entrée du Vieux-Port à Marseille. La plupart des localités de la Provence intérieure présentent dans leur cœur ancien la même imbrication. L’exemple le plus spectaculaire est fourni par le village perché des Baux-de-Provence, dans les Alpilles. Haut lieu du tourisme, puisqu’il combine  fréquentation régionale et internationale. Presque abandonné à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il a retrouvé une autre vie grâce à l’attachement manifesté pour faire renaître ce symbole de l’identité provençale des écrivains et des érudits régionalistes, et au choix qu’a fait de s’y installer toute une colonie d’artistes à la suite du maître-imprimeur catalan de renommée internationale, Louis Jou.

Les XVIIe et XVIIIe siècles ont également modelé certains quartiers urbains habités par les hautes classes qui y ont fait construire leurs hôtels particuliers. L’un des mieux préservés est le quartier Mazarin (aménagé par le frère du cardinal de Mazarin) à Aix-en-Provence. Mais Avignon, Nice ou Menton, entre autres villes, conservent de beaux exemples – hôtels particuliers, palais, églises, voire synagogues comme à Carpentras - de cette époque, où le baroque est bientôt contrebalancé, au moins en architecture, par le classicisme. Certains de ces hôtels ont été restaurés pour abriter quelques uns des musées ou des lieux d’exposition les plus connus de la région : le musée Calvet ou la Fondation Lambert à Avignon, le Musée Granet ou celui des Tapisseries à Aix-en-Provence, sans oublier, dans la même ville, cette perle de la fin du XVIIe qu’est le Pavillon Vendôme. Depuis 2015 dans le quartier Mazarin, l’hôtel particulier de Caumont, datant du XVIIIe siècle, accueille, également après rénovation, un nouveau centre d’art. 

En dépit des avatars de leur histoire et des destructions subies, Toulon et Marseille ne sont toutefois pas en reste avec, en particulier, les œuvres que Pierre Puget, artiste complet, a laissées. Le château Borély dans le parc éponyme à Marseille abrite depuis 2013, après travaux, le musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode. Dans cette même cité phocéenne la restauration de la chapelle de la Vieille Charité à Marseille a révélé l’un de ses chefs-d’œuvre et sans doute le plus original.

Bien d’autres éléments du patrimoine ressortent de la période dite Moderne. C’est le cas de nombreuses fortifications qui subsistent, soit sur le littoral, soit le long de la frontière des Alpes. Plusieurs d’entre elles, à Entrevaux, Colmars-les-Alpes ou Toulon, portent la marque de Vauban, mais c’est à Briançon et Mont-Dauphin que son génie s’exprime avec le plus de vigueur et a été le mieux conservé.

Une autre architecture, plus modeste, n’en marque pas moins profondément les paysages, c’est l’architecture rurale en pierres sèches dont l’apogée se situe entre le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe. Elle modèle encore, grâce aux restanques, les versants des collines. Ses formes les plus remarquables sont les bories, ces cabanes au toit de lauzes qu’un musée de plein air a reconstitué à Gordes, mais que l’on trouve dans toute la Provence calcaire.

# Pour continuer le voyage dans le patrimoine culturel de la région

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# Bibliographie

  • Aldo Bastié, Histoire de la Provence, Rennes, Éditions Ouest-France, 2001. 
  • Yann Codou et Michel Lauwers (dir.), Lérins, une île sainte de l’Antiquité au Moyen-Âge, Turnhout, Brepols, 2009.
  • Bernard Crochet, Vauban et son héritage. Guide des forteresses à visiter, Rennes, Éditions Ouest-France, 2019.  
  • Xavier Delestre (dir.),15 ans d’archéologie en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Aix-en-Provence, Édisud-Service régional d’archéologie, 2005.
  • Xavier Delestre, Jacques Buisson-Catil, Les grandes découvertes en Préhistoire dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Aix-en-Provence, Édisud, 2006.