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Les limites à la liberté d’expression

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 14 janv. 2015

L’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 et l’ouverture d’une procédure pour apologie du terrorisme contre le polémiste Dieudonné posent la question des limites à la liberté d’expression en France. Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, et Basile Ader, avocat spécialiste du droit des médias, expliquent les limites à la liberté d’expression fixées par le droit français.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
14 janv. 2015
Production :
INA
Page publiée le :
10 févr. 2016
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001773

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

La liberté d’expression constitue l’une des pierres angulaires de la démocratie. En France, elle est proclamée dès la Révolution. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 énonce ainsi : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 proclame ensuite que « l’imprimerie et la librairie sont libres » (article 1er). La liberté d’expression devient un principe constitutionnel en France en 1946.

Elle est également consacrée par la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 (« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression », article 19) et par la Convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre 1950 (« Toute personne a droit à la liberté d’expression », article 10).

Toutefois, il existe des limites à la liberté d’expression. Elle est encadrée par la loi française. Cet encadrement se fonde notamment sur l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui stipule que « la liberté consiste à pouvoir tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Les limites à la liberté d’expression sont précisées par la loi du 29 juillet 1881. La diffamation ou l’injure sont ainsi passibles d’une condamnation. La provocation à la discrimination, la haine ou la violence envers des personnes « à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » (article 24 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée) l’est également. La provocation à la haine ou à la violence « à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap » est pareillement proscrite. Les personnes qui tiennent de tels propos sont passibles d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. De même, l’apologie des crimes contre l’humanité est réprimée depuis la loi Gayssot du 13 juillet 1990. Celle-ci qualifie en effet de délit la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité, tels qu’ils ont été définis dans le statut de Nuremberg de 1945. Enfin, l’apologie du terrorisme est elle aussi durement punie : depuis la loi du 13 novembre 2014, une personne qui se livre à cette apologie du terrorisme risque jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.

Par ailleurs, le droit à l’humour et à la satire est permis par la loi dans certaines limites. Le tribunal de grande instance de Paris a estimé, dans son jugement du 9 janvier 1992, que la liberté d’expression « autorise un auteur à forcer les traits et à altérer la personnalité de celui qu’elle représente » et qu’il existe un « droit à l’irrespect et à l’insolence. » L’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a par exemple été relaxé en mars 2007 dans l’affaire des caricatures de Mahomet qu’il avait publiées en février 2006 (voir ce document et ce document). Le tribunal correctionnel de Paris a alors jugé que « le genre littéraire de la caricature, bien que délibérément provocant, participe (…) à la liberté d’expression » et que malgré le « caractère choquant, voire blessant pour la sensibilité des musulmans » des dessins parus dans Charlie Hebdo, ils « apparaissent exclusifs de toute volonté délibérée d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans. »

De même, poursuivi après un sketch télévisé dans lequel il incarnait un rabbin juif orthodoxe, Dieudonné avait été relaxé par la justice en 2005 au nom du droit à l’humour. En revanche, le polémiste a été condamné à plusieurs reprises pour « provocation à la haine raciale », « contestation de crimes contre l’humanité » ou « apologie du terrorisme ». Son spectacle Le Mur a même fait l’objet d’une interdiction en 2014 (voir L’interdiction du spectacle de Dieudonné Le Mur).

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Diffusé dans le journal télévisé de 20 heures de France 2 du 14 janvier 2015, ce sujet est consacré aux limites de la liberté d’expression en France. Il s’inscrit dans un contexte bien particulier. Une semaine auparavant, un attentat terroriste a en effet décimé la rédaction de Charlie Hebdo, à Paris : douze personnes, dont huit collaborateurs du journal, parmi lesquels les dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous et Honoré ainsi que le directeur de la publication Charb, ont été assassinés par deux terroristes djihadistes, les frères Kouachi. Ceux-ci ont justifié leur acte sanglant par le fait que l’hebdomadaire satirique avait publié des caricatures de Mahomet en 2006.

Toutefois, la raison principale qui a conduit la rédaction de France 2 à réaliser ce reportage n’est pas directement liée à cette tuerie mais plutôt à deux de ses conséquences. La première, c’est la parution le matin même du 14 janvier 2015 d’un numéro spécial de Charlie Hebdo, une semaine après l’attentat dont l’hebdomadaire satirique a été victime. À deux reprises, ce numéro est montré dans le sujet : on voit une kiosquière en mettre en place des piles. Sa une, dessinée par Luz, représente Mahomet, une larme à l’œil et tenant une pancarte « Je suis Charlie », en-dessous de la mention : « Tout est pardonné ». Ce numéro a dans un premier temps été tiré à un million d’exemplaires contre 60 000 habituellement. L’engouement a été tel que ce sont finalement près de 8 millions d’exemplaires qui ont été tirés. Le tirage de ce numéro de Charlie Hebdo établit ainsi un record absolu dans l’histoire de la presse française. Il devance France-Soir, tiré à 2,2 millions d’exemplaires le 11 novembre 1970 après la mort du général de Gaulle, mais aussi Le Petit Parisien, tiré à 2 millions d’exemplaires le 11 novembre 1918, jour de l’armistice de la Première Guerre mondiale, et L’Équipe, tiré à 1,96 million d’exemplaires le 13 juillet 1998, au lendemain de la victoire de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football.

La procédure ouverte pour apologie du terrorisme ouverte contre Dieudonné est également à l’origine de ce sujet. Cette procédure a été suscitée par un message du polémiste sur son compte Facebook le 11 janvier 2015, au soir de la marche républicaine en hommage aux victimes des attentats des 7, 8 et 9 janvier précédent. Il avait écrit « Sachez que ce soir je me sens Charlie Coulibaly », détournant le slogan « Je suis Charlie » en référence au terroriste Amedy Coulibaly, auteur de la tuerie dans le supermarché Hyper Cacher le 9 janvier 2015. Le message provocateur de Dieudonné est montré dans le sujet par un banc-titre. Le polémiste apparaît aussi à deux reprises : d’abord par le biais d’une photographie d’une de ses arrestations, puis en gros plan lors d’un procès.

Le sujet de France 2 se veut avant tout didactique : il vise à expliquer aux téléspectateurs les limites à la liberté d’expression en France en opposant les deux cas de Charlie Hebdo et Dieudonné. Aussi, après avoir présenté rapidement ceux-ci, il revient aux sources de la liberté d’expression : l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui est mis en exergue par un banc-titre. L’infographie détaillant les quatre principales atteintes à la liberté d’expression a également une visée pédagogique. C’est enfin aussi le cas de l’interview des deux experts qui sont convoqués : Christophe Deloire, secrétaire général de l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières, et Basile Ader, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit des médias. Leurs interventions ont pour but d’expliquer les atteintes à la liberté d’expression définies par le droit français.

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