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La « planète punk », une contre-société

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 08 mai 1986

Le mouvement punk en France est présenté à l'occasion de l'expulsion d'un squat à Montreuil. Des punks, musiciens pour la plupart, expliquent les valeurs de ce mouvement, illustrant la radicalité de ce mode de vie alternatif et marginal.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
08 mai 1986
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001497

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Le mouvement punk (« moche ») apparaît au début des années 1970 comme une réaction de rejet d'une partie de la jeunesse du mouvement hippie puis du disco dans un contexte de crise économique et de chômage croissant. La réaction à la pop et au mouvement peace and love est brutale. Elle s'exprime dans une musique de révolte et de provocation qui n'est plus chantée mais hurlée : le « punk-rock ». Cette musique désigne déjà dans les années 1960 des groupes amateurs et bruyants, mais d'autres comme The MC5, Iggy Pop and The Stooges ou les New-York Dolls se font connaître au début des années 1970, avant que le manager Malcolm MacLaren n'exporte le genre à Londres en lançant le groupe The Sex Pistols. L'explosion du mouvement musical essaime partout à la fin des années 1970 : Nina Hagen en Allemagne, The Ramones puis The Dead Kennedys aux Etats-Unis, Starshooter puis les Béruriers noirs en France. L'épicentre demeure en Angleterre qui connaît son apogée en 1977 avec The Damned et The Clash puis The Exploited.

Au-delà du style musical, le punk exprime une rébellion contre la société de consommation dont les punks sont les enfants et la première génération à connaître la crise économique. Leur discours prône l'anarchisme contre les institutions et la société de marché, et d'individualisme par anticonformisme. Comme les hippies avant eux ils sont opposés à la société de consommation et aux classes moyennes qui l'expriment, mais le font sans nuance. D'un profil social plus populaire, les punks proposent un changement de ton radical : les jeunes filles portent des bas résille et des minijupes de cuir à l'inverse de l'uniforme asexué des jeans pattes d'éléphant.

Dénonçant l'impasse du pacifisme et du réformisme, ils préfèrent l'affrontement avec les forces de l'ordre. Ils qualifient volontiers cet ordre de « fasciste » et s'opposent à la bienséance qu'ils jugent bourgeoise, prédisant son renversement par une jeunesse tour à tour nihiliste et révolutionnaire, toujours en marge. Dans les années 1980, le style punk est largement récupéré par les maisons de couture, les maisons de disque et les médias, poussant le cynisme du mouvement jusqu'au bout.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

« Punk's not dead » ? Le reportage est réalisé en 1986, à un moment charnière du punk. Il n'est pas classé à la rubrique culture mais à la rubrique société en raison de l'affrontement entre deux cent cinquante CRS et une centaine de punks au moment de l'évacuation d'un squat à Montreuil. Cette expulsion musclée par la police est l'occasion de revenir sur un phénomène marginal qui dépasse la simple mode.

La friche industrielle qui ouvre le reportage pose les punks en parasite de la société industrielle : ils occupent illégalement des espaces abandonnés, les « squattent », pour les transformer en abris et en salles de concert. Une fois qu'ils sont évacués, les locaux inutiles sont murés. Le voisinage se réjouit de ce que les bruyants fauteurs de trouble aient été délogés. Les voisins de l'usine signalent que « la police a fait ce qu'elle avait à faire, qu'elle a très bien fait et qu'on est très contents » car ils étaient très « ennuyés » et que cela aurait dû être fait bien avant.

Les punks marquent leur prise de territoire par des graffitis, quitte dans le reportage à mélanger un tag hip-hop au « ni dieu ni maître ! » anarchiste. Les deux mouvements populaires ont en commun le refus de l'autorité, mais alors que le hip-hop investit les lieux publics par la danse, les punks espèrent surtout subvertir la société en rompant avec elle.

Pourtant, pas de coupes iroquoises multicolores, pas même de riffs saturés de guitare pour la Souris Déglinguée. Filmée dans Banlieue Rock, elle prolonge la tradition de la chanson engagée avec une caisse claire, un saxophone et deux guitares sèches. Changement de registre avec les Béruriers Noirs, autre groupe de punk français célèbre. Ceux-là sont plus proches des représentations : des masques comme dans Orange mécanique de Stanley Kubrick, du bruit et de la provocation.

Ils ne sont pas organisés, n'ont « pas de syndicat, pas de porte-parole », mais Alice, de l'association Rock à l'Usine, donne une idée de la trajectoire punk : rupture familiale, chômage et errance de squat en squat. Mais ce n'est pas un regard misérabiliste : l'usine désaffectée est un lieu de rencontre autogéré pour faire de la musique, du sport, de la sculpture et du graffiti. Un lieu de culture souligné par les images tirée de l'émission Les Enfants du rock. Alice interprète donc l'expulsion comme une manière de réduire au silence cette expérience sociale, comme l'expression de la répression.

Les punks repèrent des immeubles vides et s'y installent au gré de leurs différentes expulsions, avec un goût prononcé pour la provocation lorsqu'ils repèrent des villas en banlieue car ils ont envie de « changer d'air ». Le squat et le parasitisme sont un mode de vie comme le revendique D'Jaxhs, chanteur des Camionneurs du Suicide, car les jeunes recherchent un endroit où ils puissent se retrouver et s'exprimer.

Ils créent leurs labels de musique en marge des grands distributeurs. Ils éditent des fanzines (littéralement des « magazines de fans ») dont le mode de production artisanal convient à leur marginalité. Le reportage montre le passage du punk à une mouvance alternative plus politisée, qui se perçoit comme un mode de vie et un mode de contestation de la société de consommation. Ce mouvement se caractérise par sa liberté : « Je me disais que si j'ai les cheveux comme ça, je travaillerai jamais à la mairie, mais je veux dire c'est une chose que j'ai voulue, et je me fous que machin me dise : “ah ! De quelle catégorie sociale t'es ?” et patin-couffin. Tant que je m'amuse comme ça, je reste comme ça. Le jour où ça ne m'amusera plus, peut-être que je changerai, j'en sais rien ». Contre la politique instituée en partis et les idéologies d'autonomie héritées de mai 68, les punks font le pari de la « sauvagerie » et « d'être unique » pour trouver sa place, « faire son trou » dans la société qu'ils héritent de leurs parents. Les punks de ce reportage sont loin de l'opposition frontale avec la société, comme le chante le groupe sur scène, « l'avenir c'est pas la violence, c'est la solidarité ».

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