PISTE PÉDAGOGIQUE

Appréhender les récits conspirationnistes

Par Audrey Démonière-RouvelProfesseure documentaliste au lycée Darius Milhaud (Le Kremlin-Bicêtre)
Publication : 14 nov. 2023 | Mis à jour : 24 nov. 2023

Niveaux et disciplines

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Présentation et place dans les programmes

Conçue en deux sessions de 55 minutes, cette piste pédagogique s'adresse aux élèves de Première du lycée général et technologique et vise à définir les mécanismes de discours conspirationnistes. Elle doit amener les élèves à mettre à distance leurs propres opinions et représentations pour mieux comprendre la complexité des discours qu'ils rencontrent dans les médias et sur les réseaux sociaux.

La première séance répondra à la problématique suivante : quelles sont les différentes formes de récits conspirationnistes ? Il s’agit de clarifier et comprendre le vocabulaire « social » autour des récits conspirationnistes et d’en comprendre les mécanismes.

La seconde séance initiera les élèves au décryptage des procédés et arguments des conspirationnistes. La séance permettra de répondre aux questions suivantes : en quoi la compréhension des enjeux du récit peut permettre de prendre du recul, d'affûter son esprit critique et, in fine, de décrypter la rhétorique conspirationniste ? 

 

Points du programme du lycée général et technologique

  • Première > Enseignement moral et civique (EMC) > Fondements et fragilités du lien social > Les phénomènes et mécanismes de contre-vérités : le complotisme et le révisionnisme, les fakes news

  • Première > Anglais monde contemporain (AMC) > Informer et s’informer > Médias à l’heure de la post-vérité

Objectifs pédagogiques

  • Identifier les éléments rhétoriques et argumentatifs d’un discours complotiste.

  • Être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations, comprendre le sens de la complexité des choses.

  • Avoir une lecture critique et informée des évènements, percevoir et confronter les points de vue pour appréhender la pluralité des approches des phénomènes contemporains.  

Séance 1 : Les formes de récits conspirationnistes

Il s’agit d’introduire le sujet en mobilisant les connaissances et les acquis des élèves et en exploitant les notions simplement.

Le récit, première définition

En préambule, on peut rappeler la définition d'un mot que les élèves connaissent depuis la 6e : le récit. Un récit est une présentation (orale ou écrite) d'événements réels ou imaginaires. En français, c'est un texte qui raconte une histoire, un enchaînement d'événements.

Le complot, la théorie du complot et le récit conspirationniste relèvent du récit. Mais ils n'ont pas les mêmes ressorts.

Activité 1 : Carte mentale collaborative

Cette carte collaborative peut être réalisée via différents procédés, l’essentiel est surtout de garder une trace des échanges et de la réflexion des élèves : photographie du tableau blanc, pad numérique, support papier des élèves, etc.

 

Consigne aux élèves
Visionnez cette vidéo.

Quels sont les ressorts du complotisme ?

On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo enseignants)
2023 - On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo enseignants) [EXTRAIT]

Cette vidéo intitulée On nous cache la vérité et moi je la connais (version enseignants) est issue de la série SPAM, produite par l'INA et France Télévisions. Dans cet épisode sont décryptés les ressorts du complotisme. Christine Baraud, professeure documentaliste, s'entretient avec Sylvain Delouvée, chercheur en psychologie sociale.

question 1

Dans une carte mentale, donnez la définition et les mécanismes d'un complot, d'une théorie du complot et du conspirationnisme.

Consigne aux élèves : À partir de la carte mentale que vous venez de réaliser et de la vidéo, répondez aux questions suivantes :

question 2

Quelle est la différence entre un récit conspirationniste et un complot ?

question 3

Peut-on répondre à toutes les questions du monde avec des réponses simples et tranchées ?

À retenir

Complot, théorie du complot et conspiration sont trois formes de récits : elles visent à donner un sens au réel. Un événement historique peut relever d'un complot bien réel, c'est-à-dire d'un projet concerté en secret par plusieurs personnes. En revanche, les théories du complot et les récits conspirationnistes (ou complotistes) relèvent de la croyance et de l'idéologie. Comme tout récit, ils cherchent à ordonner le réel : ce sont des visions du monde. « Les récits sont des vérités philosophiques : ils sont des visions du monde, des interprétations de ce qui nous arrive » (Hannah Arendt).

Pour aller plus loin

Cette brochure du CLEMI propose une définition éclairante du récit conspirationniste (à télécharger ci-dessous). Le récit conspirationniste ne prend pas le temps de comprendre les faits, c’est son interprétation qui prime. Dès que la dépêche de presse arrive, la même explication survient : cet événement ferait forcément partie d’une guerre d’information et serait l’œuvre des gouvernants du pays visé et aurait pour but de manipuler l’opinion. 

CLEMI : Comment « muscler » l’esprit critique de vos enfants

Activité 2 : Les mécanismes d’adhésion aux récits conspirationnistes

Le besoin d'appartenance : définition

Nous appartenons à plusieurs groupes sociaux au sein desquels nous évoluons en adaptant notre façon de parler, de nous mouvoir, de nous comporter. Tout être humain ressent le besoin d’appartenir à un groupe (qu’il soit réel ou virtuel) : c’est le besoin d’appartenance.

Consigne aux élèves

  • Observez les images proposées
    Quelles images retiennent votre attention lorsque vous pensez à « appartenance à un groupe » ? Argumentez votre choix sur votre fiche élève.
  • Dressez une liste des différents groupes auxquels vous appartenez et de votre rôle à l’intérieur de ces groupes.

question 4

Pouvez-vous parler des mêmes sujets dans toutes les communautés auxquelles vous appartenez ? Que risque-t-il de se passer si vous diffusez les mêmes récits dans tous vos groupes d’appartenance ?

question 5

Regardez l'extrait de la vidéo SPAM ci-dessous. En vous appuyant sur ce dernier, expliquez les mécanismes qui font qu'on adhère à un récit.

On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo enseignants)
2023 - On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo enseignants) [EXTRAIT]

À retenir

« Les récits permettent de créer des communautés », selon le philosophe français Roland Barthes (1915-1980). Ils illustrent un ensemble de valeurs communes à un groupe et focalisent notre attention sur la résolution d’un désordre (la donnée aberrante).

Séance 2 : Décrypter les procédés utilisés par les conspirationnistes

Il s’agit d’être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations, et de comprendre la complexité du monde.

Activité 1 - Questionnements sur la construction d’un récit conspirationniste

Le récit conspirationniste répond à des codes précis qu'il s'agit ici de mettre en évidence. 

 

Consigne aux élèves : visionnez la vidéo suivante.

On nous cache la vérité, et moi je la connais – vidéo élèves

Cette vidéo, issue de la série SPAM (Savoir, penser, analyser les messages), décrypte les récits complotistes. Les théories du complot n'ont pas attendu les réseaux sociaux pour exister, mais les outils technologiques facilitent leur fabrication comme leur diffusion. Pourtant, en pointant du doigt un ennemi ou une cause toute désignée, on s'empêche de penser le monde dans sa complexité.

Le premier extrait ci-dessous décrit les procédés utilisés dans les vidéos complotistes.

On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo élèves)
2023 - On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo élèves) [EXTRAIT]

Ce second extrait décrit le succès des théories du complot chez les 18-24 ans.

On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo élèves)
2023 - On nous cache la vérité, et moi je la connais (vidéo élèves) [EXTRAIT]

question 1

Quels sont les codes du récit conspirationniste ? Quels procédés visuels ou de montage les vidéos conspirationnistes utilisent-elles sur les réseaux sociaux ?

Activité 2 - Décryptage des arguments des conspirationnistes

Il s'agit d'être capable de prendre du recul par rapport aux récits et d'affûter son esprit critique. L'enseignant propose aux élèves de travailler sur des extraits d'un journal télévisé et d'un reportage portant sur la remise en cause du changement climatique par les climatosceptiques.

Modalités de l'activité : la classe est divisée en deux groupes. Chaque groupe visionne une ou deux des vidéos proposées.

GROUPE 1. Consigne aux élèves : En groupe, visionnez une vidéo parmi les deux proposées ci-dessous et répondez aux questions.

Réchauffement climatique : les sceptiques de l'Oklahoma
2018 - Réchauffement climatique : les sceptiques de l'Oklahoma
Interview d'un couple d'Américains croyants et climatosceptiques
2015 - Interview d'un couple d'Américains croyants et climatosceptiques

question 2

Relevez les groupes d'appartenance des personnes interviewées.

question 3

Quels sont les procédés rhétoriques et argumentatifs utilisés par les personnes interviewées pour nier le changement climatique ?

question 4

Peut-on parler de neutralité de points de vue ?

question 5

Quelles sont les sources ?

GROUPE 2. Consigne aux élèves : En groupe, visionnez cette vidéo sur le conspirationnisme sur les réseaux sociaux :

Tristan Mendès France sur les ressorts du complotisme climatique
2021 - Tristan Mendès France sur les ressorts du complotisme climatique

question 6

Qu'est-ce que le complotisme climatique ?

question 7

En quoi les réseaux sociaux favorisent-ils la propagation des théories conspirationnistes ?

À retenir

Les climatosceptiques présentés dans ces archives utilisent une panoplie large d'arguments pour justifier leur position : l'ironie, le fatalisme, le rejet de la science. Leur démarche n'est pas basée sur la recherche de sources et de faits prouvés, mais sur l'adhésion à une croyance. Dans leur système de croyance, la science s'oppose forcément à Dieu. (L'enseignant pourra expliquer que tous les croyants ne s'opposent pas à la science et que des scientifiques peuvent concilier foi et science). La vision du monde des climatosceptiques - tels que présentés dans ces archives télévisuelles - s'accorde aux intérêts de leur propre groupe d'appartenance.

Au contraire, les scientifiques se basent sur des faits, des études et le consensus pour pouvoir traiter un sujet. De même, en journalisme, l'observation et la vérification des faits sont essentiels : une série de faits devient une information à partir du moment où ces faits sont vérifiés et vérifiables et s'ils ont un intérêt pour le public.

Conclusion générale

Face à toute information, il convient de se poser des questions sur l'émetteur (à quel groupe appartient-il ? pourquoi adopte-t-il ce récit ? quels sont ses intérêts ?).

Pour conserver son esprit critique, il est préférable de garder du recul face à son besoin d'appartenance.

Face à une vidéo, il convient de garder son esprit critique et de ne pas se laisser impressionner par le procédé du mille-feuille argumentatif : une théorie du complot convainc souvent par une accumulation d’arguments qui incitent à douter, même si l’on n’est pas entièrement convaincu.

Pour aller plus loin

Bibliographie

Vidéographie

Pourquoi des personnes croient-elles aux théories du complot ? En février 2018, Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès, a produit un rapport sur les théories du complot, avec Conspiracy Watch et l’Ifop. Pour Franceinfo Junior, il répond aux remarques et questions d’élèves de 5e sur les théories du complot.
 

Décrypter les médias avec la série SPAM

Retrouvez toutes les ressources de la série SPAM pour décrypter les médias et l'information avec vos élèves.

Article

Niveaux: Cycle 2 Cycle 3 Cycle 4 Lycée général et technologique Lycée professionnel

SPAM, une série pour décrypter les médias et l'information avec vos élèves (EMI)

Dans « SPAM » (« Savoir, Penser, Analyser les Messages »), des professeurs et des experts répondent aux questions que se posent les élèves sur 11 thématiques-clés pour décrypter les médias et l’information. Produite par l’INA pour France Télévisions et créée avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), cette série s'adresse aux élèves du cycle 2 à la Terminale.

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