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L’Allemagne nazie envahit la Pologne en septembre 1939

Copyright de l'image décorative: AFP

La photo en tête d'article a été prise en septembre 1939 et montre l'armée allemande entrant en Pologne après avoir attaqué le pays, le 1er septembre.
Par Christian Ingraodirecteur de recherche au CNRS
Publication : 27 nov. 2023 | Mis à jour : 28 févr. 2024

Niveaux et disciplines

Le 1er septembre 1939, dans un discours au Reichstag, Adolf Hitler présente l’invasion de la Pologne comme une opération de défense et de sauvetage en réaction aux provocations polonaises. En réalité, cet assaut éclair (Blitzkrieg) a été savamment préparé pour surprendre des divisions polonaises sous-équipées. Une invasion qui marque le début de la Seconde Guerre mondiale.

 

Le 1er septembre 1939, dans un discours au Reichstag, le chancelier Adolf Hitler annonce l’invasion le matin même de la Pologne.

Extrait du discours d’Hitler au Reichstag, le 1er septembre 1939

 

 

« Depuis des mois, nous vivons tourmentés par un problème, le même que celui qui nous fut autrefois causé par le traité de Versailles – ou plutôt le diktat de Versailles – un problème qui, par sa dégénérescence et sa dénaturation, nous était devenu insupportable. Dantzig était et reste une ville allemande. (…) Sans le peuple allemand, c’est la pire des barbaries qui règnerait dans toutes ces régions de l’Est.

Dantzig fut séparé de nous, le corridor fut annexé par la Pologne, tout comme d’autres territoires allemands à l’Est. Et surtout, les minorités allemandes vivant là-bas furent traitées d’une manière ignoble. »

 

 

Dans son discours, Hitler affirme ensuite qu’il a fait à la Pologne des propositions de règlement pacifique du problème de Dantzig.

« Ces propositions ont été rejetées. Et ce n’est pas tout : les réactions qu’elles provoquèrent furent d’abord des mobilisations, et ensuite une terreur renforcée, avec une pression accrue sur les Allemands de ces régions et une lente lutte d’étouffement contre la ville libre de Dantzig. »

 

Dans cette allocution, le dictateur prend soin d’avancer que, depuis la défaite et le traité de Versailles de 1919, une minorité germanophone subit les pressions d’un gouvernement polonais de plus en plus nationaliste.

     

Le « diktat » de Versailles

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Signé en 1919, le traité de Versailles met fin à la Première Guerre mondiale et cherche à régler les conditions de la paix en Europe, en imposant notamment des conditions très dures au vaincu allemand afin d'empêcher toute nouvelle guerre en Europe. Ce traité est négocié par quatre dirigeants : Wilson (États-Unis), Clemenceau (France), Loyd George (Royaume-Uni) et Orlando (Italie). Il est vécu par la plupart des Allemands comme un « diktat » et a permis notamment la création du couloir de Dantzig, afin de donner à la Pologne un accès à la Baltique. Ce corridor, habité par une communauté germanophone, coupe l’Allemagne en deux, séparant la Prusse orientale du reste du territoire.

Le coup monté de Gleiwitz

Pour mieux justifier aux yeux de la communauté internationale cette invasion de la Pologne, les nazis ont lancé la veille, le 31 août 1939, un coup monté visant à faire croire à une incursion de soldats polonais en territoire allemand. Heinrich Himmler, patron de la SS (l’organisation censée rassembler les élites raciales et politiques de l’Allemagne nazie) et Reinhard Heydrich, chef du service de renseignement de la SS (le SD ou Sucherheitsdienst), ont imaginé d’envoyer à Gleiwitz, ville allemande près de la frontière polonaise, un commando d’hommes déguisés en soldats polonais qui « attaqueront » l’émetteur radio afin d’y diffuser un message haineux à l’égard du Reich. Cet incident diplomatique, monté de toutes pièces, servira de prétexte, parmi d’autres, à l’intervention allemande en Pologne.

Réelle ou imaginée, entretenue et aggravée, cette « pression » des Polonais sur la communauté germanophone de Dantzig fait de la déclaration de guerre et de l’agression un acte salvateur. L’Allemagne, ainsi, est, aux yeux du Führer et de ses partisans, en train de porter secours à des communautés allemandes « étouffées » par l’oppression polonaise. Le discours d’Hitler prend soin de rappeler que le corridor de Dantzig qui, selon lui, étrangle la ville « libre » et les communautés allemandes, constitue un héritage de la Grande Guerre. Il rend l’intransigeance polonaise responsable de la situation. Une guerre défensive contre un ennemi surgi du passé : il s’agit bien là pour les nazis d’une guerre de revanche et les pratiques d’invasion le montraient en creux.

Un assaut rapide mené par deux armées

Le Plan blanc qui organise l’invasion de la Pologne prévoit un assaut mené par deux armées, l’une venant du nord et de la Prusse orientale, l’autre venant du sud et de la Silésie pour prendre en tenaille Varsovie et les provinces de l’ouest. L’attaque combine des offensives terrestres menées par des corps blindés et mécanisés, coordonnés avec une artillerie nombreuse et une aviation d’appui au sol et de bombardement en piqué précise. Une tactique qui a été progressivement développée en 1917-1918, puis, après la défaite, conservée et améliorée au fur et à mesure des progrès de l’aviation et des blindés. Ce qui allait bientôt s’appeler un peu abusivement Blitzkrieg (la guerre-éclair) constitue ainsi un héritage de la Grande Guerre, transmis par des chefs qui sont eux-mêmes d’anciens combattants des tranchées. Il s’agit d’utiliser l’aviation tactique pour détruire les voies de communication et la logistique ennemies pour paralyser les dispositifs de défense puis, par une attaque combinée d’éléments blindés et d’infanterie d’assaut regroupés dans de grandes unités mécanisées, de créer des brèches en exploitant les faiblesses des défenses fixées, tandis que, en dernier lieu, les divisions d’infanterie classiques, moins mobiles, réduisent les poches de résistance. Une seule obsession : le mouvement, pour éviter une longue guerre de position dans les tranchées.

À la tête des unités d’invasion, des cohortes d’officiers qui, comme Erwin Rommel, Heinz Guderian ou Erich von Manstein, avaient passé l’entre-deux-guerres à perfectionner l’art opératif et la mise en mouvement d’un front.

Le résultat est conforme aux espérances de la hiérarchie nazie. Le rapport de force est exorbitant : 62 divisions allemandes font face à 36 divisions polonaises sous-équipées. Attaquée sur deux fronts, prise à revers par l’Armée rouge à partir du 17 septembre, l’armée polonaise, malgré l’abnégation de ses unités et l’appui massif des populations civiles, se trouve immédiatement dans une situation désespérée. Varsovie est atteinte par les unités allemandes en une semaine, le 8 septembre. La ville de Radom, qui renferme 60 000 combattants assiégés, capitule le 12. Varsovie résiste jusqu’au 28, les dernières troupes capitulent le 1er octobre, sans que jamais l’on en vienne à une reddition générale.

Un enfant est assis sur les ruines d'un immeuble dans une ville totalement détruite.

Ryszard Pajewski, un garçon polonais, dans les ruines de Varsovie en septembre 1939. Photo de Julien Bryan / Domaine public.

 

Dans le sillage des unités d’assaut, des unités mobiles de policiers, baptisés « groupes d’intervention » (Einsatzgruppen), ont pour mission de prendre le contrôle des villes et des bâtiments publics, et de maintenir l’ordre. Ces unités chassent des francs-tireurs aussi imaginaires qu’ils avaient pu l’être en Belgique et dans le nord de la France en août 1914, ainsi que des insurgés nationalistes séparatistes polonais soulevés en 1919 contre l’Allemagne vaincue, et tuent sous ces prétextes 12 000 civils en six semaines. Oui : cette guerre est bien une guerre vindicatoire, une guerre de la revanche.

Ce qui n’a pas eu lieu en France en septembre 1914 grâce au « miracle de la Marne » intervient ainsi en Pologne. Une armée en mouvement réduit en une guerre-éclair de six semaines une nation à la capitulation. Après la guerre du passé vient le temps de l’occupation en Pologne.

Autour, l'Europe s'embrase. Aussitôt la Pologne envahie, le gouvernement français décrète la mobilisation générale et instaure l’état de siège. Deux jours plus tard, la France déclare la guerre à l’Allemagne. La Seconde Guerre mondiale débute.

 

Pour aller plus loin

1923-1936 : l'ascension d’Adolf Hitler et du parti nazi

Mars 1938 : l'Anschluss, annexion de l'Autriche

Septembre 1938 : les accords de Munich

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