ARTICLE

De l'Empire aux décolonisations, la naissance de la francophonie

Habib Bourguiba © Public Domain, via Wikimedia Commons - Hamani Diori © Kroon, Ron / Anefo, CC BY-SA 3.0 NL, via Wikimedia Commons - Norodom Sihanouk © fototeca.iiccr.ro, via Wikimedia Commons Léopold Senghor © Roger Pic, Public domain, via Wikimedia Commons
Par Juliette SerfatiJournaliste
Publication : 27 sept. 2024 | Mis à jour : 27 sept. 2024
Temps de lecture : 4 min

Niveaux et disciplines

Pensée à la fin du XIXe siècle pour contribuer au développement de l’empire colonial français, la francophonie s’est institutionnalisée autour de la promotion et de la diffusion de la langue française comme culture commune.

 

La francophonie, qui désigne « tous ceux qui sont ou semblent être destinés à rester ou à devenir participants de notre langue », relève d’une mission universelle et civilisatrice : la langue fait le peuple. Le terme « francophonie » apparaît dans les années 1880 sous la plume d’un géographe, le Français Onésime Reclus dans son livre France, Algérie et colonies consacré au développement de l’empire colonial français. 

 

À l’époque, presque 48 millions de personnes – en Algérie, au Sénégal, en Cochinchine [1] Sud de l’actuel Vietnam. et au Cambodge, en Nouvelle-Calédonie et à Tahiti – partagent l’usage du français.

Le français rachète son indigence présente par sa grâce et par sa clarté. Il se plie à la poésie, et nomme avec orgueil des poètes que nul ne surpasse ; mais là n’est pas son meilleur domaine : il est fait pour la prose, le récit limpide, l’histoire, la science, le discours ; l’éloquence est aussi son fait, surtout celle qui a son principe dans l’esprit, la netteté, la bonne grâce : en tout cela, c’est bien l’idiome supérieur, digne de sa réputation de langage le plus vif et le plus civilisé de l’Europe. 

Onésime Reclus.

Le linguiste Bernard Cerquiligni confirme que, pour lui, la francophonie est l’extension au monde de la nature politique de la langue française. Pourtant le terme tombe quasiment dans l’oubli jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

La francophonie dans le monde
- La francophonie dans le monde [EXTRAIT]

Les pères de la francophonie

Au XXe siècle, alors que les anciennes colonies gagnent une à une, souvent dans le sang, leur indépendance, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor évoque dans la revue Esprit ce merveilleux outil, trouvé dans les décombres du régime colonial : la langue française. 

La francophonie, héritage de l'empire colonial français
2008 - La francophonie, héritage de l'empire colonial français [EXTRAIT]

Avec le Tunisien Habib Bourguiba, le Nigérien Hamani Diori et le Cambodgien Norodom Sihanouk, il fonde la francophonie qu’il définit comme cet humanisme intégral qui se tisse autour de la Terre, cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races qui se réveillent à leur chaleur complémentaire. [2] La phrase est toujours de Senghor. Il ne s'agit de rien moins que construire la civilisation de l'universel.

La francophonie, héritage de l'empire colonial français
2008 - La francophonie, héritage de l'empire colonial français [EXTRAIT]

En février 1969 se tient à Niamey, au Niger, la première Conférence intergouvernementale des États francophones organisée par ces quatre pères de la francophonie contemporaine.

 

La seconde édition marque la naissance, le 20 mars 1970 (date qui deviendra la Journée internationale de la francophonie à partir de 1988), de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), qui va peu à peu tenir un vrai rôle politique.

Devenue l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) en 1998, elle est dirigée depuis 2018 par la Rwandaise Louise Mushikiwabo – ce qui ne va pas sans polémiques (notamment parce que le Rwanda a remplacé le français par l'anglais en tant que langue obligatoire à l'école en 2008 et a rejoint le Commonwealth en 2009).

L’OIF se donne pour objet d’apporter aux États qui la composent un appui dans l’élaboration ou la consolidation de leurs politiques et mène des actions de politique internationale et de coopération multilatérale avec quatre grandes missions : 

  • la promotion de la langue, du plurilinguisme et de la diversité culturelle ;
  • la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme ;
  • l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ;
  • la coopération économique au service du développement durable.

 

Pourquoi des pays non francophones adhèrent-ils à l’OIF ?

L’adhésion de pays non francophones à l’OIF tient à de multiples raisons, comme l’explique Roger Pilhion, spécialiste de la francophonie ayant longtemps travaillé au Centre international d’études pédagogiques (CIEP) et au ministère des Affaires étrangères [3] Auteur, en 2020, d’un état des lieux intitulé La Langue française dans le monde.  : liens historiques avec la France (Vietnam, Cambodge, Laos), environnement régional francophone (Ghana, Mozambique, Guinée équatoriale), attachement aux « valeurs des Lumières » incarnées historiquement par la France (Roumanie, Bulgarie et autres pays d’Europe centrale et orientale, anciennement communistes), recherche de contre-pouvoirs dans la mondialisation (Mexique), recherche de marchés (Corée du Sud, Émirats arabes unis, Qatar). Enfin, n’ignorons pas les considérations géopolitiques : Roger Pilhion estime que le Brexit pourrait être un des facteurs ayant conduit à l’adhésion de l’Irlande à l’OIF en 2018.

Pour aller plus loin

     

Notes de bas de page

Thèmes

Sur le même thème