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L’hégémonie de l’anglais est-elle irréversible ?

Copyright de l'image décorative: © Franck Fife / AFP

La tour Eiffel est illuminée aux couleurs du drapeau olympique lors du lancement de la campagne internationale pour la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Paris, le 3 février 2017. 

Par Juliette SerfatiJournaliste
Publication : 27 sept. 2024 | Mis à jour : 27 sept. 2024
Temps de lecture : 3 min

Niveaux et disciplines

Business, culture, médias, publicité, institutions... En Europe, la langue de Shakespeare gagne partout du terrain, au détriment du français. Molière peut-il encore sonner la révolte ?

 

En 2016, le réalisateur Michel Ocelot se lamentait dans une tribune parue dans Le Monde : 

Les Français sont atteints de la rage de ne pas parler leur langue. Tout est barbouillé d’anglais ou de pseudo-anglais. Noms de société, marques, émissions, vitrines, galimatias dans les médias, publicités de toutes sortes. Une promenade dans une ville française en compagnie d’un étranger est une épreuve humiliante.

Le constat, amer, est partagé par le journaliste Frédéric Pennel qui voit à Bruxelles l’épicentre de l’effondrement du français en Europe, estimant que la guerre des langues qui s’y livre est sans merci. Dans son enquête [1] Frédéric Pennel, La Guerre des langues. Le français n'a pas dit son dernier mot, éditions François Bourin, 2019. , il se demande qui a torpillé le français comme langue de la construction européenne et quand les élites françaises se sont-elles mises à snober le français ? Le slogan de la Ville de Paris pour sa candidature aux Jeux olympiques, « Made for sharing », ou encore le nom du sommet économique international organisé en France en 2024 par les autorités françaises pour promouvoir les investissements étrangers, « Choose France », parlent d’eux-mêmes…

 

Dans Le Bal des illusions [2] François d'Alançon et Richard Werly, Le Bal des illusions. Ce que la France croit, ce que le monde voit, éditions Grasset. 2024. , Richard Werly et François d’Alençon rappellent pourtant que, entre les deux guerres, le français fut la langue de la diplomatie mondiale, régnant sur les relations internationales : Ce ciment, écrivent-ils non sans emphase, qui permit d’envisager un monde meilleur dans les couloirs de l'impuissante Société des Nations.

C’est une idée que défend le linguiste Bernard Cerquiligni : le français serait la langue des Lumières, du lien social, d’une forme de progressisme là où l’anglais serait celle, pragmatique, du commerce.

Le français, langue de Descartes, est réputé pour sa finesse à évoquer les idées et l’abstraction. En comparaison, l’anglais, plus concret, se montre d’une précision redoutable pour caractériser les différentes formes d’actions. 

Frédéric Pennel, La Guerre des langues. Le français n'a pas dit son dernier mot, éditions François Bourin, 2019.

Le concret, donc, aurait fini par bénéficier à la langue dite de Shakespeare. De fait, les entreprises internationales travaillent en anglais, langue du capitalisme mondialisé. Fait notable pourtant, le gouvernement français a porté plainte, en novembre 2023, contre la Commission européenne devant le tribunal de l’Union européenne en raison de tests de sélection presque exclusivement en anglais dans les nouveaux concours de la fonction publique européenne. Des actes de rébellion pointent ici et là au sein de l’institution où, depuis le Brexit, l’anglais n’est plus la langue maternelle que de 1 % des citoyens alors qu’un tiers du budget de traduction lui est dédié.

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