Le lent dégel sur le front des grèves en juin 1968

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 12 juin 1968 | Date d'évènement : 03 juin 1968

Du 3 au 7 juin, le retour à la normale s'effectue plus ou moins rapidement selon les secteurs professionnels. Les manifestations se poursuivent, la tension reste forte.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Les Actualités françaises
Date de l'évènement :
03 juin 1968
Date de diffusion du média :
12 juin 1968
Production :
INA
Page publiée le :
2003
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000112

Contexte historique

Par Jean-Claude Lescure

La semaine du lundi 3 au vendredi 7 juin 1968 est riche d'événements. Dès le lundi 3 juin, les salariés sont consultés dans de nombreuses entreprises pour une éventuelle reprise du travail qui est déjà effective à la Banque de France, dans les arsenaux et dans quelques entreprises privées, partiellement dans certaines banques, à la Sécurité sociale et aux Charbonnages. Dans le commerce, le 4 juin, aux Galeries Lafayette à Paris, éclatent des incidents entre grévistes et non grévistes, et sur les aérodromes civils, les avions restent bloqués au sol jusqu'à la fin de la semaine. Des négociations ont commencé à l'Education nationale, aux PTT et dans la métallurgie où la situation reste tendue : à Boulogne-Billancourt, les ouvriers présents à l'usine Renault se sont prononcés pour la poursuite de la grève ; à Flins, les piquets de grève s'opposent à la tenue du vote et la situation dégénère en fin de semaine.

Le 7 juin en effet, des ouvriers et étudiants parisiens venus pour les aider tentent d'occuper à nouveau l'usine évacuée par les forces de l'ordre. Dès 10h30 s'engagent des affrontements, pierres contre grenades lacrymogènes, dont certaines sont lancées dans un logement HLM près de l'usine. Les affrontements font une vingtaine de blessés tandis qu'une trentaine de manifestants sont incarcérés. La CGT dénonce alors la venue des étudiants, "groupes étrangers à la classe ouvrière, entraînés quasi militairement", et Georges Pompidou affirme que les forces de l'ordre ont investi l'usine de Flins pour défendre la liberté du travail. Les heurts se poursuivent encore plusieurs jours dans les bois et champs proches du village des Mureaux.

Dans l'audiovisuel, la situation s'est dégradée après la reprise en main annoncée par le nouveau Ministre de l'Information Yves Guéna. La police occupe les locaux de l'ORTF à Paris et en province. Le mardi 5 juin, des techniciens de l'armée sont requis pour faire fonctionner les émetteurs bloqués par les grévistes, et le vendredi 7 juin, le personnel en grève organise des manifestations à l'extérieur du bâtiment occupé par les forces de l'ordre. Les manifestants se succèdent dans la rue : le 4 juin, environ 15 000 "jeunes gaullistes" défilent du Trocadéro au Champ de Mars, tandis que le 6 juin les étudiants manifestent à la gare Saint-Lazare, même si Jacques Sauvageot, dans un meeting à Dijon admet la décélération du mouvement et déclare que "le mouvement recommencera d'ici à 6 mois".

De son côté, le général de Gaulle lance la campagne des élections législatives par une intervention à la radio le 7 juin. Le 8 juin, le mandat d'arrêt lancé contre Georges Bidault a été levé : il rentre à Paris, après 6 ans d'exil au Brésil. Depuis 1962, après la levée de son immunité parlementaire, il était recherché pour complot contre la sûreté de l'Etat en raison de son opposition violente à la politique algérienne du général de Gaulle. La crise de mai 1968 permet de solder des comptes datant de la guerre d'Algérie.

Éclairage média

Par Jean-Claude Lescure

Mai 68 se termine, la reprise en main des médias par le pouvoir politique est en marche. La liberté de ton gagnée par les journalistes pendant les événements disparaît, et la manipulation du langage revient en force : pour qualifier les incidents des Galerie Lafayette, le commentaire parle de "situation moins claire" sans expliciter la réalité des faits. La réalité est forcée pour évoquer la reprise du travail à Orly qui n'est pas effective, les avions ne volent pas. Mais le commentaire dit le contraire, et les images doivent pourtant se contenter de montrer l'intérieur quasi désert des bâtiments de l'aéroport et un simple avion à la manœuvre, sans une image d'avion décollant, car les pistes sont toujours occupées par les grévistes.

La violence des affrontements de Flins est montrée, mais en détournant les faits : on a l'impression que les grévistes sont les responsables de la dégradation d'un immeuble HLM, le commentaire n'explique pas que ce sont des grenades lancées par les forces de l'ordre qui ont brisé les vitres et endommagé les habitations. De la même façon, le silence est fait sur le bilan humain : aucun blessé n'est mentionné.

Le silence est également total sur la reprise en main de l'ORTF : bien sûr les manifestations autour de la maison ronde sont évoquées, sans être expliquées, et surtout aucun nom de gréviste n'est donné au public, car la révélation de la grève d'un Robert Chapatte, Michel Honorin, Emmanuel de la Taille, Pierre Tchernia ou Michel Drucker risque d'attirer la sympathie des spectateurs. Leur disparition des écrans et de la radio est à peine mentionnée.

En fait, tout est construit pour ancrer l'idée d'une normalisation des événements, d'une reprise inexorable du travail, de la résolution des conflits, et de l'efficacité des mesures arrêtées par le Général de Gaulle, à savoir la participation et les élections législatives.

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