vidéo -  Apostrophes

L'OuLiPo et Georges Perec

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 08 déc. 1978

Georges Perec présente son roman La Vie, mode d'emploi.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Apostrophes
Date de diffusion du média :
08 déc. 1978
Production :
INA
Page publiée le :
2006
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000521

Contexte historique

Par Vincent Casanova

Parallèlement aux "Nouveaux Romanciers" qui bouleversent les traditions de la fiction romanesque (Michel Butor, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Claude Simon) se développe après-guerre, notamment dans le sillage de l'ancien surréaliste Raymond Queneau (1903-1976), une littérature explorant de manière ludique les potentialités de la langue. Queneau compose par exemple Exercices de style (1947), soit 99 versions d'une courte histoire.

Le même esprit préside à la fondation en 1960 de l'OuLiPo (acronyme d'Ouvroir de Littérature Potentielle). Atelier d'expérimentation littéraire, ce groupe conçoit selon la formule de Queneau, l'auteur comme "un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir". Assemblant et réassemblant lettres et mots, selon des contraintes structurelles et narratives, les oulipiens, écrivains (Italo Calvino) autant que mathématiciens (son cofondateur François le Lionnais, Jacques Roubaud), ont produit des oeuvres originales. Entrée à l'Oulipo en 1967, Georges Perec (1936-1982), dans La Disparition (1969), écrit un roman sans employer de mots contenant la voyelle "e" ; dans Les Revenentes (1972) au contraire, c'est la seule voyelle admise. La fixation de règles assimile l'écriture à un jeu mais celui-ci peut aussi s'effectuer avec le lecteur, notamment à travers la forme de l'ouvrage.

Dans La Vie, mode d'emploi (1978), qu'il dédie à Raymond Queneau, Perec entreprend la description méthodique d'un immeuble afin de reconstituer le puzzle de la vie et accompagne son roman (sous-titré Romans ), à la manière d'un ouvrage scientifique, d'un index des personnes citées et des histoires racontées, ce qui permet d'aborder le livre selon son bon plaisir et d'en multiplier les angles de lecture. Perec avait ouvert sa carrière en 1965 avec Les Choses, roman dont le sous-titre Une histoire des années 60 révèle la tonalité sociologique, traduisant un regard critique sur la société contemporaine qu'il n'abandonna jamais (cf. sa remarque sur la destruction d'un immeuble haussmannien remplacé par un grand ensemble).

Refusant le roman à thèse, son oeuvre est hantée toutefois par l'effacement des traces du passé. Il y a là sans doute la marque de son histoire personnelle - son père est mort au front en 1940, sa mère en déportation - tout comme la volonté de rétablir la subjectivité au coeur de l'aventure créatrice. Perec est l'un des premiers à se réconcilier avec son "Je" (W ou le souvenir d'enfance, 1975), initiant le retour du roman autobiographique (Enfances de Sarraute, L'Amant de Marguerite Duras). Il est cependant toujours resté sceptique quant au pouvoir littéraire de recréation de mondes oubliés, comme l'indique la dimension souvent parodique et humoristique de ses écrits.

Éclairage média

Par Vincent Casanova

Invité sur le plateau du magazine littéraire "Apostrophes" créé et animé par Bernard Pivot en 1975, Georges Perec impose, dans un parterre d'hommes portant costume-cravate, une attitude tout à la fois vestimentairement décalée (pantalon rouge) qu'un visage aux expressions facétieuses (barbichette, regard souriant, coupe de cheveux s'opposant à la mèche disciplinée de Pivot). Rendez-vous hebdomadaire, l'émission est souvent l'occasion de confrontations et de polémiques, comme le montre le tout début de l'extrait, afin, selon les règles médiatiques qui se mettent alors en place à la télévision, de garder éveiller l'attention du téléspectateur. C'est la même logique médiatique qui le fait inviter les bénéficiaires de prix littéraires, assurant ainsi la promotion de livres aux succès souvent assurés.

Privilégiant plus souvent la figure de l'auteur que le livre en lui-même (ce n'est pas le cas dans les questions ici mais avec l'incrustation du visage de Perec dans la couverture de l'ouvrage), Pivot, grâce à sa capacité à se faire le truchement du public dans les questions qu'il pose et à l'écoute, a contribué à asseoir des réputations comme à élargir le public de grands auteurs (Marguerite Yourcenar, Salman Rushdie). Perec joue totalement le jeu de ce salon littéraire (mais comment aurait-il pu le refuser ?) se pliant à la règle des questions-réponses avec la plus grande clarté d'expression, faisant montre d'un sens de la synthèse à l'imitation de son style aussi limpide qu'efficace.

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