Vidéo
Proposé par Institut national de l’audiovisuel
Date de diffusion : 1971 | Date d'évènement : 1948
Pierre Schaeffer reproduit son expérience de découverte de la musique concrète.
Niveaux et disciplines
Informations et crédits
- Type de ressource :
- Date de l'évènement :
- 1948
- Date de diffusion du média :
- 1971
- Production :
- INA
- Page publiée le :
- 2006
- Modifiée le :
- 29 juin 2023
- Référence :
- 00000000546
Contexte historique
Parallèlement au sérialisme intégral de Pierre Boulez et à ses amis partisans de la table rase, une autre musique contemporaine, la musique concrète, se développe après-guerre. "Inventée" en 1948 par le polytechnicien Pierre Schaeffer (1910-1995), ingénieur acoustique à la radio, celle-ci est une nouvelle technique de composition constituée à partir de matériaux sonores bruts enregistrés, éventuellement déformés et déplacés dans l'espace.
L'idée est venue à Schaeffer lors d'une expérience perceptive triviale - l'écoute obstinée du même fragment de 78 tours rayé - qui lui fit réaliser que l'audition en boucle d'un fragment de réel arraché de son contexte provoquait un effet sans commune mesure. Appelant à un nouvel état d'esprit, Schaeffer entérine là une révolution dans la création musicale dans la mesure où il en élargit la définition, assurant aux sons bruts une légitimité esthétique. Il ne s'agit plus d'écouter les phénomènes sonores pour leur signification mais de s'attacher à leur substance propre. Dès lors la composition musicale devient l'acte de grouper des objets sonores en structures, afin qu'ils se fassent "oublier en tant qu'objets pour n'apporter chacun qu'une valeur à l'ensemble".
Schaeffer décide alors de partir à la recherche d'autre sons naturels, équipé notamment de magnétophones. A partir de ceux-là, il compose sa première oeuvre, Etudes de bruits (1948). En collaboration avec Pierre Henry, il compose par la suite Bidule en ut et surtout en 1950 Symphonie pour un homme seul. Le ballet que réalise Maurice Béjart en 1955 assure à l'oeuvre un succès mondial.
Par ailleurs, indissociable des progrès technologiques qui affectent le traitement et la production des sons, la musique concrète évolue progressivement au contact de la musique électronique, musique composée elle de sons artificiellement créés, assemblés, transformés et déformés. Musique concrète et musique électronique s'unissent au milieu des années 50 et prennent l'appellation d'"électroacoustique", sons naturels et sons créés en studio cohabitant.
C'est ainsi que le Groupe de musique concrète devient le Groupe de Recherches musicales (GRM), institution qui à l'ombre de la radio, développe des musiques de plus en plus complexes, multipliant les déformations électroniques. Schaeffer et Henry stockent des milliers de sons, tels des archivistes, matière qui permet à Schaeffer de rédiger un Traité des objets musicaux (1966). Par cette utilisation du disque rayé comme d'un instrument de musique, Schaeffer et Henry ont été perçus comme les pères du scratch ou du sample, soit l'usage répété et répétitif de brefs motifs sonores ou mélodiques que l'on trouve notamment dans le rap et le hip-hop, et comme les pères de la techno, genre musical qui repose sur la création et l'assemblage de sons et de rythmes par ordinateurs.
Éclairage média
Pierre Schaeffer reproduit ici son expérience initiale du sillon fermé. En une mise en scène savamment réglée, ils jouent, en compagnie de ses deux assistants d'alors, François Delalande et Guy Reibel, son Etude pathétique, titre en clin d'oeil à la Sonate Pathétique pour piano de Beethoven et extraite de ses Etudes de bruit.
Tournée dans les studios de l'ORTF où Schaeffer dirigea le Club du studio d'essai, cette reconstitution tend à normaliser le plus possible l'expérience. Fumant la pipe, il donne là l'image, à l'époque partagée, de l'homme installant son disque et prenant soin de placer délicatement le bras de la platine. Ce geste est après démultiplié pour la création de sa "partition", composée simplement de chiffres et de lettres (1 de A, 6 de B, 7 de A), correspondant à chaque fois à un disque (A) et à un sillon (1, 6, 7). Cet aspect expérimental apparaît dès lors assez proche d'une expérience scientifique, réalisée en laboratoire, où chaque geste est mesuré, suivant un ordre apparemment logique.
Le sérieux avec lequel les musiciens jouent est alors emblématique de la volonté de légitimation d'une musique déconsidérée par de nombreux mélomanes. Les gros plans sur les mains viennent de leur côté signifier en quoi cette musique est produite par la main de l'homme afin d'effacer l'impression machinique qu'elle peut susciter au premier abord.