vidéo - 

Salvador Dalí

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 13 déc. 1961

L’artiste Salvador Dalí vient donner une conférence sur le culte de sa personnalité aux élèves de l’École polytechnique.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
13 déc. 1961
Production :
INA
Page publiée le :
2006
Modifiée le :
06 févr. 2024
Référence :
00000000592

Contexte historique

Par Vincent Casanova

Né en 1904, le peintre espagnol Salvador Dalí est l’incarnation idéale de la figure de l’artiste contemporain, se jouant des règles de la création académique. Associé au courant surréaliste auquel il participe dès son arrivée à Paris en 1927, son œuvre, marquée par une interprétation souvent fantaisiste de la psychanalyse freudienne, se fonde sur une iconographie à dominante sexuelle et morbide, transcription de ses fantasmes et de ses obsessions. Définissant sa méthode comme paranoïaque-critique, c’est-à-dire comme une méthode spontanée de connaissance irrationnelle fondée sur l’association interprétative critique des phénomènes délirants, il envisage de crétiniser le monde afin d’en trouver l’essence à travers une appréhension démultipliée du réel. Exclu du mouvement surréaliste à la fin des années 1930 après ses déclarations en faveur de Hitler et de Franco, Dalí, après 1945 en particulier, diversifie de plus en plus ses activités, contribuant à diffuser et à vulgariser l’imagerie surréaliste dans le quotidien (mode, décoration, ameublement, publicité). Dalí aura cherché toute sa vie à systématiser la confusion entre les genres et les œuvres.

Cette vision ouvertement anarchiste en a fait le précurseur de nombreux courants de la deuxième moitié du XXe siècle, dans les domaines de la peinture, mais aussi du cinéma, de l'objet, de l'architecture et de l'installation. L’excentricité de son comportement, son génie publicitaire, son goût prononcé de la provocation où la part de l’humour, de l’imposture et celle des pulsions les plus profondes sont indéterminables, l’ont transformé en une attraction médiatique, suscitant pour cette raison dans le monde de l’art de nombreuses critiques. André Breton, ancien camarade surréaliste, l’a moqué, en proposant de le renommer sous forme d’anagramme : Avida Dollar. Par là, il s’agissait de stigmatiser son appât du gain et du succès à n’importe quel prix.

Se jouant de la marchandisation de l'art contemporain, se posant en génie, Dalí obtint la consécration académique, qu'exprime par exemple son invitation à faire des conférences dans des établissements prestigieux comme l'École polytechnique en 1961. Il y assume sans complexe son statut, tournant tout à la fois en dérision l'institution et l'institutionnalisation de sa personne. Alors qu'il est devenu un personnage, ses apparitions publiques font autant partie de son œuvre que ses productions picturales et graphiques. Il meurt en 1989, sept ans après sa femme, Gala, qui l'accompagna tout au long de sa vie créatrice.

Éclairage média

Par Vincent Casanova

Ce document révèle aussi bien la maîtrise par Dalí de son image que l’intérêt de la télévision pour les figures excentriques qui permettent de gonfler l’audimat à peu de frais. Ainsi l’ensemble de la rencontre est-il totalement mis en scène. Dalí, casqué des effigies de Castor et Pollux qui s’éteignent à tour de rôle et de façon alternative, débite son discours avec un sérieux imperturbable. Dans le noir, puis à demi-éclairé, il joue d’une ambiance mystérieuse.

Avec la complicité du journaliste qui l'appelle maître malgré le ridicule de la scène, Dalí se met lui-même à distance par l'usage de la 3e personne du singulier pour se nommer, tout autant que sa sur-articulation (et son accent espagnol) vient rendre cet échange un peu plus artificiel. Puis, devant un public de haute tenue, il enchaîne les déclarations provocantes (sur Staline, dont il regrette l'oubli) ou les citations absurdes (celle de Lénine notamment) qui visent à révéler l'imposture du savoir académique incarné par l'École polytechnique aussi bien qu'à apparaître comme une critique des médias qui leur accordent de l'importance en les diffusant. Les applaudissements mécaniques rappellent par ailleurs cette spectacularisation des apparitions de Dalí dont la télévision était particulièrement friande.

C'est ainsi que le n'importe quoi que visait à dénoncer Dalí s'est progressivement retourné contre lui, la télévision revendiquant cette attitude pour mieux divertir. C'est également une façon pour elle de choquer, sans que cette provocation n'ait de signification ouvertement politique et idéologique. Le scandale est devenu à la télévision un outil du consensus.

Lieux

Personnalités

Thèmes

Sur le même thème