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Proposé par Institut national de l’audiovisuel
Date de diffusion : 18 déc. 1966
André Lichnerowicz, professeur au Collège de France, explique ce que signifie être mathématicien et faire de la recherche en mathématique. Il expose l'intérêt des recherches en algèbre pour l'ensemble des disciplines scientifiques.
Niveaux et disciplines
Informations et crédits
- Type de ressource :
- Forme :
- Collection :
- Date de diffusion du média :
- 18 déc. 1966
- Production :
- INA
- Page publiée le :
- 2006
- Modifiée le :
- 29 juin 2023
- Référence :
- 00000000635
Contexte historique
Les mathématiques françaises, au moment où s'exprime André Lichnerowicz, au milieu des années 1960, connaissent une très grande renommée, caractérisée par l'audience de leurs publications. Depuis 1945, plusieurs mathématiciens ont été consacrés par la médaille Fields, équivalent du prix Nobel de mathématiques.
Pour introduire au travail d'un mathématicien, André Lichnerowicz choisit de présenter une branche des mathématiques : l'algèbre. Encore aujourd'hui, l'algèbre au sens courant et dans l'enseignement primaire et secondaire désigne le calcul et la résolution d'équations. Or, depuis le milieu du XIXe siècle, l'algèbre est l'étude des ensembles. A partir de lois de composition simples, elle détermine des structures algébriques dont elle étudie les propriétés. Parmi ces structures algébriques, on trouve les groupes, ensembles d'éléments disposant des mêmes propriétés. De même, l'algèbre permet de dégager les ensembles plus complexes, disposant de propriétés plus élaborées, que sont les espaces vectoriels : leur étude relève d'une partie de l'algèbre dite " linéaire ".
L'intérêt de l'algèbre est qu'elle a permis de généraliser les raisonnements à l'ensemble des structures algébriques de même nature, sans plus se soucier de la nature des éléments qui composent les ensembles. C'est pourquoi elle joue un rôle essentiel dans presque tous les domaines des mathématiques, en physique et en mécanique quantique et constitue un des fondements des mathématiques actuelles. André Lichnerowicz insiste beaucoup sur l'unité de " la " mathématique moderne. L'idée que les mathématiques sont une matière unifiée vient de Nicolas Bourbaki, qui forge ce terme de " mathématique " au singulier. Sous le pseudonyme de Bourbaki, se cache un "mathématicien collectif" fondé en 1935 par un groupe d'élèves de l'Ecole Normale Supérieure, insatisfaits de l'enseignement des mathématiques de leur temps. En effet, la saignée faite par la Première Guerre Mondiale dans les rangs des mathématiciens avait causé un décalage entre l'avancée de la recherche en mathématique et la forme d'exposition des cours à l'Université, à leurs yeux très peu satisfaisante.
Ce groupe de mathématiciens choisit de reformuler toute la mathématique de leur temps en un ouvrage clair, qui devrait être accessible à un lecteur n'ayant aucune connaissance mathématique particulière. En référence à l'ouvrage du philosophe grec, Euclide, qui avait longtemps constitué le manuel de géométrie, leurs Eléments de mathématique distingue ainsi toutes les "structures" mathématiques fondamentales, qui permettent de constituer l'architecture de la discipline, structures qu'ils classent selon leur degré de complexité. Ce long travail de classement organise pendant plus de 30 ans l'activité des mathématiciens, qui, après s'être intéressés à l'algèbre et à la topologie, élaborent une description des espaces vectoriels, qui sont une combinaison des deux premiers volumes. Une autre particularité importante du groupe fut le recours systématique à un vocabulaire courant pour désigner des concepts mathématiques. Parallèlement à cette activité d'axiomatique, ou recherche des principes, ils organisent la recherche dans le cadre d'un séminaire collectif, où ils tentent la synthèse de résultats récents, dans l'objet de les intégrer à terme aux Eléments de mathématique. Le langage formel très rigide des Eléments conduisent Bourbaki à abandonner partiellement la complétion de l'ouvrage, au profit de la publication de petits fascicules qui rendent compte de la recherche en mathématique depuis les années 1950.
A partir de cette date, l'enseignement des mathématiques est profondément renouvelé à l'Université française, sous son influence. L'influence de Nicolas Bourbaki a été extrêmement importante et a servi tant la communauté mondiale des mathématiciens comme vecteur d'unification que les applications. Elle est aujourd'hui en perte de vitesse dans la recherche mathématique, en raison de la complexité de la composition des 24 volumes de l'ouvrage, qui les rendent peu accessibles, et du développement d'autres méthodes de travail.
Bibliographie :
Nicolas Bourbaki, Eléments de mathématique, Paris, Hermann, puis Masson, 24 vol.
Éclairage média
L'émission " Quatre savants, une science " est une production du Service de la Recherche. Le Service de la Recherche de l'ORTF est créé en 1960, sous la direction de Pierre Schaeffer : son objet est de créer les formes du nouveau média audiovisuel. Réunissant autour de lui des " artistes ayant le goût de la technique, aussi bien que des techniciens ayant des dons artistiques ", des " esprits originaux " (Raymond Janot, directeur de l'ORTF).
Le magazine " Un certain regard " est emblématique des productions du Service de la recherche. Disposant d'une plage de diffusion mensuelle, elle propose des sujets très variés. C'est à Michel Tréguer, de formation polytechnicienne, et à Roger Kahane que Pierre Schaeffer a confié la réalisation d'une émission originale présentant la science contemporaine. L'émission fut saluée pour son effort de réduire la distance entre la science et les savants et le grand public. Le choix des réalisateurs s'est porté sur un intervenant qui s'exprime de façon limpide et décontractée, mobile devant la caméra, dans le cadre familier de sa salle de classe. Le tableau noir, attribut du professeur, n'est pas couvert d'équations incompréhensibles : loin d'être rébarbatif, il sert au mathématicien pour souligner quelques termes de son propos.
Dans cette émission où l'entretien avec un savant est central, il faut souligner la qualité esthétique du documentaire, qui caractérise les productions du Service de la Recherche.