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Alfred Sauvy : notre avenir démographique

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 05 sept. 1974

Alfred Sauvy, délégué de la France au Congrès des Nations Unies sur la population mondiale, en propose un compte rendu personnel et le contraste avec la situation des pays développés.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
05 sept. 1974
Production :
INA
Page publiée le :
2006
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000648

Contexte historique

Par Christelle Rabier

Délégué de la France au Comité de la population des Nations Unies, Alfred Sauvy, économiste et démographe, s'exprime sur l'avenir des populations du monde. A cette époque, en 1974, deux phénomènes dominent la transformation des populations : d'une part une combinaison de forte fécondité et de mortalité déclinante dans les pays pauvres, d'autre part une fécondité et une mortalité faibles dans les pays riches. Ce contraste est toujours valable en 2006.

Le processus qui mène d'un régime de fortes mortalité et fécondité à un régime de faibles mortalité et fécondité est la " transition démographique ". Découverte par Adolphe Landry en 1934 et popularisée par Frank Notestein en 1945, elle est devenue le grand thème de la démographie, parce qu'elle décrit l'accroissement très rapide des populations du Tiers-Monde du XXe siècle comme de l'Europe du dix-neuvième siècle. L'accroissement démographique dépend du décalage entre le déclin de la mortalité, en général premier dans le temps, et celui de la fécondité. Quand la mortalité baisse plus tôt que la fécondité, créant un décalage important, la population croît, parfois très fortement, comme dans l'Angleterre du XIXe siècle ou comme dans de nombreux pays en voie de développement au XXe siècle. La transition démographique achevée, la faible fécondité entraîne une décroissance de la proportion de personnes les plus jeunes, ce que l'on désigne sous le nom de " vieillissement de la population ".

Afin de documenter et de conseiller les politiques de population, Alfred Sauvy a fondé l'Institut national des études démographiques (Ined) en 1945. Il en a été le directeur de 1945 à 1962. L'Ined est chargé "d'étudier les problèmes démographiques sous tous leurs aspects " ainsi que " tous les moyens matériels et moraux susceptibles de contribuer à l'accroissement quantitatif et l'amélioration qualitative de la population ", et de participer à la " diffusion des connaissances démographiques ". Sauvy participera à la mise en place des mesures d'aide à l'enfance et de soutien à la famille.

Alfred Sauvy plaide pour la limitation des naissances dans les pays à croissance démographique rapide, pour des raisons de survie alimentaire et économique. Pour ces pays-ci, il s'inscrit dans la lignée du livre de 1798 de l'Anglais Thomas Robert Malthus An essay on the principle of population, où l'auteur en appelait à la " retenue " (moral restraint ) faite de retard au mariage puis d'abstinence sexuelle dans le couple, afin de freiner la croissance de la population et d'échapper ainsi au piège de la pauvreté. Le malthusianisme se retrouve aujourd'hui dans des mesures de pénalisation des familles nombreuses, comme en Chine avec la politique de l'enfant unique, mais aussi dans les politiques de planning familial et de promotion de l'éducation des femmes.

Pour les pays riches à structure par âge " vieillissante ", Sauvy milite au contraire pour l'incitation des naissances afin de préserver une proportion suffisante de jeunes dans la population. A ceux qui arguent d'un trop-plein de population, Sauvy leur oppose que l'agression de l'environnement est moins une question de " surnombre " qu'une question de mode de vie : l'argument de la sur-population est un faux prétexte destiné à dissimuler le véritable problème du gaspillage dans nos habitudes de consommation. En régulant nos modes de vie en accord avec la préservation de l'environnement, nous pouvons, selon Sauvy, nous permettre des familles plus nombreuses, maintenant ainsi une structure par âge plus " jeune ", facteur de progrès et de dynamisme.

En 1974, au moment où Alfred Sauvy s'exprime, la France sort du " baby-boom ", cette forte reprise de la fécondité qui commence en 1945 en France ou en 1940 dans d'autres pays européens et qui dure jusqu'en 1970 -134 filles nées pour 100 femmes en 1946 contre 88 en 1936. L'" effondrement de la natalité " que Sauvy attribue à un " effondrement antérieur de la croyance en la vie " se résoudra en une stabilisation au niveau d'avant-guerre (88 filles pour 100 femmes en 1979) pour rester quasiment stationnaire autour de cette valeur jusqu'en 2005. Les mutations de la société et de l'économie, notamment la place et le travail des femmes, ont eu un effet bien plus déterminant dans la chute de la natalité à la fin des années 1960. Elles ont été accompagnées par un contrôle des naissances de plus en plus efficace, notamment la pilule contraceptive inventée en 1960 (mais la chute de la fécondité a commencé dès la moitié du XVIIIe siècle en France et s'est poursuivie de manière assez régulière jusqu'au XXe siècle). La libération de l'avortement a surtout permis d'éviter une sur-mortalité maternelle.

Alfred Sauvy a très bien compris que, en comparaison avec les autres pays du monde, le nombre de Français est moins important que leur structure par âge. En France, alors qu'on comptait 31 personnes de plus de 60 ans pour 100 personnes de 15-59 ans en 1990, on en prévoit 43 en 2015 et 63 en 2040. Derrière ce déséquilibre des nombres se profilent le paiement des retraites et les coûts de santé. On peut objecter que la productivité s'accroît rapidement et qu'un actif d'aujourd'hui peut entretenir plus d'inactifs que par le passé.

En renouant avec le thème " dénatalité vieillissement décadence ", qui était celui des années 1930, Sauvy fait également des enjeux démographiques un argument moral et stigmatise la décrépitude d'une société peuplée d'individus trop âgés pour s'adapter au progrès. Cependant, l'hygiène et la médecine n'ont pas cessé de freiner le vieillissement individuel, de sorte qu'il n'est pas si sûr qu'une population à structure plus " âgée " s'adapte moins vite qu'une population à forte proportion de " jeunes ".

Il reste qu'entre l'ignorance des effets de la démographie sur le dynamisme social et le bien-être économique, et l'entretien pernicieux des peurs démographiques, la voie est étroite. En attendant, l'arrivée à la retraite des classes nombreuses du baby-boom creuse déjà, à la veille de 2006, un lourd déficit national -120% du PIB-, constituant autant de dettes pour nos enfants et les générations à venir.

Bibliographie :

Noël Bonneuil, " Démographie ", in Dictionnaire culturel Le Robert, Le Robert, 2005, pp. 1001-1006.

Noël Bonneuil, " La démographie est-elle maîtrisable ? ", Pour la Science, no spécial Complexité, décembre 2003, pp. 148-151.

Paul-André Rosental, L'intelligence démographique, Paris, Odile Jacob, 2003

Histoire de la population française 4, de 1914 à nos jours, sd Jacques Dupâquier. Paris, Presses Universitaires de France, 1988.

Éclairage média

Par Christelle Rabier

L'extrait proposé est produit dans le cadre d'une émission qui invite des personnalités à s'exprimer sur un sujet d'actualité. Alfred Sauvy est filmé dans un cadre intime, celui du bureau de travail. Le propos du savant est libre et aisé. Pour autant, l'interview a été minutieusement préparée, car le journaliste n'est là que pour ménager une dynamique dans l'entretien. Une fonction secondaire de l'entretien est de faire la promotion d'une des nouvelles publications d'Alfred Sauvy, Croissance zéro ? (1973).

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