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La valse des ministères, symbole de l'agonie du Front populaire

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 15 janv. 1938

Un incident à l'Assemblée provoqué par le communiste Ramette provoque une importante crise gouvernementale : le président du Conseil, le radical Chautemps, démissionne ; il est très difficile de former un nouveau gouvernement.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Gaumont
Date de diffusion du média :
15 janv. 1938
Production :
Gaumont Pathé Archives
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000000895

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Après les espoirs suscités lors de sa victoire aux élections législatives de mai 1936 et la formation du gouvernement Blum, le Front populaire entre au cours de l'année 1937 dans une véritable agonie. Après l'ambitieux programme de l'été 1936 (accords Matigon, congés payés, semaine de 40 heures), Léon Blum, affaibli par la détérioration de la conjoncture économique et l'hostilité des milieux d'affaires et financiers, est obligé dès le mois de février 1937 d'annoncer une "pause", et il explique à la radio qu'il faut digérer les réformes engagées et regagner la confiance. La coalition des partis de gauche (communistes, radicaux et socialistes) s'avère de plus en plus fragile, à la fois pour des raisons intérieures (troublés par l'annonce de la "pause", les communistes se livrent à une véritable surenchère dans le domaine social tandis que les radicaux se montrent plus hésitants, soucieux de mener une politique essentiellement dirigée vers les classes moyennes) et extérieures (les communistes reprochant à Léon Blum sa politique de non intervention en Espagne). Devant l'affaiblissement de sa majorité et la détérioration de la situation économique et politique, Blum demande en juin 1937 au Parlement les pleins pouvoirs en matière économique et sociale. Si l'Assemblée nationale les lui accorde (346 voix contre 247), le Sénat s'y oppose par 193 voix contre 77, entraînant la démission immédiate de Léon Blum (21 juin 1937).

Cette démission entraîne la fin d'un gouvernement dirigé par les socialistes, qui aura duré une année environ, mais ne marque pas la fin du Front populaire. Ce sont désormais les radicaux qui, derrière Camille Chautemps, dirigent le gouvernement (Blum reste vice-président du Conseil). Chautemps et son ministre des Finances Georges Bonnet orientent toutefois leur politique dans une direction plus libérale, en vue notamment de lutter contre l'inflation et de rétablir une situation financière délicate. Cette volonté de privilégier le franc aux réformes entraîne une montée de la contestation sociale et les critiques de plus en plus violentes du parti communiste. Un incident à l'Assemblée nationale met le feu aux poudres le 14 janvier 1938, lorsque le communiste Arthur Ramette prononce un violent réquisitoire contre le gouvernement Chautemps, lui reprochant de ne pas satisfaire les revendications des catégories populaires (hausse des salaires, des allocations retraites, extension des quarante heures aux postiers...). La virulente réponse de Chautemps ("M. Ramette demande sa liberté. C'est son droit. Quant à moi, je la lui donne") provoque un vote de défiance des communistes, tandis que les socialistes décident de quitter le gouvernement. Le 15 janvier, Chautemps présente sa démission au président Lebrun.

Le fait que la coalition du Front populaire vole en éclat déclenche alors une véritable crise de régime et le président Lebrun se trouve dans l'incapacité de former un nouveau gouvernement. Plusieurs solutions sont envisagées, qui se heurtent toutes à l'impossibilité de constituer une majorité stable à l'Assemblée. Lebrun pense tout d'abord à une solution Bonnet (radical) afin de déplacer vers la droite l'axe de la majorité, mais cette solution se heurte à l'opposition des socialistes. Lebrun se tourne ensuite vers Blum, qui se propose de constituer un gouvernement de large union, comportant des communistes mais aussi des représentants de la droite modérée, allant ainsi de "Thorez à Reynaud". Lebrun, séduit par l'idée d'un gouvernement d'union, refuse cependant d'en confier la direction à Blum, trop marqué par l'expérience du Front populaire, pour faire appel au radical Edouard Herriot, qui refuse. Blum tente alors de reconstituer un nouveau gouvernement de Front populaire, mais avec la participation effective des communistes (qui soutiennent le gouvernement sans participation en 1936). Mais ce projet se heurte à l'opposition des radicaux. Dans une totale impasse, Lebrun finit par proposer à Camille Chautemps un replâtrage de son gouvernement. Les socialistes refusant d'y participer, ce gouvernement ne comprend plus que des radicaux. Le centre de gravité se déplace irrémédiablement vers la droite, marquant la fin de la coalition des forces de gauche et de l'expérience du Front populaire.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

La valse des personnalités (Bonnet, Blum, Herriot, Chautemps...) défilant à l'Elysée sous l'oeil des journalistes témoigne bien de l'impasse dans lequel se trouve le président Lebrun pour former un nouveau gouvernement et de la véritable crise de régime qui est en train de secouer la France. Elle constitue une parfaite illustration de l'instabilité ministérielle et de la difficulté d'obtenir une majorité politique à la fin de la IIIe République, avec les nombreux jeux de bascule auxquels se livre le parti radical, entre la gauche et la droite modérée. Sur un plan plus privé, on remarquera les traits particulièrement fatigués de Léon Blum derrière un sourire de circonstance : si l'ancien président du Conseil n'offre plus le même visage que l'année précédente, ce n'est sans doute pas seulement pour des raisons politiques : sa femme, Thérèse, gravement malade, meurt cinq jours après la crise du 15 janvier 1938.

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