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Discours du ministre des Colonies sur les avantages stratégiques de l'empire

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 1940

Alors que la France a déclaré depuis plusieurs mois la guerre à l'Allemagne, le ministre des Colonies Mandel expose tous les avantages conférés à la France par la possession du 2ème empire colonial le plus important au monde après l'empire anglais.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Collection :
Gaumont
Date de diffusion du média :
1940
Production :
Gaumont Pathé Archives
Page publiée le :
2007
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001021

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Au début de l'année 1940, alors que la France se trouvait en pleine "drôle de guerre" plusieurs mois après la déclaration de la guerre face à l'Allemagne (septembre 1939), une grande campagne d'affichage était organisée par le gouvernement Daladier pour encourager la souscription aux bons d'armements et convaincre les Français de la certitude de la victoire de la France dans ce nouveau conflit. Les affiches, montrant une carte du monde avec l'ensemble des possessions françaises sur tous les continents, portaient le slogan suivant : "nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts".

Le message était très clair : la possession par la France d'un important empire colonial, le second en importance après celui de la Grande-Bretagne, lui conférait un avantage stratégique évident face à une Allemagne totalement dépourvue de possessions coloniales. L'empire apparaissait en effet à la fois comme un réservoir de matières premières, de produits alimentaires mais aussi d'hommes (soldats et main-d'oeuvre) permettant à la France de disposer des ressources nécessaires pour tenir tout au long d'une nouvelle guerre qui serait -pensait-on alors- une guerre d'usure, comme l'avait été la Première Guerre mondiale.

Cette idée que la possession d'un empire colonial important constituait un atout stratégique majeur en cas de guerre n'était pas nouvelle. Déjà Jules Ferry l'avait formulée dans le célèbre discours qu'il prononça devant la Chambre des députés en 1885 pour justifier sa politique coloniale. A ceux qui considéraient cette politique comme trop coûteuse et éloignant la France de ce qui devait être sa priorité, une guerre de revanche face à l'Allemagne pour récupérer les provinces perdues (Alsace-Lorraine), Jules Ferry répondait que la possession d'un empire colonial était un facteur de puissance indispensable et que la France ne pouvait rester à l'écart de la compétition coloniale à laquelle se livraient les principaux Etats européens. Alors que l'éventualité d'une nouvelle guerre face à l'Allemagne se précisait au début du XXe siècle, cet argument de l'empire comme atout stratégique finit d'ailleurs par convaincre certaines tendances politiques (radicaux, nationalistes) qui étaient jusqu'alors farouchement opposées à la politique coloniale.

La Première Guerre mondiale démontra largement aux yeux des Français toute l'importance que pouvait revêtir la possession d'un empire colonial. Véritable guerre d'usure, elle conféra à l'économie une place essentielle et la France put compter sur les immenses ressources de son empire en matières premières et produits alimentaires. L'empire apparut également au cours de cette Première Guerre mondiale comme un important réservoir en hommes, que ce soit pour l'industrie (main-d'oeuvre annamite notamment) ou l'armée (tirailleurs sénégalais, spahis marocains...). L'effort fourni par l'Empire français au cours de ce conflit fit l'objet d'un premier bilan dès 1922 par le ministre des Colonies Albert Sarraut : l'Empire a fourni plus de 600 000 hommes à la "mère patrie", 3,5 millions de tonnes de produits alimentaires et matières premières. A bien des égards, cette mobilisation de l'Empire au service de la guerre permit aux Français de découvrir à la fois les richesses et l'importance des possessions coloniales.

La Première Guerre mondiale marqua ainsi un tournant important car l'opinion apparaissait jusqu'alors plutôt indifférente face à cet empire alors que l'entre-deux-guerre marquera l'apogée de la "mystique coloniale" avec notamment ces grands moments que furent les différentes expositions coloniales, dont la plus célèbre s'est tenue au bois de Vincennes en 1931.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Ce discours prononcé par Mandel au début de l'année 1940 alors que la France est plongée dans la "drôle de guerre" permet d'illustrer les efforts de propagande réalisés par le gouvernement Daladier pour convaincre une opinion, présentée parfois comme quelque peu défaitiste, de la certitude de la victoire. Le gouvernement considère que la guerre sera longue, comme en 1914-1918 et le fait que la France, contrairement à l'Allemagne, possède un empire colonial, lui confère un atout indéniable. Il s'agit également de rassurer les Français sur les ressources françaises, notamment sur le plan alimentaire, alors que les premières pénuries et restrictions importantes se font sentir au cours de l'hiver 1940. Mais la propagande française se plaît à dire que la France n'a pas besoin d'instaurer de système de ravitaillement et de rationnement alors que celui-ci est déjà particulièrement contraignant en Allemagne depuis de longs mois.

La stratégie de la "drôle de guerre" et le refus de l'état-major français de se lancer dans une guerre d'offensive face à l'Allemagne sont souvent présentés comme une erreur stratégique grossière. Mais cette stratégie de "la drôle de guerre" avait en fait sa logique : les Français misaient sur une guerre d'usure car ils savaient que le fait de pouvoir compter sur les ressources importantes de l'empire était un avantage considérable face à l'Allemagne. D'où cette passivité et le refus de s'engager dans des offensives frontales. Les seules offensives devaient en fait permettre d'isoler un peu plus l'Allemagne de ses différents approvisionnements (en coupant à Narvik la "route du fer" par exemple).

Il convient enfin de relever un point important du discours de Mandel, à savoir la manière dont celui-ci insiste sur la "fidélité" de l'empire à l'égard de sa métropole. On retrouve là un thème prédominant du discours colonial tenu en France : les colonies sont fidèles à la France, prêtes à se mobiliser et à se sacrifier pour une métropole qui leur apporte en retour civilisation et développement. Il n'est bien sûr jamais fait mention des craquements qui existent au sein de l'empire et des mouvements nationalistes et indépendantistes qui se font de plus en plus bruyants depuis les années 1930. On retrouvera d'ailleurs cette thématique de la fidélité de l'empire dans les actualités françaises de Vichy puis dans celles de la Libération, démontrant sur cette question une importante continuité, quels que soient les régimes en place.

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