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Le Déserteur, par Maxime Le Forestier

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 12 juin 1977

Le chanteur Maxime Le Forestier interprète la chanson pacifiste et antimilitariste de Boris Vian Le Déserteur.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
12 juin 1977
Production :
INA
Page publiée le :
23 sept. 2008
Modifiée le :
29 janv. 2024
Référence :
00000001220

Contexte historique

Par Stéphane Ollivier

Né le 10 mars 1920, Boris Vian – poète pataphysicien, parolier, chanteur, critique et trompettiste de jazz, mais surtout romancier (L'Écume des jours, L'Arrache-cœur) et figure incontournable des nuits du Saint-Germain-des-Prés – est tout sauf un inconnu lorsqu'il écrit, le 15 février 1954, sur une musique d'Harold Berg, le texte du Déserteur

En pleine crise coloniale, quelques semaines seulement avant la défaite cuisante de Dien Biên Phu (7 mai), qui va précipiter la fin de la guerre d'Indochine, et à quelques heures de voir celle d'Algérie débuter (attentats d'Alger du 1er novembre), la chanson est créée par Marcel Mouloudji le 4 mars 1954 sur les ondes d'Europe 1. Aussitôt, par sa forme originale (une lettre aux mots simples adressée au président de la République par un appelé sur le point de déserter), mais surtout par la tonalité résolument pacifiste de paroles dénonçant l'absurdité de tout conflit alors même que la France de nouveau se retrouve en première ligne, Le Déserteur touche au cœur une population encore meurtrie par les atrocité de la Seconde Guerre mondiale. Et elle choque profondément un pouvoir en quête d'unité nationale dans sa politique coloniale. Car, même si Boris Vian, sur les conseils de Mouloudji, a déjà remplacé les deux derniers vers du texte original, Que je tiendrai une arme / Et que je vais tirer, par Que je n'aurai pas d'arme / Et qu'ils pourront tirer, gommant ainsi toute charge trop subversive pour insister sur sa dimension pacifiste, la chanson est aussitôt dénoncée pour son antimilitarisme. Certains dépassent le message humaniste et universel pour y lire un violent réquisitoire contre l'engagement de la France dans les guerres coloniales. Boris Vian accepte une nouvelle fois de modifier son texte en remplaçant la référence trop explicite au président de la République par une formule plus vague : Messieurs qu'on nomme grands. Mais rien n'y fait : en janvier 1955, le conseiller de Paris Paul Faber réclame la censure et obtient que la chanson ne soit plus diffusée sur les ondes. Outré, Boris Vian riposte en publiant une lettre ouverte intitulée Lettre ouverte à Monsieur Paul Faber dans laquelle on peut notamment lire ces quelques mots : Ma chanson n'est nullement antimilitariste, mais je la reconnais violemment pro-civile.

À la suite de cette censure, la chanson tombera peu à peu dans l'oubli – Boris Vian mourant en 1959 et Mouloudji débutant alors une sorte de long exil artistique. Ce n'est qu'au milieu des années 1960 que progressivement Le Déserteur va refaire surface. En France d'abord, avec Serge Reggiani qui, en 1964, met la chanson à son répertoire. Mais surtout aux États-Unis, alors en pleine révolte étudiante contre la guerre du Vietnam qui, en1966, voit le groupe vocal Peter, Paul and Mary la reprendre sous le titre The Pacifist et lui donner une portée universelle en la transformant en véritable hymne du mouvement de protestation. Traduite et interprétée dans un grand nombre de langues, Le Déserteur est considérée aujourd'hui comme la chanson pacifiste et antimilitariste la plus célèbre de tous les temps.

Éclairage média

Par Stéphane Ollivier

Enregistré le 12 juin 1977 dans le cadre de l'émission de variété Musique and Music, Maxime Le Forestier et son trio interprètent en direct (on entend le public applaudir à la fin) une version du Déserteur. Artiste engagé, marqué par l'esprit libertaire et communautaire du mouvement hippie, Maxime Le Forestier, mêlant habilement la tradition anticonformiste d'un George Brassens avec le vocabulaire musical du folk américain, est alors la figure emblématique de la jeune chanson contestataire française. Auteur déjà de quatre albums, Maxime Le Forestier a notamment marqué les esprits par une chanson violemment antimilitariste intitulée Parachutiste (1972), aussitôt adoptée par les militants gauchistes comme un nouvel hymne anti-impérialiste (elle sera d'ailleurs reprise par la passionaria pacifiste Joan Baez au même titre que Le Déserteur).

C'est donc dans ce contexte de proximité idéologique que Maxime Le Forestier donne sa version du classique de Boris Vian. La réalisation, tirant parti de la technique de parcellisation de l'image, choisit de mettre en regard plusieurs plans simultanés de l'artiste en train de chanter (plan large du trio, plan rapproché du chanteur, de face et de profil) et des images du manuscrit original du texte de la chanson. Cette façon de donner à voir la chanson dans ce qu'elle a de plus fragile et spontané (graphie cursive, rature), a principalement pour effet de placer sur le même plan l'auteur et son interprète, induisant à la fois l'idée d'une éternelle jeunesse du texte, mais produisant aussi en retour une véritable légitimation culturelle au travers de l'un de ses principaux représentants de la jeune chanson française.

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