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Bob Dylan interviewé par Antoine de Caunes

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 30 juin 1984

Interviewé par Antoine de Caunes, Bob Dylan revient sur quelques épisodes de sa carrière et confesse une certaine lassitude.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
30 juin 1984
Production :
INA
Page publiée le :
23 sept. 2008
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001222

Contexte historique

Par Stéphane Ollivier

Chanteur au timbre de voix inimitable, grinçant et ironique, auteur-compositeur majeur embrassant et transcendant en un univers éminemment personnel tous les grands genres de la musique populaire américaine (country, folk, blues, rock, gospel), poète précieux et hermétique inspiré autant par le réalisme social des grands chanteurs de blues et de folk que par le lyrisme d'Arthur Rimbaud et l'énergie sensualiste des écrivains de la Beat Generation, Bob Dylan s'impose incontestablement aujourd'hui comme l'une des personnalités les plus importantes et influentes de l'histoire du rock. Mais il restera également dans les mémoires comme l'icône emblématique de la contre-culture romantique et libertaire des années 60, l'auteur génial de quelques chansons entrées dans la légende, grâce auxquelles la jeunesse américaine d'après-guerre crut pour la première fois faire entendre sa voix.

Né le 24 mai 1941 dans la petite ville minière de Duluth dans le Minnesota, Robert Zimmerman (dit Bob Dylan) montre dès le milieu des années 50 un goût prononcé pour la musique. Il est fasciné par le rock'n'roll naissant d'Elvis Presley mais également par la country d'Hank Williams et le blues urbain de Muddy Waters ou John Lee Hooker. Au tournant des années 60, étudiant à Minneapolis, il étend sa culture musicale au jazz et au rythm'n'blues mais découvre surtout le folk protestataire de Pete Seeger et Woody Guthrie et commence à écrire ses premières chansons. En janvier 1961 il décide de s'installer à New York et intègre aussitôt la scène Renaissance Folk de Greenwich Village. Il y rencontre Guthrie, Cisco Houston et dans une même boulimie découvre Brecht, Rimbaud et les idées politiques progressistes. Il commence également à se produire sur scène, notamment au célèbre Gerde's Folk City, où son style atypique intrigue. L'un des grands directeurs artistiques des disques Columbia, John Hammond, le repère et lui fait signer son premier contrat. En 1962, son premier disque sobrement intitulé Bob Dylan et composé essentiellement de reprises de classiques folk et blues, obtient un joli succès d'estime qui ne sort pas du cercle des initiés.

Les choses s'accélèrent prodigieusement quelques mois plus tard avec la parution de son deuxième album The Freewheelin' composé exclusivement de chansons originales qui aussitôt trouvent leur public : A Hard Rain's a-Gonna Fall, Don't Think Twice et surtout Blowin' in the Wind, hymne contestataire aux images simples et percutantes, propulsent d'un coup Dylan porte-parole d'une nouvelle génération excédée par les injustices et le conservatisme de la société américaine. S'engageant alors sans réserve dans les luttes sociales (il participe le 28 août 1963 à la célèbre Marche sur Washington pour l'égalité des droits civiques) Dylan persiste un temps dans cette veine militante ancrée dans le folk (The Times They Are a-Changing et Another Side of Bob Dylan ) avant d'entreprendre soudain une véritable révolution culturelle en faisant prendre à sa musique un virage résolument rock. Highway 61 Revisited en 1965 puis Blonde on Blonde l'année suivante, brûlots baroques et électrique truffés de chef-d'oeuvres immortels (Like A Rolling Stone, Ballad of a Thin Man, I Want You, Just Like A Woman, etc.) s'imposent d'emblée comme des grands classiques du rock américain. Dylan est au firmament. Mais un grave accident de moto l'oblige à une longue retraite. Il revient en 1968 avec un album intimiste replongeant aux racines country de sa musique, John Wesley Harding. Débute alors une période acoustique et apaisée, totalement déconnectée du monde et de ses soubresauts, qui, une fois de plus, déconcerte le public. Au milieu des années 70 avec la parution de l'album Blood on the Tracks (1975), chef-d'œuvre noir et mélancolique, puis dans la foulée de Desire (autre grand disque renfermant l'une de ses plus belles "protest songs", Hurricane ) - Dylan semble un temps retrouver son inspiration. Ce n'est qu'une parenthèse enchantée. La période courant de la fin des années 70 au milieu des années 80 est humainement l'une des plus confuses de la vie de Dylan et musicalement l'une des plus pauvres de sa carrière. Après s'être converti au christianisme (Saved, Slow Trains Coming ) puis avoir fait un spectaculaire retour au judaïsme (Infidels ), Dylan passe les années 80 comme un fantôme, et ce n'est qu'en 1993 avec World Gone Wrong, disque entièrement composé de reprises de très vieux et obscurs titres folk et blues que le chanteur refait quelque peu surface.

Mais c'est en 1997 avec Time Out Of Mind, chronique mélancolique du temps qui passe, entièrement composée de nouvelles chansons arrangées par le producteur Daniel Lanois, que Dylan fait véritablement son grand retour sur le devant de la scène. Retrouvant en partie son inspiration - ainsi que le confirmèrent par la suite deux autres disques, Love and Theft et Modern Times, publiés respectivement en 2001 et 2006 - Dylan renoue surtout à cet instant avec sa légende, retrouvant d'un coup son statut de monstre sacré du rock. Soudain, des cinéastes aussi importants que Martin Scorcese ou Todd Haynes s'emparent de son personnage - le premier en lui consacrant un documentaire fleuve No Direction Home, le second en signant avec I'm not There une sorte d'évocation romanesque et expérimentale de quelques moments clés de sa vie. Enfin consécration ultime, suite à la publication du premier volume de ses mémoires, le prestigieux prix Pulitzer lui est décerné en 2008 "pour son profond impact sur la musique populaire et la culture américaine, à travers des compositions lyriques au pouvoir poétique extraordinaire". On ne saurait mieux dire l'importance qu'a prise aujourd'hui Bob Dylan dans le paysage culturel international.

Éclairage média

Par Stéphane Ollivier

Grand amateur de rock, Antoine de Caunes a commencé sa carrière à la télévision à la fin des années 70 en produisant et présentant quelques-unes des meilleures émissions jamais consacrées à ce genre traditionnellement très mal représenté sur les écrans français : "Chorus" d'abord, dont le principe était de diffuser une captation live de concerts organisés par la production au fameux théâtre de l'Empire ; puis "Houba Houba", émission spécifiquement rock insérée dans un programme plus vaste et généraliste intitulé "Les Enfants du Rock", et consacré à la culture pop dans tous ses états (BD, cinéma, art moderne, musiques noires).

C'est dans le cadre de cette dernière émission qu'en 1984 de Caunes obtient une interview d'un des monstres sacrés du genre, Bob Dylan. Selon toute vraisemblance c'est une interview remportée de haute lutte par le journaliste et improvisée avec une toute petite équipe dans un hall d'hôtel ou les coulisses d'une salle de spectacle (on entend un assez fort brouhaha en fond sonore...). Un plan fixe sur le visage du chanteur ; une série de questions préalablement préparées énoncées hors-cadre (nous ne sommes pas là dans l'espace d'une conversation mais bien dans celui, formaté, d'une interview) : la réalisation est minimaliste, à la limite de l'amateurisme.

Dylan, visiblement fatigué, et réputé difficile dans ce genre d'exercice, joue curieusement le jeu avec sincérité. La teneur des questions ("Prenez-vous toujours le même plaisir à écrire ?") laisse deviner parfois une certaine déception de la part du journaliste face aux dernières productions de l'artiste, mais c'est sans faux-semblant que Dylan répond sur ses difficultés à écrire. Si, interrogé sur l'intérêt que lui porte le public français, Dylan revient sur l'influence de la littérature française (Rimbaud, Apollinaire, les surréalistes) sur son style, la tonalité générale de l'interview est dépressive, empreinte d'une grande lassitude. Et lorsque, énonçant les grands moments de rupture et de régénération stylistique de sa carrière, Dylan avoue désirer un nouvel élan tout en reconnaissant ne pas savoir si cela est encore possible, cette petite interview sans prétention parvient curieusement à saisir quelque chose de très intime et d'assez bouleversant.

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