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Carte de séjour, Douce France

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 21 nov. 1986

Le groupe Carte de séjour revisite la chanson de Charles Trenet, Douce France.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
21 nov. 1986
Production :
INA
Page publiée le :
23 sept. 2008
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001223

Contexte historique

Par Stéphane Ollivier

Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, Charles Trenet n'a pas 30 ans et est l'incontestable nouvelle grande star d'une chanson française qu'il vient littéralement de révolutionner en y introduisant les rythmes syncopés du jazz, ainsi qu'une fantaisie poétique marquée par le Surréalisme. Stigmatisé par la presse collaborationniste qui voit d'un très mauvais œil le succès auprès de la jeunesse de ce chanteur contribuant (selon Lucien Rebatet) "autant que possible à la judaïsation du goût français", Trenet dès sa démobilisation va pourtant persister dans cette veine subversive, accumulant les enregistrements résolument jazzy (en compagnie notamment de Django Reinhardt) et s'autoproclamant "zazou d'honneur", alors même que ce mouvement dandy et libertaire se voit réprimé par les milices d'extrême droite.

C'est pourtant une chanson composée dans un tout autre registre qui marque alors les esprits. Écrite en 1942, aux heures les plus sombres de l'occupation, Douce France, sur un mode nostalgique et sentimental, est une déclaration d'amour à la France éternelle, égrenant en images d'Épinal volontairement simples une suite de souvenirs liés à l'enfance. Si les censeurs de Vichy font mine de prendre pour un acte d'allégeance à la révolution nationale pétainiste cette apologie du terroir et de ses valeurs ancestrales, la population n'est pas dupe et l'entend à l'inverse aussitôt comme l'hymne de cœur d'une sorte de résistance passive dans laquelle commence alors de s'installer une partie du pays.

A la libération, Douce France entre instantanément parmi les grandes chansons du patrimoine national et restera tout au long de sa carrière l'un des succès les plus emblématiques du génie de Charles Trenet.

Éclairage média

Par Stéphane Ollivier

Mêlant l'énergie et les sonorités du punk rock aux rythmes, mélismes et sophistications orchestrales de la musique arabe, Carte de Séjour, jeune groupe fondé au tournant des années 80 et composé essentiellement de musiciens français issus de ce qu'on appelle alors la "seconde génération" de l'immigration maghrébine, n'est pas totalement inconnu lorsqu'il met à son répertoire en 1986 ce monument de la chanson française. Sa participation en 1983 au grand concert organisé Place de la Bastille en point d'orgue à la "Marche des Beurs" (cette imposante manifestation nationale "pour l'égalité et contre le racisme" faisant suite aux émeutes des Minguettes) en a déjà fait l'un des porte-drapeaux politique et artistique d'une jeunesse issue de l'émigration, et désirant prendre pleinement sa place au sein de la communauté nationale. Mais c'est incontestablement cette version arabisante de Douce France qui va marquer les esprits et servir de tremplin décisif, en pleine montée de l'extrême droite à travers les succès électoraux du Front National, aux revendications des jeunes beurs.

Sans doute le groupe n'a-t-il pas à l'esprit l'arrière-plan historique de la chanson lorsqu'il décide de s'approprier le titre. Douce France a au fil des années perdu l'essentiel de sa dimension de résistance identitaire pour souvent ne plus sonner aux oreilles de la jeunesse que comme une carte postale un peu fanée renvoyant à une vision de la France passablement passéiste, repliée sur son terroir et ses valeurs patriotiques C'est que cette image surannée ne correspondant plus à la réalité nouvelle d'un pays de plus en plus cosmopolite et multiculturel, que le groupe fait voler en éclat dans sa version à la fois iconoclaste et ironique de la chanson. La dimension politique de la reprise est évidente. Personne ne peut dénier à ces jeunes Français la légitimité de chanter à leur tour les "souvenirs familiers" de leur enfance et la douceur de leur pays. Mais de quelle France parle-t-on ? Jamais le nouveau visage de la France n'était apparu avec tant d'éclat et d'évidence qu'à cet instant dans le champ de la variété française. Le choc fut salutaire.

En plus d'ouvrir la voie musicalement à nombre d'hybridations entre raï et rock, cette version sensuelle et vitaminée de Douce France deviendra le symbole d'une jeunesse métissée et anti-raciste - l'hymne de la génération "Touche pas à mon pote".

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