Björk

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 08 mars 1994

Invitée du « Cercle de minuit », la chanteuse islandaise Björk interprète son titre Human Behaviour.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Le Cercle de minuit
Date de diffusion du média :
08 mars 1994
Production :
INA
Page publiée le :
23 sept. 2008
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001241

Contexte historique

Par Stéphane Ollivier

En élaborant, aux confins de la pop expérimentale et de la musique électronique la plus audacieuse, un univers hybride et mystérieux, à la fois cérébral et sensualiste, profondément lyrique, ultracontemporain et comme intimement relié aux forces primitives de la nature, la chanteuse et compositrice islandaise Björk a marqué profondément de son empreinte la musique populaire de la fin du XXe siècle, en l'engageant sur des voies conceptuelles proches de celles de l'art contemporain.

Née le 21 novembre 1965 à Reykjavík, en Islande, élevée dans une communauté hippie, la petite Björk Gudmundsdottir s'initie très tôt à la musique, découvrant pêle-mêle le rock anglo-saxon et l'univers sophistiqué des grands compositeurs occidentaux (Mahler, Debussy, Stockhausen). Elle n'a que 12 ans lorsqu'elle enregistre son premier disque, Björk, composé de reprises de chansons pop, qui remporte un gros succès en Islande. Marquée par la déferlante punk, Björk participe tout au long de son adolescence à de nombreuses expériences collectives (Exodus, Jam 80) et, à 18 ans, elle crée le groupe post-punk KUKL qui, après deux albums, se dissout pour renaître en 1987, en partie remanié, sous le nom de Sugarcubes. Dès son premier disque, Life's Too Good, paru en 1988 sur un label britannique, le groupe marque les esprits par sa pop acide influencée par le meilleur du rock britannique d'alors (Cocteau Twins) et l'expérimentation électronique. Tout en continuant de s'impliquer totalement dans l'aventure du groupe, Björk débute alors en parallèle une carrière personnelle : elle enregistre en 1990 un disque d'esprit jazz, accompagnée seulement d'un trio acoustique (Gling-Glo ) et simultanément enregistre à Londres deux titres pour le groupe de house britannique 808 State, révélant son intérêt grandissant pour la musique de danse. Lorsque Sugarcubes décide de se séparer en 1992, Björk est prête pour une aventure en solo. Elle s'associe à Nellee Hooper (producteur de groupes comme Massive Attack ou Soul to Soul) et signe son premier album Debut (1993). Mêlant pop songs électro sophistiquées, ballades atmosphériques aux orchestrations audacieuses et morceaux plus physiques résolument tournés vers la dance music, Björk signe pour son coup d'essai un authentique chef-d'œuvre de la musique pop du tournant des années 1990 et se place d'emblée parmi les artistes les plus créatifs de la jeune scène alternative. Son disque suivant Post, paru en 1994, ne fait que confirmer tous les espoirs mis en elle. Réalisé en collaboration avec la fine fleur de la scène trip hop et électro britannique (Tricky, Hooper, Graham Massey), c'est un extraordinaire patchwork de musiques nouvelles ancrées dans la culture dance et électro, sur lequel s'élève la voix troublante et enfantine de la chanteuse, passant avec une virtuosité sidérante de l'éructation au chuchotement. Des titres comme It's Oh So Quiet ou Hypperballad lui permettent de sortir du réseau des clubs et des ghettos de la scène alternative expérimentale pour toucher un public plus vaste. Homogenic en 1997 est l'album de la maturité et de la consécration. Entourée encore une fois d'une équipe de producteurs choisis parmi les plus créatifs de la scène électro (Mark Bell, Howie B, Mark Spent), Björk présente un univers toujours aussi lyrique mais plus sombre et tourmenté, aux ambiances intensément émotionnelles et aux textures sonores toujours plus ambitieuses et sophistiquées, passant de la ballade éthérée et abstraite (Hunter) à l'apocalypse bruitiste (Pluto). Persistant dans cette veine sombre et pulsionnelle, Björk accepte en 2000 de tenir le rôle principal du mélodrame musical du danois Lars Von Trier Dancer in the Dark, et d'en composer la musique (Selmasongs ). Le film remporte la Palme d'or au festival de Cannes et Björk le Prix d'interprétation féminine.

En rupture totale avec l'atmosphère irrespirable du film, l'album suivant de la chanteuse, Vespertine (2001) apparaît comme une sorte de carnet de note intimiste composé de comptines éthérées et faussement naïves, mêlant sonorités acoustiques et rythmes électro légers et organiques. Ce disque annonce en fait les nouvelles orientations de la chanteuse, plus conceptuelles et abstraites – tendances qui ne feront que s'accentuer les années suivantes avec la parution, en 2004, de Medulla, ambitieuse exploration de la voix humaine démultipliée en orchestrations raffinées, puis Drawing Restraint 9, bande originale du film expérimental éponyme de son mari Matthew Barney, commémorant le 60e anniversaire des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki. Ces œuvres, en rompant avec la veine pop et dance de l'artiste, déroutent une partie de son public et Björk publie en 2007 un nouvel album, Volta, semblant renouer avec l'inspiration métissée des débuts en privilégiant des ambiances tribales mêlant fanfare islandaise, samples électro et musique africaine. La preuve que l'univers de Björk, toujours en métamorphose, reste ouvert sur l'infinie diversité du monde.

Éclairage média

Par Stéphane Ollivier

Émission culturelle créée en 1992 sur Antenne 2 et animée jusqu'en 1994 par le journaliste Michel Field, Le Cercle de minuit, offrant chaque soir en direct et en public un parterre d'invités français et internationaux représentant tous les domaines de la culture, qu'elle fût noble et instituée (littérature, théâtre, cinéma, philosophie, arts plastiques) ou plus populaire, voire marginale (chanson, musique pop, BD, photographie, mode), s'est dès l'origine donné comme principe le mélange des genres et des registres, dans une logique clairement post-moderne de métissage et de décloisonnement hiérarchique.

L'extrait proposé ici donne un aperçu du ton très libre de l'émission, à la fois dans son dispositif scénique, plaçant les invités dans une proximité volontairement « démocratique » propice à la conversation, mais aussi dans la manière complice de l'animateur de s'adresser au téléspectateur et dans la réalisation, ne cherchant pas à gommer les éventuels cafouillages du direct (une main un instant vient s'insinuer dans le champ de la caméra), mais les intégrant au contraire comme autant d'« accidents » renforçant le caractère spontané et vivant de l'ensemble. Le message implicite est clair : la culture n'est pas qu'institutionnelle et patrimoniale, réservée à une élite compassée, mais vivante et multiforme, branchée sur les métamorphoses de la société. Dans cette logique, la partie purement musicale de l'émission, souvent très pointue dans sa programmation, a toujours eu une importance stratégique, en permettant de placer en regard de formes artistiques plus traditionnelles une culture pop en mouvement, liée à la jeunesse et à l'expérimentation.

Björk en est un parfait exemple qui, à cet instant de sa carrière (elle vient de publier son deuxième album Post), encore inconnue du grand public mais artiste phare de la presse musicale « branchée » (Les Inrockuptibles), s'impose incontestablement comme la star montante d'une musique hybride mêlant format pop et musique électronique, alors en plein essor. Après une interprétation de très haute qualité de sa chanson Human Behaviour (captée en live par une réalisation fragmentée alternant en un montage rythmique et « musical », plans d'ensemble de la formation, gros plan de la chanteuse et inserts rapides des autres membres du groupe), Björk est interviewée par Michel Field. Si ce qui s'échange alors n'a pas grand intérêt, c'est néanmoins une nouvelle preuve que la musique n'est pas considérée ici comme une simple respiration dans le déroulement de l'émission, mais bien comme un art à part entière, méritant à ce titre d'être également l'objet d'un discours « critique ».

Lieux

Personnalités

Thèmes

Sur le même thème