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Le festival d'Aix en Provence : une renaissance de l'art lyrique

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 06 juil. 1998

Aix en Provence accueille le Festival d'art lyrique. Première manifestation de cette nature en France, le festival a souffert de la désaffection du public et des difficultés financières liées à sa croissance. Mais en 1998 une nouvelle direction entend le rajeunir pour en faire un événement culturel à nouveau attractif.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
06 juil. 1998
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001504

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Les principaux festivals d'Art lyrique, à Bayreuth et à Salzbourg, sont victimes aux lendemains de la guerre du discrédit lié au régime nazi. Dans l'entre-deux-guerres il est déjà question de proposer un festival alternatif, un autre rendez-vous. Dès 1938 est évoquée la ville d'Aix-en-Provence où André Campra et Darius Milhaud sont nés, et dont la beauté en été se prête à des spectacles en plein air.

Le Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence est créé en 1948 dans la foulée du Festival de Cannes (1946) et du Festival d'Avignon (1947). Il est le fruit de l'initiative d'un amateur et impresario, Gabriel Dussurget, soutenu par sa mécène Lily Pastré, comtesse de la haute bourgeoisie marseillaise.

La cour de l'Archevêché fait l'admiration de Dussurget et devient le centre du festival. La manifestation de juillet 1948 est artisanale et propose surtout des récitals. L'opéra Cosi fan tutte de Mozart, méconnu en France où il n'a plus été joué depuis 1926, est dirigé par Hans Rosbaud. Ce dernier reste ensuite le fidèle chef d'orchestre et directeur artistique du festival jusqu'en 1962. Mozart devient la figure tutélaire du festival, comme à Salzbourg. Sous la direction de Dussurget (1948-1972), tous ses opéras y sont montés. D'autres compositeurs sont présentés, qu'ils soient les classiques Monteverdi, Rameau, Gluck, Haydn, Rossini, Gounod, ou les modernes Menotti, Poulenc, Milhaud, Stravinski.

Il s'agit de montrer la richesse de l'opéra et sa capacité à se réinventer. Le festival est d'abord « l'opéra des peintres » : Cassandre réalise les décors en 1949 (Don Giovanni), Balthus en 1950 (Così fan tutte), André Masson en 1952 (Iphigénie en Tauride), André Derain en 1951 (L'Enlèvement au sérail) et en 1953 (Le Barbier de Séville).

Dussurget est également un découvreur de talents : Gabriel Bacquier, Teresa Berganza, Carlo Maria Giulini, Anja Silja, Léopold Simoneau, Teresa Stich-Randall. Mais dans les années 1960, l'opposition entre le Casino d'Aix qui contrôle le budget du festival et la direction artistique de Dussurget conduit à sa démission et à l'interruption de l'événement. La ville d'Aix et l'État écartent finalement le Casino de sa gestion et relancent le festival avec à sa tête l'ex-baryton Bernard Lefort. Sa direction (1974-1981) est marquée par l'importance du bel canto autour de Haendel, Cherubini, Rossini ou Donizetti interprétés par Montserrat Caballé ou Marilyn Horne. Lefort quitte ensuite Aix pour l'Opéra de Paris et Louis Erlo, venu de l'Opéra de Lyon, le remplace. Mozart et le bel canto sont toujours là, ainsi que désormais l'opéra baroque français.

Au cours des années 1990, le festival s'étiole en raison de ses difficultés financières ; le nombre d'opéras représentés diminue. L'édition 1997 est annulée et en 1998, Stéphane Lissner, venu du Châtelet, en prend la direction. Avec le soutien de la ville, de la région et de l'État, Lissner fait réaliser de nombreux travaux : réfection de l'Archevêché, réhabilitation du Théâtre du Jeu de paume, création d'une nouvelle salle au Grand Saint-Jean et d'ateliers et salles de répétition à Venelles, dans la banlieue d'Aix. De grands noms sont conviés comme Peter Brook, Patrice Chéreau et Pierre Boulez, et à Mozart s'ajoutent Monteverdi, Tchaïkovski, Berg, Prokofiev et Janácek. La nouvelle création est également présentée avec le Hongrois Peter Eötvös ou le Belge Philippe Boesmans.

Mais le festival coûte très cher. Les spectacles peuvent toujours être revendus ou importés pour leur donner une vie, mais au risque de faire perdre son identité au festival. L'événement est annulé à nouveau en raison de la grève des intermittents du spectacle en 2003. Mais Lissner et son successeur en 2006 Bernard Foccroulle poursuivent le développement du festival en l'associant au festival de Pâques de Salzbourg pour donner la Tétralogie de Wagner par l'Orchestre philharmonique de Berlin (2006) puis en inaugurant une nouvelle salle de 1200 places, le Grand Théâtre de Provence (2007).

Éclairage média

Par Alexandre Boza

« Nouvelle jeunesse », « nouveau souffle » : les qualificatifs élogieux se succèdent pour illustrer la renaissance du Festival lyrique d'Aix en Provence pour son cinquantième anniversaire.

Le meilleur marqueur du dynamisme retrouvé est dans le fait d'inviter des compositeurs célèbres et d'autres beaucoup plus « jeunes et encore parfois très peu connus ». Cette association apparaît comme la clé d'un ressourcement du festival, mais plus encore de l'art lyrique en France.

Ce n'est pourtant pas gagné pour « le festival le plus huppé, sinon le plus snob de France ». Un commentaire ironique, des images d'une fontaine classique : tout y est pour marquer la grande distance qui sépare les Français de la musique classique et plus encore de l'opéra. En même temps, les images de musiciens déambulant en short et en bras de chemise, instruments sous le bras, donnent un ton singulièrement décontracté et décalé au festival. Le journaliste a décidé de laisser leur chance aux organisateurs. En marge du commentaire, les images montrent un centre ville en effervescence avec les déplacements et les conversations des musiciens et du public. La ville entière est gagnée par l'entrain de la musique classique qui se joue à Aix.

Les arguments du rejet sont pourtant faciles à trouver. Entre élitisme esthétique et complexité de la maîtrise des codes (vestimentaires, protocolaires, musicaux), tout concourt à faire de la musique classique un lieu à part dans la culture. C'est tout le problème d'un festival d'opéra qui est également un événement culturel dont la rentabilité se mesure au nombre de visiteurs.

« Désormais ce sera le plus décontracté », affirme-t-on. Les musiciens débarquent « sac au dos ou en scooter et Don Giovanni se permet même d'arriver en short », comme des touristes. Roberto Scaltriti, basse interprétant le rôle de Don Juan pour le grand spectacle d'ouverture, rappelle que le premier interprète à Pragues en 1787 avait vingt-et-un ans, et lui en a vingt-neuf. Véronique Gens, jeune soprano, rappelle qu'il y a beaucoup de jeunes interprètes à ce festival, beaucoup plus de rôles, « ce n'est pas comme d'habitude ». Chacun semble partager l'enthousiasme de ce nouveau départ.

Le programme lui-même est nouveau, même s'il reprend de grands classiques comme Mozart dans la Cour de l'Archevêché et des valeurs sûres pour attirer le public comme Claudio Abbado et Pierre Boulez. Il propose également de jeunes compositeurs comme Alexandros Markeas, qui juge que c'est important pour « montrer notre travail à un large public qui n'a pas l'habitude de fréquenter les concerts de musiques contemporaine ». La moyenne d'âge des artistes est de 30 ans, « on donne donc enfin sa chance à la jeune génération ». Implicitement le commentaire interpelle. On ne la donnerait pas ailleurs ni le reste du temps.

Stéphane Lissner, directeur du festival, entérine ce nouvel esprit : « Le public va changer, il va évoluer. Il évolue à travers les programmations, à travers les projets artistiques qu'on fait. Donc il faut qu'il évolue. Ca ne peut plus être un festival pour les gens du Luberon, ça c'est sûr en tout cas. [...] C'était ça mais ça peut plus être ça. » Le festival se mourait. Il renaît donc aujourd'hui de ses cendres.

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