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La destruction des bouddhas afghans de Bamiyan

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 02 mars 2001

En mars 2001, les talibans au pouvoir en Afghanistan décident de détruire les statues géantes de bouddhas à Bamiyan. Ils mettent ainsi en œuvre leur volonté de supprimer ce qu'ils jugent sacrilège. En même temps, ils envoient un message d'hostilité à la communauté internationale qui les a maintenu isolés sur la scène internationale.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
02 mars 2001
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001508

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Début mars 2001, les talibans, étudiants en théologie afghans, décident de détruire les bouddhas de Bamiyan, symbole de l'art préislamique afghan. Une poignée de « durs » du régime attaquent les statues avec des mines, de la dynamite et des obus car la doctrine de l'islam condamne toute représentation d'un visage humain, comprise comme de l'idolâtrie. Le mollah Omar met ainsi en œuvre une décision pourtant contestée du Conseil suprême des oulémas en contradiction avec une décision de 1999 qui donnait l'ordre de préserver l'héritage historique afghan.

Il s'agit de montrer que les talibans sont maître du pays et de défier le reste du monde. Ahmad Faiz, responsable de la presse au ministère des Affaires Etrangères, constate le fossé entre l'Afghanistan et la communauté internationale car « ces destructions n'étaient dirigées contre personne. C'était une décision interne de l'Emirat islamique, mais nous sommes préoccupés par le silence de la communauté internationale devant les souffrances du peuple afghan, alors qu'elle s'est totalement mobilisée pour la destruction de ces pierres » (Le Monde, 28 mars 2001).

Les talibans sont officiellement au pouvoir depuis la fin des années 1990 avec le soutien du Pakistan, mais des combats continuent à les opposer à d'autres groupes. L'Afghanistan est un carrefour de plusieurs cultures et religions sur la route de la soie (Inde, Iran, Chine), symbolisé par différents lieux (Balkh, Kandahar, Ghazni, Begram, Jalalabad, Hérat, Kabboul et Hadda) et leurs richesses patrimoniales.

La vallée de Bamiyan accueille dans ses falaises un lieu de pèlerinage bouddhique des Ve et VIe siècle, comprenant des niches abritant des couvents, cinquante grottes peintes et deux statues géantes (55 et 38 mètres) de bouddhas vieilles de mille cinq cents ans. Les deux bouddhas sculptés en haut-relief ont été détruits en même temps qu'un troisième de dix mètres situé à quelques kilomètres. Ils étaient taillés à même la falaise, rendant leur destruction plus difficile, et seuls leurs visages étaient enduits de stuc peint, mais ces ornements avaient déjà disparu lors de la destruction.

L'ensemble du site n'a toutefois pas été détruit, et l'Unesco l'a classé en 2003 comme « paysage culturel » sur la Liste du patrimoine mondial en péril. En 2011, une conférence entre les hautes autorités afghanes et des experts internationaux prévoit des mesures de sauvegarde excluant la possibilité d'un remontage des statues, mais les niches doivent être consolidées.

Il est prévu que la vallée sorte de la Liste du patrimoine mondial en péril en 2013, le gouvernement afghan ayant donné des gages de préservation de ce site propice au tourisme. Depuis les années 1970, les musées archéologiques de Kaboul, de Begram, les tombeaux et vestiges gréco-bouddhiques de Hadda, une partie de Hérat ont été détruits ou pillés puis dispersés.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

« En Afghanistan, la folie destructrice des talibans qui ont mis à exécution leur invraisemblable projet : détruire à coup d'artillerie lourde les bouddhas géants de Bamiang (sic) malgré les protestations de la communauté internationale. C'est le ministère de la culture et de la propagande qui a en charge cette opération des vestiges d'une culture rejetée par les talibans ». Béatrice Schöneberg donne le ton en plateau, erreur comprise.

La déploration est à la mesure de l'impuissance face à une mesure brutale qui prend le monde au dépourvu. Dorothée Ollieric ne dispose que d'images de seconde main même si elle est au plus près de l'information – « hier, les talibans l'ont attaqué à l'arme lourde avant de le dynamiter aujourd'hui ». Elle doit se contenter d'aller voir différentes personnalités pour mesurer l'ampleur des dégâts et de la consternation.

Pierre Cambon, conservateur au Musée Guimet, rappelle que le site exceptionnel aurait dû être classé au centre du patrimoine mondial, mais le contexte de guerre en Afghanistan ne l'a pas permis. L'Unesco se mobilise mais semble dépassée lorsqu'elle convoque la conférence des Etats islamiques pour arrêter le processus de destruction. Dorothée Ollieric signale l'impuissance occidentale, Etats-Unis et Union européenne en tête. Cela se résume à une phrase clef de son commentaire : « les talibans se moquent éperdument du patrimoine afghan ». Mehrabodin Masstan, chargé d'affaires à l'ambassade d'Afghanistan à Paris, confirme cette intuition car depuis sept ans qu'ils sont au pouvoir, les talibans n'ont jamais fléchi sur une seule de leur prise de position.

L'enjeu de cette destruction n'est pas seulement culturel, il est aussi largement politique. C'est le signe d'une radicalisation islamiste. Des images d'archives de 1996 mettent en perspective l'histoire récente de ces radicaux formés dans les écoles religieuses pakistanaises (donc étrangers à l'Afghanistan et à ses richesses) qui prennent le pouvoir à Kaboul, la capitale afghane, et y mettent en œuvre la chariah, la loi islamique. Ces images mettent en avant leur posture de combat ; partout des armes sont brandies dans un contexte de discours sur le « choc des civilisations ». Un panoramique nous dévoile une poignée de ces radicaux inquiétants dont les principales victimes sont les femmes, « privées de leur droits fondamentaux » et obligée de porter la burqa, symbole d'asservissement.

Les talibans ont été isolés par la communauté internationale. La destruction des bouddhas apparaît comme la réponse afghane à l'opposition qui se construit contre la montée du fondamentalisme en Asie centrale. La reconnaissance de leur autorité semble être l'enjeu central de leur action car selon Alain Bonnet de l'association Solidarités, les talibans contrôlent 90 % du territoire afghan et auraient souhaité en être reconnu comme les maîtres légitimes, ce que les Nations Unies ont refusé. La rétorsion par la destruction du patrimoine culturel pluriséculaire afghan ne fait en réalité que renforcer leur isolement.

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