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ORLAN présente ses "auto-hybridations" à New York

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 01 oct. 2005

L'artiste plasticienne française ORLAN quitte Paris pour New-York en 2005 après dix ans d'absence. Elle vient présenter ses nouveaux travaux de Self-hybridation ou « auto-hybridation », nouvelle étape de sa recherche plastique sur son corps comme œuvre d'art.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
01 oct. 2005
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001510

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Mireille Suzanne Francette Porte, née le 30 mai 1947 à Saint-Etienne, pose la même question dans tout son travail : « Qu'est-ce qu'être une femme ? ». Ayant adopté le pseudonyme ORLAN (en lettres capitales) en 1967, ses travaux se développent dans deux directions : le corps de l'artiste comme œuvre d'art et l'intervention ou la performance comme mode d'expression artistique.

Depuis les années 1960 ORLAN érotise fortement son travail. Elle ne craint pas de choquer le public comme lors de sa performance à la FIAC de 1977 où, la tête posée sur une photographie de son buste nu, elle vend ses baisers cinq francs aux visiteurs. Dans les années 1970, elle propose des opérations de « MesuRAGES », convertissant des distances – par exemple les dimensions du Centre Georges Pompidou – en « mètre-Orlan », ramenant ainsi le monde à son échelle intime.

Une inflexion forte de son travail est faite dans les années 1990. ORLAN décide de transformer son corps par la chirurgie esthétique. Les opérations sous anesthésiants deviennent des performances filmées et commentées en direct ; elles produisent des "résidus" (tissus, graisses) qui sont pour elle autant de trophées ou de reliques. Dans son Manifeste de l'Art Charnel, ORLAN propose une définition de son art : « L'Art Charnel est un travail d'autoportrait au sens classique, mais avec des moyens technologiques qui sont ceux de son temps. Il oscille entre défiguration et refiguration. Il s'inscrit dans la chair parce que notre époque commence à en donner la possibilité. Le corps devient un "ready-made modifié" car il n'est plus ce ready-made idéal qu'il suffit de signer. ». Elle fait des références à deux éléments importantes dans l'histoire de l'art du XXe siècle : l'héritage de Marcel Duchamp et de son questionnement sur le statut de l'oeuvre d'art et le rapport de l'art au quotidien et à l'ordinaire.

L'ordinaire qu'ORLAN exploite est son corps comme un matériau vivant et qui se transforme. On retrouve chez elle l'art du portrait. Mais alors que d'ordinaire le portrait est fondé sur la ressemblance à son modèle, Orlan rompt avec cet esprit en proposant d'elle des portraits fictifs produits à la palette graphique, les Self-Hybridations. Ces portraits ne sont pas complètement ressemblants, ils ne sont pas vraiment elle : elle entend se réinventer en s'inspirant de traditions plastiques et culturelles diverses, notamment des civilisations extra-européennes. Alors que les portraits sont le reflet d'une personnalité particulière dont ils sont le témoignage ou le souvenir, ORLAN revendique au contraire l'universalité des portraits qu'elle fait d'elle-même.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Le reportage propose un portrait hommage d'ORLAN alors que l'artiste prépare après dix ans d'absence son retour à New-York, comme si ses nouvelles expositions marquaient l'aboutissement de son parcours créatif. La plasticienne confirme cette idée en signalant que ses diverses opérations lui ont permis de se « faire une nouvelle image pour faire de nouvelles images ». D'ailleurs selon le galeriste new-yorkais Stefan Stux qui accueille ses œuvres et intervient en fin de reportage, « les Etats-Unis sont prêts à accueillir le retour d'ORLAN ».

La construction du reportage repose sur une série de raccords analogiques et plastiques entre les images de la préparation des expositions à Paris, des expositions une fois installées à différents endroits de New-York, mais aussi d'archives des performances passées d'ORLAN. Le lien est fait entre une de ses opérations chirurgicales pratiquée à New-York dans les années 1990 et le nouveau vernissage à New-York : un raccord commence sur dos d'ORLAN qui va être opérée en 1993 et se poursuit sur son visage en gros plan en 2005, insistant sur un implant temporal souligné de paillettes argentées. Pourtant le dispositif de l'opération de 1993 n'est pas très « glamour » : la salle d'opération ne ressemble pas vraiment à un bloc opératoire, le carrelage blanc sur les murs rappelle davantage les couloirs du métro. Il y a peu d'éléments chirurgicaux ; ils sont remplacés par des photographies d'ORLAN disposées au sol rappelant les différentes périodes de sa création. Le cadreur en débardeur noir semble déplacé au milieu du personnel médical et achève de rendre la performance malsaine.

Les images des « auto-hybridations » parsèment le reportage : derrière ORLAN quand elle explique qu'elle entame une nouvelle étape de son œuvre ; en gros plan dans un ouvrage (le catalogue ?) qu'elle feuillette pour nous les faire découvrir ; dans des cadres qui servent de toile de fond à Paris et New-York. Son œuvre n'est donc pas composée que de performances mais également d'objets matériels (tableaux, photographies, sculptures) qui soulignent la palette de ses talents. ORLAN explique son travail par la volonté de « casser les murs qui sont dans les têtes entre les civilisations, entre les âges, les arts et les pratiques artistiques ». Elle propose des portraits qui sont également une manière de comprendre la mondialisation culturelle : une même personne s'incarne sous différentes formes et des styles variés empruntés aux quatre coins du monde.

C'est également pour cela qu'ORLAN emménage à New-York, cœur de la mondialisation artistique. Le cadreur du reportage réalise un panoramique circulaire vertigineux qui nous permet avec ORLAN de « tourner le dos au XIe arrondissement de Paris pour de nouveaux horizons » américains (Los Angeles et New-York sont signalées dans le commentaire off), comme si la France était devenue trop petite et provinciale pour l'artiste d'origine stéphanoise. Le long de Central Park, ORLAN confirme que venir aux Etats-unis est un moyen pour elle de toucher davantage le marché international de l'art. Elle le fait avec le concours des institutions culturelles française : l'Association Française d'Action Artistique a financé pendant six mois ses recherches plastiques aux Etats-Unis et le Service Culturel Français sur la Cinquième Avenue lui prête un lieu d'exposition pour faire connaître ses travaux récents.

ORLAN trouve ainsi sa place en tant qu'artiste dans la politique française de promotion internationale de sa production artistique et de développement de son influence culturelle mondiale. Elle expose à New-York devant un public d'acheteurs potentiels des hybridations « à l'amérindienne » dans le cadre d'une institution officielle, puis dans une galerie prestigieuse de Chelsea qui lui donne davantage encore de notoriété. Etrange image pourtant de ce « nouveau départ » car le reportage se conclut sur la grossièreté d'un visiteur titillant la poitrine d'une statue hybridant l'artiste pour amuser la caméra et la galerie le soir du vernissage de l'exposition.

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