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L'artiste Jeff Koons s'invite à Versailles, mélangeant classicisme et pop

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 10 sept. 2008

Des œuvres de l'artiste plasticien américain Jeff Koons sont installées au château de Versailles. Le choc des styles entre classicisme et pop-art entraîne une polémique à l'intérieur et autour du château.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
10 sept. 2008
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001519

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Nommés par le président de la République Nicolas Sarkozy à la tête de l'établissement public du château de Versailles en 2007, Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture et de la Communication, souhaite rafraîchir l'image de cette institution. Il organise, du 10 septembre au 14 décembre 2008, une exposition dans les jardins et le château pour mettre en œuvre une vision dynamique du patrimoine associant le passé au présent.

Aillagon a le soutien du collectionneur François Pinault qui prête la plupart des œuvres, suscitant au passage une polémique sur les intérêts en jeu. Dans sa présentation de l'exposition, le directeur de l'établissement souligne que conserver ce « trésor national » ne revient pas à « l'embaumer dévotement et le ranger pour toujours parmi les reliques magnifiques mais mortes ». C'est dans cette optique qu'il met en place le festival Versailles Off dont la première édition met en vedette Jeff Koons. Laurent Le Bon, commissaire de l'exposition, y voit un dialogue entre les styles et « explique que la plupart des visiteurs du château de Versailles ont des réflexes de visite qui font du lieu un “couloir de métro” où les touristes ne font plus attention au décor du château. Le commissaire avance que les rétrospectives et monographies d'art contemporain ont pu permettre de ralentir le flux des visiteurs dans les espaces emblématiques du château » [entretien donné en 2010 au site controverses.sciences-po.fr]

Il s'agit de la première rétrospective en Europe de l'artiste le plus côté au monde, et c'est Jeff Koons qui procède au choix des œuvres in situ, pour les mettre en harmonie avec les lieux qui les environnent. Né en 1955, il est présenté comme l'héritier du pop art qui recycle et détourne à grand renfort de publicité les objets industriels de la société de consommation. Il serait également celui de Marcel Duchamp, qui ne cesse de mettre en doute le statut de l'œuvre d'art en érigeant des objets industriels au rang d'œuvre, par exemple en les signant. Les travaux de Jeff Koons sont aussi bien des photographies que des installations d'objets dans des vitrines ou des aquariums. Mais il est surtout connu pour ses sculptures monumentales de métal, par lesquelles il essaie de « comprendre pourquoi et comment des produits de consommation peuvent être glorifiés ». Elles reprennent des objets du quotidien (des ballons, des jouets) pour inciter le public à se questionner sur leur signification.

La polémique enfle rapidement sur la pertinence de cette exposition. La contestation rappelle celle qui avait entouré l'installation des Deux plateaux, les colonnes de Daniel Buren dans la cour d'honneur du Palais-Royal en 1986 ou Cy Twombly dans la salle des bronzes antiques du Louvre en 2010. Diverses associations prennent position pour la défense de la « magie » du château contre l'intrusion de l'art contemporain ; la direction est accusée de faire de Versailles une vitrine publicitaire pour promouvoir la création contemporaine. Jean-Jacques Aillagon fait face et Catherine Pégard, qui lui succède en 2012, ne remet pas en cause l'opération. Versailles accueille Xavier Veilhan en 2009, Takashi Murakami en 2010, Bernar Venet en 2011, Joana Vasconcelos en 2012, Giuseppe Penone en 2013, faisant renaître cycliquement la polémique.

Éclairage média

Par Alexandre Boza

Rien de moins qu'un « choc des cultures » pour David Pujadas. L'exposition des œuvres du plasticien pop américain Jeff Koons au château de Versailles « fait grincer quelques dents ».

Le journaliste Christophe Airaud insiste sur le fait que cette exposition est avant tout un « évènement » culturel : Jeff Koons, accompagné de Jean-Jacques Aillagon, vient la présenter « en costume » et les images soulignent la présence massive des journalistes, la « troupe médiatique » qui les poursuit et couvre l'événement. Koons tient sa conférence de presse sur le parterre de l'Orangerie devant une copie de son œuvre Split-Rocker, sculpture végétale monumentale réalisée en 1995 pour le parc de la Fondation Beyeler en Suisse, reprise en 2000 au palais des Papes d'Avignon. La référence aux buissons sculptés du XVIIe siècle est évidente, mais les proportions et le fait qu'il s'agisse de la représentation d'un jouet plus que d'un animal interpelle.

Les images mettent ensuite en scène les opposants à cette exposition qui « dénoncent l'art contemporain envahissant le patrimoine français ». Ils débattent avec les passants, un peu goguenards, et accrochent un ballon blanc à la grille sur lequel on peut lire : « Moi aussi je veux être au château », référence aux œuvres du plasticien. Lorsqu'ils prennent la parole, les arguments de ces opposants prêtent (un peu) à sourire : « On est obligés, quand on visite les grands appartements, de voir le lapin ridicule, le homard qui va vous dégoûter du homard pour le restant de vos jours » [sic], une « exposition OGM : œuvre génétiquement modifiée et donc elle n'a pas plus sa place à Versailles que les OGM dans les champs ». Ils nient la pertinence de l'exposition et refusent a priori le mélange entre classicisme et art contemporain.

Pour trancher la question, les journalistes se promènent devant le monumental Yellow Balloon Flower (une fleur en ballon jaune) installé dans la cour d'honneur du château, puis à l'intérieur du château devant 15 autres œuvres (Moon, Red Hanging Heart, Lobster, le Balloon Dog au centre du salon d'Hercule...). Le commentaire souligne que, derrière les grandes différences de style, Versailles et Koons pratiquent une même union de « baroque et flamboyant ».

Jeff Koons défend son travail comme une œuvre issue du caprice du roi : « C'est le genre de travail où Louis XVI en se levant le matin et en regardant à travers sa fenêtre dirait : “Je veux une sculpture de 9 500 plantes vivantes et je veux qu'elle soit finie ce soir. Et il viendrait ici chez lui, et voilà : ce serait là.” » En voulant Versailles, Louis XIV est-il un roi capricieux ? L'image de la monarchie de l'Ancien Régime pour les Américains se résume au règne de l'arbitraire et du « bon plaisir », telle qu'on la trouve également dans la biographie de Marie-Antoinette filmée par Sofia Coppola en 2006.

Face à cela, le public habituel de touristes est un peu dérouté, comme cette Japonaise qui signale que « le château est tellement monument historique que celui-ci [Balloon Dog] c'est trop moderne, une petite surprise, un petit choc ». Mais la parade est trouvée par une touriste italienne qui apprécie « la France qui n'a pas peur de la contemporanéité, de l'art contemporain. Ça fait du bien » et ne change pas beaucoup la pratique touristique de la photo souvenir. Une « petite provocation que le Roi-Soleil aurait sûrement adoré » ? La querelle des Anciens et des Modernes est mise à distance tout en révélant la préférence du journaliste pour les modernes, et ainsi le point de vue du reportage.

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