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Jean Prouvé, un créateur à la croisée de l'architecture, de l'artisanat et du design

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 28 juil. 2012

L'année 2012 est à Nancy l'« Année Prouvé » en hommage au constructeur né dans la région. De nombreuses expositions mettent en valeur les différentes facettes de son travail, depuis la ferronnerie d'art jusqu'à l'architecture métallique, en passant par le mobilier qu'il a créé.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
28 juil. 2012
Production :
INA
Page publiée le :
26 nov. 2013
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001552

Contexte historique

Par Alexandre Boza

Jean Prouvé (1901-1984) est une figure à part dans l'architecture et le design français. Formé « sur le tas », il est partagé entre le monde des ouvriers auprès desquels il apprend l'amour du geste, et celui des intellectuels réformateurs dont ses parents sont proches, et dont il conserve la fibre sociale.

Ferronnier d'art de talent, il fonde rapidement son propre atelier. Reconnu par l'architecte parisien Robert Mallet-Stevens, il réalise pour lui une grille pour la maison Reifenberg (1926), puis divers éléments pour les maisons Martel et Goimbel à Paris (1927-1928), pour le Casino de Saint-Jean-de-Luz (1928). Prouvé rejoint aux côtés de l'architecte l'Union des artistes modernes (UAM) où il rencontre entre autres Le Corbusier et Eileen Gray.

Prouvé se spécialise dans les éléments métalliques pour la construction et l'aménagement. Il met au point de nombreuses solutions innovantes à partir de la tôle d'acier. Il commence par travailler la tôle mince, abordant les questions de structure par le mobilier (fauteuils réglables, chaises rabattables, tables à pied unique). Comme l'écrit Le Corbusier, Prouvé est « indissolublement architecte et constructeur car tout ce qu'il touche et conçoit prend immédiatement une élégante forme plastique tout en réalisant, si brillamment, les solutions de résistance et de mise en fabrication ».

Prouvé installe son entreprise à Nancy en 1931, où il emploie une quarantaine de personnes. Il participe à des chantiers de grande envergure : les salles d'opération de l'hôpital Grange-Blanche à Lyon (1930-1934) pour Tony Garnier, la fabrication en série des châssis de portes et de fenêtres des immeubles de la cité de la Muette à Drancy (1932-1934) pour l'agence Beaudouin et Lods. Prouvé retrouve Eugène Beaudouin et Marcel Lods pour la réalisation de l'aéro-club Roland-Garros à Buc (1935-1936) et la maison du peuple de Clichy (1936-1939) pour laquelle il invente le type moderne du mur-rideau en tôle d'acier et laine de verre.

L'apprenti architecte est alors prêt : il réalise pour la première fois un bâtiment complet à Buc. Il pousse l'économie de matière à l'extrême, allégeant les éléments de structure et d'enveloppe pour faciliter leur manipulation sur le chantier. On ne voit rien de plus que ce qui a été fabriqué et monté, l'architecture est une pure construction.

À la Libération, Jean Prouvé assure, en tant qu'ancien résistant, la charge de maire de Nancy. En 1947, il transfère ses ateliers en périphérie de l'agglomération nancéienne, à Maxéville, où ils deviennent l'un des foyers du renouveau de la pensée constructive en France. Les objets dessinés sont aussitôt réalisés en vraie grandeur pour déterminer les modifications nécessaires, jusqu'à la mise au point définitive de l'objet. Jean Prouvé s'associe en 1949 au groupe de L'Aluminium français, qu'il quitte en 1955 pour Paris et Les Constructions Jean Prouvé.

Les très nombreuses réalisations auxquelles il participe mettent en œuvre une même réflexion initiale. En 1938, Prouvé a étudié le projet d'une maison de week-end en acier. Elle aboutit durant la guerre à la commande de trois cents baraquements pour le ministère des Armées, et, à la Libération, à la production de quatre cent cinquante maisons d'urgence pour les sinistrés de Lorraine et de Franche-Comté. Construites sur un portique axial, ces pavillons d'urgence seront livrés et montés en une journée.

Les principes qu'il développe (mur rideau en acier, portique, noyau porteur) sont reconduits pour les maisons de Meudon (1949), la maison tropicale à Niamey (1949) et sa maison de Nancy (1954), mais également dans de vastes structures (l'Hotel de ville de Grenoble en 1956 et le palais des expositions de Grenoble en 1968) et des tours (la tour Nobel de La Défense en 1967).

Éclairage média

Par Alexandre Boza

« Pour la ville Nancy, Jean Prouvé est un peu ce que Gaudi est à Barcelone [...] architecte sans diplôme mais avec du génie ». Quatre expositions lui sont consacrées dans l'agglomération nancéienne qui retracent les soixante ans de sa carrière, du ferronnier au bâtisseur, au Musée des Beaux Arts, au Musée de l'Ecole de Nancy, à la galerie Poirel, au Musée Lorrain ou musée du fer.

Le reportage s'ouvre sur un portrait du jeune artisan, typique des années 1920, alors qu'il a vingt quatre ans. Prouvé travaille déjà le métal avec talent comme le montrent les images des différentes pièces réalisées à l'époque.

Le style art déco est en vogue dans le monde et Paris est sa capitale autour de 1925. Il est géométrique et symétrique, rythmé par des formes simples faiblement décoratives. Dans les détails d'une porte, on peut percevoir la précision du geste du ferronnier au bosselage sur un vestiaire. Pour Blandine Otter, commissaire de l'exposition Jean Prouvé le ferronnier d'art, « très rapidement on a une modernisation des motifs [...] très rapidement également il va utiliser d'autres matériaux, et quelque part cela va préfigurer le mobilier qu'il va réaliser plus tard ».

Les tables, les lampes et les fauteuils de Prouvé sont trop souvent montrées avec un effet vidéo filé désagréable ; il ne permet pas de profiter de la pureté des lignes et du style du designer. Restent des formes simples et vigoureuses, solides comme les chaises « Métropole n° 305 », les « Fauteuil Grand Repos » et « Cité » de 1930, le bureau « Compas » de 1953. Un esprit « pratique et astucieux », où « les angles sont adoucis. Il y a aussi tout un travail sur les épaisseurs de matériaux, sur la mise en œuvre qui aboutit à une beauté mais jamais la technique n'est au service d'une forme » (Catherine Coley, commissaire de l'exposition L'émotion design). La forme dérive de la technique, des matériaux.

Jean Prouvé est présenté comme l'exemple d'un patron « humaniste », qui « travaillait pour le bien-être de tous » dans les différentes entreprises qu'il crée. « La guerre [la Seconde Guerre mondiale] fut l'occasion de transformer ces utopies en réalité » pour l'acteur politique. Il propose des maisons préfabriquées de bois et d'acier aux sinistrés de la région dans le cadre de la reconstruction.

Les images montrent la structure de métal et les volumes de cet habitat que Prouvé voulait pour le « relogement à long terme » (Lisa Laborie, commissaire de l'exposition Jean Prouvé, construire des jours meilleurs). « Malheureusement le ministère de la Reconstruction va plutôt choisir la filière béton car les pénuries d'acier font que ce mode de développement de maisons reste très compliqué. »

De nombreuses maquettes et structures exposées montrent toute la richesse et la diversité des expérimentations pour développer l'architecture métallique. Il a « toujours cherché à tester. Et donc il s'est toujours emparé de ce qui était selon lui le plus récent et ce qui permettait les usages les plus nouveaux » (Florence Besset, commissaire de l'espace Jean Prouvé au Musée de l'Histoire du Fer). Cette intelligence visionnaire est récompensée par ses contemporains : Grand prix du Cercle d'études architecturales en 1952, lauréat du prix Auguste-Perret de l'Union internationale des architectes en 1963, du prix Érasme en 1981, Jean Prouvé bénéficie dès les années 1960 d'une solide notoriété internationale, préside en 1971 le concours du Centre Beaubourg et enseigne au Conservatoire national des arts et métiers.

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