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Le Lys dans la vallée d'Honoré de Balzac [extrait]

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 05 mai 1970

Adaptation du Lys dans la vallée d'Honoré de Balzac par Marcel Cravenne en 1970. Première rencontre (la scène du bal).

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
05 mai 1970
Production :
INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001576

Contexte historique

Par Johanna Pernot

Honoré de Balzac est le créateur génial de La Comédie humaine, une œuvre puissante qui compte plus de 90 romans et 2000 personnages. Travailleur acharné, amateur de femmes et grand consommateur de café, il a passé sa vie à se lancer dans des affaires désastreuses, à fuir ses créanciers et à écrire articles et feuilletons pour éponger ses dettes.

Né à Tours en 1799, le jeune Honoré connaît une enfance marquée par le désamour de sa mère et l'union déséquilibrée de ses parents (sa mère a trente ans de moins que son époux), qui se répercute peut-être dans sa vision pessimiste du mariage. Il s'installe ensuite avec sa famille à Paris et affirme rapidement sa vocation d'écrivain. Mais Honoré, qui dévore des ouvrages de médecine, de science et de philosophie et échafaude des théories, pense plus qu'il n'écrit. Néanmoins, ses liaisons avec deux femmes d'âge mûr, qui le forment et lui font découvrir le monde, aiguillonnent son destin. Laure de Berny soutient imprudemment le jeune homme dans son affaire d'édition et d'imprimerie, qui le ruine à vie – endettés, créanciers, usuriers, les personnages nourris de cette expérience sont légion dans son œuvre ; le monument des Illusions perdues (1837-1843), conte entre autres la faillite d'un jeune imprimeur de génie. La duchesse d'Abrantès le pousse à écrire. Ces deux femmes, qui ont connu tous les régimes depuis la Révolution, fournissent par leurs anecdotes matière au jeune écrivain, qui s'oriente alors, après l'échec de son roman historique Les Chouans, vers l'analyse sociale.

À partir du Chef d'œuvre inconnu et de La Peau de Chagrin en 1831, qui oscillent entre philosophique et fantastique, les succès s'enchaînent. La célébrité semble donner à l' « homme de génie » des ailes. Il vit comme un dandy, s'achète un équipage, des vêtements et des meubles de luxe, reçoit somptueusement. Il lit des tonnes d'ouvrages, entretient une énorme correspondance, se couche à six heures du soir, se fait réveiller à minuit, écrit douze ou quinze heures, et sort l'après-midi. Le Colonel Chabert, Eugénie Grandet, Le Père Goriot, Le Lys dans la vallée, César Birotteau, La Maison Nucingen, La Cousine Bette, Le Cousin Pons... sont le fruit de ces nuits blanches.

La vie de l'écrivain est à bien des égards aussi romantique que celles de ses héros. À la mort du comte Hanski, en 1841, Balzac poursuit son idée fixe d'épouser Madame Hanska, une de ses admiratrices russes, avec laquelle il a noué depuis dix ans une relation épistolaire et amoureuse. Quand, après bien des espoirs déçus et un séjour d'un an et demi en Ukraine, il épouse enfin « l'Etrangère », sa santé s'est tellement dégradée qu'il meurt d'épuisement à cinquante ans, trois mois après leur installation à Paris.

Dès 1835, l'écrivain invente le retour des personnages et pose les fondements de son projet titanesque : La Comédie humaine. D'une sphère sociale à une autre, de la province à Paris, ses héros réapparaissent aux différents âges de la vie. Cette circulation à travers l'œuvre assure l'unité de l'univers imaginaire qu'il a créé tout en donnant l'illusion foisonnante du réel. L'écrivain réaliste ambitionne ainsi de peindre et d'expliquer les mœurs et les travers de la société française de 1800 à 1840. Transposant le modèle des sciences naturelles à la littérature, il considère l'homme comme une « espèce sociale », déterminé par le milieu dans lequel il évolue.

Le Lys dans la vallée (1836), que Balzac classe dans ses Scènes de la vie de campagne et qui est largement inspiré de sa relation avec Laure de Berny, se déroule, pendant la Restauration, à Tours, dans la vallée de l'Indre et à Paris. Par conviction morale et religieuse et par fidélité à l'idée qu'elle se fait de l'amour, Madame de Mortsauf, mère de deux enfants et mariée à un vieillard impotent qui la tyrannise, se refuse à Félix de Vandenesse, le jeune homme qui lui fait la cour et qu'elle aime en secret. Blessée d'apprendre que Félix, parti à Paris, a enfin une maîtresse, elle se laisse mourir.

Éclairage média

Par Johanna Pernot

L'adaptation littéraire est un genre très prisé par la télévision, qui, investie à ses débuts d'une véritable mission pédagogique, rend accessible à toutes les classes sociales un patrimoine culturel réservé jusqu'ici à un public restreint. Marcel Cravenne, qui a travaillé comme monteur à Hollywood avant la guerre, s'est consacré entièrement, après son retour en France, à la télévision en adaptant de grands romans. Son Lys dans la vallée de 1970 fait l'économie de l'enfance de Félix et présente son histoire en un long flash-back, qu'inaugure la fameuse scène de la rencontre, au bal.

Cravenne parvient à nous faire partager le point de vue du héros et les étapes de son coup de foudre.

La voix du personnage-narrateur et l'insert du journal inscrivent d'abord l'intrigue dans son cadre historique – l'abdication de Napoléon et la Restauration, soulignée par la grandiloquence des trompettes. Si sa présence au premier plan semble lui attribuer la place du héros, sa timidité cantonne Félix (Richard Leduc) au rôle d'observateur. Le téléspectateur regarde avec lui ce qui se passe à l'arrière-plan, derrière la porte à côté de laquelle il se tient – cette situation préfigurant peut-être sa position d'intrus dans toute l'histoire, auprès du couple des Mortsauf. L'alternance entre les plans immobiles et rapprochés sur son visage un peu fermé, et ceux qui épousent le mouvement des danseurs, confirme l'adoption de ce point de vue interne. Mais jusqu'ici, le timide jeune homme ne fait qu'observer de loin la scène de bal somptueuse.

Le plan qui réunit Félix et la belle inconnue (Delphine Seyrig) sur la causeuse prépare le coup de foudre : on quitte la salle officielle du bal pour une action plus intime. Les très gros plans successifs sur ses yeux à lui, et sur son profil et ses épaules à elle, en caméra subjective, trahissent l'étonnement du jeune homme, que tant de beauté fascine.

Sa métamorphose, de voyeur à acteur, sur le fond musical, a quelque chose de grotesque, mais aussi de touchant. Le plan de demi-ensemble dont s'échappe Madame de Mortsauf, surprise, souligne la confusion de Félix, qui reste seul dans le vide du décor. Le monologue intérieur dit sa passion et son ridicule – conformément à la sociologie balzacienne, le vêtement joue un rôle essentiel. Le long plan fixe accompagne cette prise de conscience. Et ce personnage qui s'éloigne, dos tourné à la caméra, dans cette salle silencieuse aux danseurs absents, prend des allures de héros romantique. Le décor désenchanté, d'où monte une musique mélancolique, est presque l'allégorie de son âme tourmentée.

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