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Le Père Goriot d'Honoré de Balzac [extrait]

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 09 mars 1972

Adaptation du roman Le Père Goriot d'Honoré de Balzac par Guy Jorré en 1972. Première visite d'Eugène à sa cousine.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
09 mars 1972
Production :
INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001584

Contexte historique

Par Johanna Pernot

Honoré de Balzac est le créateur génial de La Comédie humaine, une œuvre puissante qui compte plus de 90 romans et 2000 personnages. Travailleur acharné, amateur de femmes et grand consommateur de café, il a passé sa vie à se lancer dans des affaires désastreuses, à fuir ses créanciers et à écrire articles et feuilletons pour éponger ses dettes.

Né à Tours en 1799, le jeune Honoré connaît une enfance marquée par le désamour de sa mère et l'union déséquilibrée de ses parents (sa mère a trente ans de moins que son époux), qui se répercute peut-être dans sa vision pessimiste du mariage. Installé avec sa famille à Paris, il affirme rapidement sa vocation d'écrivain. Mais Honoré, qui dévore des ouvrages de médecine, de science et de philosophie et échafaude des théories, pense plus qu'il n'écrit. Néanmoins, ses liaisons avec deux femmes d'âge mûr, qui le forment et lui font découvrir le monde, aiguillonnent son destin. Laure de Berny soutient imprudemment le jeune homme dans son affaire d'édition et d'imprimerie, qui le ruine à vie – endettés, créanciers, usuriers, les personnages nourris de cette expérience sont légion dans son œuvre ; le monument des Illusions perdues (1837-1843), conte entre autres la faillite d'un jeune imprimeur de génie. La duchesse d'Abrantès le pousse à écrire. Ces deux femmes, qui ont connu tous les régimes depuis la Révolution, fournissent par leurs anecdotes matière au jeune écrivain, qui s'oriente alors, après l'échec de son roman historique Les Chouans, vers l'analyse sociale.

À partir du Chef d'œuvre inconnu et de La Peau de Chagrin en 1831, qui oscillent entre philosophique et fantastique, les succès s'enchaînent. La célébrité semble donner à l' « homme de génie » des ailes. Il vit comme un dandy, s'achète un équipage, des vêtements et des meubles de luxe, reçoit somptueusement. Il lit des tonnes d'ouvrages, entretient une énorme correspondance, se couche à six heures du soir, se fait réveiller à minuit, écrit douze ou quinze heures, et sort l'après-midi. Le Colonel Chabert, Eugénie Grandet, Le Père Goriot, Le lys dans la vallée, César Birotteau, La Maison Nucingen, La Cousine Bette, Le Cousin Pons... sont le fruit de ces nuits blanches.

La vie de l'écrivain est à bien des égards romantique. À la mort du comte Hanski, en 1841, Balzac poursuit son idée fixe d'épouser Madame Hanska, une de ses admiratrices russes, avec laquelle il a noué depuis dix ans une relation épistolaire et amoureuse. Quand, après bien des espoirs déçus et un séjour d'un an et demi en Ukraine, il épouse enfin « l'Etrangère », sa santé s'est tellement dégradée qu'il meurt d'épuisement à cinquante ans, trois mois après leur installation à Paris.

Avec Le Père Goriot, en 1835, l'écrivain invente le retour des personnages et pose les fondements de son projet titanesque : La Comédie humaine. D'une sphère sociale à une autre, de la province à Paris, ses héros réapparaissent aux différents âges de la vie. Cette circulation à travers l'œuvre assure l'unité de l'univers imaginaire qu'il a créé tout en donnant l'illusion foisonnante du réel. L'écrivain réaliste ambitionne ainsi de peindre et d'expliquer les mœurs et les travers de la société française de 1800 à 1840. Transposant le modèle des sciences naturelles à la littérature, il considère l'homme comme une « espèce sociale », capable de s'adapter au milieu dans lequel il évolue.

Le Père Goriot, que Balzac classe dans ses Scènes de la vie parisienne, en est la parfaite illustration. « Un brave homme - pension bourgeoise, 600 francs de rente - s'étant dépouillé pour ses filles qui toutes deux ont 50 000 livres de rente, mourant comme un chien. » Si Balzac résume ainsi l'intrigue, ce roman d'apprentissage montre surtout l'initiation et l'ascension du jeune provincial Eugène de Rastignac, qui, pour satisfaire ses ambitions sociales, sacrifie sa morale et ses illusions.

Éclairage média

Par Johanna Pernot

L'adaptation littéraire est un genre très prisé par la télévision, qui, investie à ses débuts d'une véritable mission pédagogique, rend accessible à toutes les classes sociales un patrimoine culturel réservé jusqu'ici à un public restreint. Le roman le plus célèbre de Balzac, Le Père Goriot, est ainsi adapté en 1972 par Guy Jorré, qui réalisera quatre ans plus tard Le Cousin Pons. Cette dramatique en couleur, malgré quelques flashbacks et ellipses (par exemple, la lettre que Madame de Beauséant écrit après le départ de son amant), respecte assez scrupuleusement l'œuvre originale. Après sa visite fâcheuse aux Restaud, le naïf Rastignac (Bruno Garcin) se rend chez sa cousine, l'illustre vicomtesse de Beauséant (Nadine Alari), qui lui livre les clés du succès dans une leçon particulièrement cinglante.

La visite oppose le type social du novice, incarné par Rastignac, aux initiés du faubourg Saint-Germain. Le beau jeune homme ne maîtrise ni ses paroles ni ses gestes, qui trahissent son enthousiasme et sa fraîcheur, mais surtout sa maladresse. Dès le début, il est de trop dans l'entrevue entre la vicomtesse et son amant, comme le souligne le plan de demi-ensemble où, mal à l'aise, de profil, il se trouve entre eux deux, à l'arrière-plan : il n'est pas important, juste importun. Avec ses poses empruntées, les mains dans les poches ou la tête baissée, Rastignac n'est pas à sa place dans ce salon raffiné, comme le suggère encore le plan en pied/moyen où il est décentré. Le langage du corps est confirmé par son discours – quand on daigne le laisser parler : la bévue qu'il commet avec les Restaud fait même rire les deux femmes, pourtant minées par leur chagrin. Pendant toute la scène, obsédé par Goriot et sa fille, il est sans le savoir grossier, aveugle au trouble de sa cousine.

Régulièrement relégué dans un second plan symbolique, il peut devenir l'observateur privilégié du jeu social de sa cousine, qu'Ajuda-Pinto est en train d'abandonner lâchement. Les gros plans en champ et contre-champ, qui séparent déjà les amants, soulignent l'hypocrisie du marquis et l'incertitude secrète de Madame de Beauséant. La comédie humaine se poursuit avec la perfidie de la duchesse. Les « meilleures amies » s'envoient des piques, la joute de ces dames se signalant une nouvelle fois par l'alternance des champs et contre-champs. En filmant Clara qui écoute, tandis que la voix de la duchesse nous parvient hors champ, le réalisateur révèle le dépit et l'humiliation qu'elle s'efforce de dissimuler. La duchesse donne le coup de grâce, en soulignant ironiquement la beauté de son amie au moment où celle-ci se fait quitter.

Eugène n'a plus qu'à retenir la leçon : les apparences, les titres et l'argent sont tout dans ce bourbier mensonger qu'est le monde. L'amour n'existe pas ; et selon leur rang, leur sexe et leur pouvoir, il convient de mépriser (« Goriot », « Poriot » ou « Loriot » : peu importe), impressionner, ou instrumentaliser les hommes.

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