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La Belle au bois dormant de Charles Perrault [extrait]

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 22 déc. 1973

Adaptation de La Belle au bois dormant de Charles Perrault par Robert Maurice en 1973. La séquence proposée, particulièrement théâtrale, s'appuie sur l'opposition entre le roi et la reine qui s'éveillent, et le reste de la cour, qui s'endort. 

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
22 déc. 1973
Production :
INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
09 janv. 2024
Référence :
00000001588

Contexte historique

Par Johanna Pernot

Né en 1628, Charles Perrault fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris, puis obtient une licence en droit avant de s'inscrire au barreau en 1651. Lassé par la jurisprudence, et soutenu plus tard par Colbert, il mène à bien une politique en faveur des sciences, des arts et des lettres. En 1671, il est élu à l'Académie française. Il faut attendre 1687 pour le voir s'illustrer dans la célèbre querelle des Anciens contre les Modernes, dont il se fait le chef de file.

Alors que les premiers, avec Boileau, La Fontaine ou Racine, considèrent l'Antiquité grecque et romaine comme un modèle de perfection et de beauté indépassable, qu'on ne peut qu'imiter, les Modernes veulent se détacher de ce modèle qu'ils jugent perfectible. Avec son poème Le Siècle de Louis le Grand, Perrault fait scandale devant l'Académie en critiquant les Anciens et proclamant la supériorité de son siècle : « La docte Antiquité dans toute sa durée/À l'égal de nos jours ne fut point éclairée. » Il invite à fonder une littérature qui témoignerait des progrès de la société, et prône des formes artistiques nouvelles. Son Parallèle des Anciens et des Modernes, en quatre volumes, ne fait qu'alimenter la querelle, qui s'achève temporairement par sa réconciliation publique avec Boileau.

Perrault est surtout connu pour avoir contribué à relancer le genre littéraire du conte, avec les fameux Contes de ma mère l'Oye ou Histoires et Contes du Temps Passé de 1697, dont le succès occulte le reste de sa production. Il meurt en 1703.

Le conte, ce récit d'aventures extraordinaires qui fait appel à l'imaginaire et au merveilleux, se caractérise par la simplicité des situations et des personnages et par sa brièveté. À la différence de la fable, il n'a pas nécessairement une visée morale et plaît plus qu'il n'instruit. C'est pourquoi il a été parfois décrié au nom de la morale et de la vraisemblance classiques. Plus tard, il attire même l'attention des adultes – dont le psychanalyste américain Bruno Bettelheim. Pour lui, le conte de fée, en incarnant à part égale dans les personnages le bien et le mal dans un monde manichéen, pose les problèmes moraux et existentiels des hommes de façon simple. Il révèle en particulier la difficulté des rapports familiaux et les peurs refoulées du psychisme de l'enfant.

Dans ses contes, Perrault se réapproprie l'imaginaire médiéval, chevaleresque et courtois et l'adapte aux particularités et aux mœurs de son siècle.

Il reprend des contes appartenant à une littérature orale, tout en édulcorant certaines histoires, comme « Le Petit Chaperon Rouge », ou « Cendrillon » et en y adjoignant des morales. Les Contes de ma mère l'Oye comprennent également « La Barbe Bleue », « Le Petit Poucet », « Riquet à la Houppe » et « La Belle au bois dormant ». Les éditions ultérieures l'enrichissent notamment de « Peau d'âne ».

« La Belle au bois dormant » raconte comment la princesse Nuit, maudite à sa naissance par la méchante fée Carabosse, se pique le doigt au fuseau et s'endort pour cent ans avec tous les membres de son château. Mais la version de Perrault ne s'arrête pas à l'arrivée du prince qui d'un baiser la délivre. En partant à la guerre, il confie le soin de sa femme et de ses deux enfants à sa mère, une ogresse, qui jette son dévolu sur sa belle-fille et ses petits-enfants. Interrompue par le retour du prince, elle se fait elle-même dévorer par des serpents.

Éclairage média

Par Johanna Pernot

Cette adaptation onirique et audacieuse de Robert Maurice est marquée par l'esthétique colorée des années 1970. L'extrait montre le matin où, la princesse s'étant piqué le doigt au fuseau, tout le château s'endort, à l'exception des parents. Cette version se distingue du conte de Perrault où la bonne fée, appelée à la rescousse par le roi, plonge tous les êtres du château dans le sommeil en les touchant de sa baguette. En créant et dramatisant la surprise du couple royal, ce choix met en valeur le merveilleux du conte tout en tournant le couple en dérision.

La séquence, particulièrement théâtrale, s'appuie sur l'opposition entre le roi et la reine qui s'éveillent, et le reste de la cour, qui s'endort. Jouer de la musique, faire la sentinelle, puiser de l'eau, manger ou bien séduire – toutes les activités de la vie au ralenti se figent, comme dans un tableau. L'enchaînement des plans d'ensemble donne d'ailleurs l'impression que le roi et la reine traversent une galerie de peintures magnifiques, des scènes d'intérieur dignes des maîtres hollandais.

Néanmoins, l'ironie amorcée au début va croissant. Le couple royal, allongé derrière le rideau, à l'arrière-plan, se réveille doucement aux sons des instruments et songe paresseusement à se rendormir, mais c'est finalement le groupe de musiciens qui s'endort dans un concert de fausses notes, pour cent ans. Toute la séquence est construite sur ce renversement comique : au départ immobiles, habitués à donner des ordres et à se faire servir, le roi et la reine peu à peu s'agitent, dans l'indifférence générale. Oubliés le flegme et le décorum, ils paniquent et arpentent, sans sceptre ni costume d'apparat, le château dans leur chemise de nuit blanche.

Ce comique de situation se redouble d'un comique de répétition pour souligner l'impuissance de Sa Majesté, qui, dans sa course affolée, s'écrie à tout bout de champ « Réveillez-vous ! » On frise la caricature avec cet ordre qu'il adresse même au feu de la cheminée, voire la satire sociale avec les insultes – « Bons à rien ! Paresseux » – dont il abreuve impatienté ses domestiques absents. Le plan d'ensemble en légère plongée sur la cour, où l'on voit le fantôme du roi errer entre ses sujets figés, souligne sa petitesse et sa vanité : sans l'aide de ses sujets, il ne vaut pas grand-chose. Le dernier plan où il se précipite à pied vers le carrosse de la fée qui demeure invisible, mais que, tête levée, il implore, signe définitivement son infériorité : le roi n'est rien sans l'intervention merveilleuse de la providence.

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