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Manon Lescaut [extrait]

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 19 dĂ©c. 1978

Adaptation de L'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l'abbé Prévost par Jean Delannoy en 1978. L'extrait proposé montre la rencontre de Des Grieux et de Manon.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du mĂ©dia :
19 déc. 1978
Production :
INA
Page publiĂ©e le :
18 févr. 2014
ModifiĂ©e le :
29 juin 2023
RĂ©fĂ©rence :
00000001592

Contexte historique

Par Johanna Pernot

L'abbĂ© PrĂ©vost a menĂ© une vie très romanesque, qui Ă  bien des Ă©gards rappelle celle de son hĂ©ros des Grieux. NĂ© en 1697 dans le Pas-de-Calais, il est Ă©duquĂ© dans un collège jĂ©suite, oĂą il lit beaucoup et dĂ©veloppe son intĂ©rĂŞt pour le roman moral et didactique. Comme des Grieux, il est orphelin de mère et promis Ă  une carrière religieuse par son père. Il participe rapidement Ă  la guerre de Succession d'Espagne, sĂ©journe en Hollande oĂą il tombe amoureux. Il entre finalement dans l'ordre des BĂ©nĂ©dictins sans grande conviction, sans doute Ă  la suite de son Ă©chec sentimental hollandais, qui provoque la colère de son père. OrdonnĂ© prĂŞtre en 1725, il choisit dès 1728, avec le costume d'abbĂ©, une vie moins rigoureuse. Il publie anonymement les deux premiers volumes des MĂ©moires et aventures d'un homme de qualitĂ© qui s'est retirĂ© du monde, qui lui valent le succès et le scandale. Sa critique de l'Eglise l'oblige Ă  fuir, d'abord en Hollande, puis en Angleterre, oĂą il se fait prĂ©cepteur et rĂ©dige les tomes III et IV de son Ĺ“uvre immense. Une affaire de cĹ“ur avec la sĹ“ur de son Ă©lève provoque un nouveau scandale : il part Ă  Amsterdam, oĂą il noue une nouvelle liaison, qui va avoir sur sa vie des consĂ©quences dĂ©terminantes. Le train de vie de sa maĂ®tresse, très dĂ©pensière, contraint PrĂ©vost Ă  jouer, Ă  inventer des escroqueries... et Ă  Ă©crire. Il commence Cleveland, qu'il finira en 1739, et publie les derniers tomes des MĂ©moires et aventures d'un homme de qualitĂ©. Mais faute d'autorisation, le tome VII, qui correspond Ă  L'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, est très vite saisi. AccablĂ© de dettes, il fuit en Angleterre, oĂą il est brièvement incarcĂ©rĂ© pour faux et usage de faux. Il regagne la France oĂą il vit de sa plume et devient, après sa rĂ©habilitation chez les BĂ©nĂ©dictins, aumĂ´nier du puissant et libertin prince de Conti. Il se lie avec Voltaire dont il corrige les Ĺ“uvres, Ă©crit deux biographies historiques et de brefs romans. Mais en 1741, les dettes colossales de sa maĂ®tresse et sa critique de la Cour le contraignent une nouvelle fois Ă  s'exiler, Ă  Bruxelles puis Francfort. De retour Ă  Paris l'annĂ©e suivante, il est graciĂ© et rompt dĂ©finitivement avec sa maĂ®tresse. Il mène une existence plus assagie, vit de travaux d'Ă©criture et de traduction de l'anglais, cherchant, en homme des Lumières, Ă  faire connaĂ®tre le savoir et les cultures Ă©trangères en France. Il s'installe Ă  Chaillot en 1746 puis Ă  Chantilly, oĂą il meurt en 1763 d'une crise d'apoplexie.

L'Ĺ“uvre de PrĂ©vost est Ă  l'image de sa vie : pĂ©trie de contradictions, de tensions entre aventures et dĂ©sir de retraite, passion et moralisme. Manon Lescaut, qu'on ne saurait rĂ©duire Ă  son inspiration autobiographique, n'Ă©chappe pas Ă  la règle. En rattachant, grâce au tĂ©moignage de l'homme de qualitĂ© dans le prologue, cette histoire aux MĂ©moires et aventures d'un homme de qualitĂ© qui s'est retirĂ© du monde, l'abbĂ© PrĂ©vost cherche Ă  faire passer pour vĂ©ridique la fiction de des Grieux et de Manon. Si, pour Montesquieu, « le hĂ©ros est un fripon et l'hĂ©roĂŻne une catin Â», l'auteur prĂ©tend, avec rĂ©alisme, faire au contraire Ĺ“uvre de morale en montrant au lecteur les ravages de la passion.

Éclairage média

Par Johanna Pernot

Jean Delannoy a adapté au cinéma et à la télévision de grands textes, dont La Symphonie pastorale, palme d'or à Cannes en 1946. En 1978, il collabore avec Jean Anouilh pour proposer une adaptation pour la télévision de L'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, où il prend la liberté d'introduire la figure de l'abbé Prévost. La fameuse rencontre du chevalier et de Manon, placée sous le signe de la fatalité, transcrit fidèlement le texte original.

La dramatique comme le roman brossent un tableau rĂ©aliste de l'Ă©poque. Delannoy soigne les costumes et les dĂ©cors, Ă  l'image de cette cour pittoresque oĂą fait halte le coche. Quant aux moutons qui entourent le couple, ils figurent peut-ĂŞtre l'innocence des deux « enfants Â», pour reprendre les mots de Manon. De fait, des Grieux (Franck David) dans son habit aux couleurs de la passion se signale dès le dĂ©but par sa fraĂ®cheur et son enthousiasme, qui contraste avec l'air sĂ©rieux de Tiberge, presque caricatural avec ses lunettes et son habit bleu. Comme dans le roman, l'union des deux camarades se fissure rapidement.

L'honnĂŞtetĂ© intellectuelle et la foi de des Grieux sont dès le dĂ©but sujettes Ă  caution : il justifie un plaisir apparemment innocent – voir le coche d'Arras – en se rĂ©fĂ©rant Ă  l'autoritĂ© divine : « la vie m'amuse, cher frère, mais ce n'est pas un pĂ©chĂ©, c'est Dieu qui l'a fait Â». Cette attitude annonce dĂ©jĂ  les sophismes qu'il tient face Ă  Tiberge en prison. Et très vite, le chevalier laisse son ami derrière lui : il le prend de vitesse Ă  la course, puis s'avance seul dans la cour pour rejoindre Manon. Tiberge est dĂ©finitivement relĂ©guĂ© hors champ.

La musique, qui dramatise l'arrivĂ©e de la jeune fille, coĂŻncide avec l'adoption d'un point de vue interne : la voix de des Grieux, fidèle au texte de PrĂ©vost, commente les Ă©vĂ©nements. L'alternance des gros plans sur les visages du chevalier et de Manon (Fanny Cottençon) suggère le coup de foudre et la rencontre des regards. Après avoir suivi les pas de des Grieux du point de vue peut-ĂŞtre de Tiberge – nous faisant voir la scène de loin, et, en excluant le spectateur, suggĂ©rant dĂ©jĂ  l'intimitĂ© de la relation qui se noue – la camĂ©ra scelle la vraie rencontre des deux jeunes gens, rĂ©unis enfin dans un mĂŞme plan.

Contrairement au roman, oĂą l'apparence et le discours de Manon ne sont jamais rĂ©vĂ©lĂ©s directement, la dramatique nous livre son visage et ses paroles. Elles mettent en valeur son esprit opportuniste et intĂ©ressĂ©. Manon se montre sensible Ă  la noblesse de des Grieux. Elle semble jouer avec l'idĂ©e de la fatalitĂ© pour attiser la rĂ©bellion du jeune homme – et s'approprie ainsi un argument dont use et abuse le chevalier dans le roman. Le puits, dans lequel se mirent les deux jeunes gens, prĂ©sage-t-il dĂ©jĂ  la chute morale de des Grieux, pris au piège de la beautĂ© et des apparences ? Dans tous les cas, pour les jeunes gens, la fatalitĂ© prend Ă  l'Ă©cran la figure du conducteur de Manon, qui incarne l'autoritĂ© paternelle. IntercalĂ© entre les deux amants au milieu du champ, il les espionne et fait obstacle – pour quelques instants – Ă  une passion qui balaie tout.

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