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« Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée », d'Alfred de Musset [extrait]

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 22 févr. 1994

Adaptation pour la télévision, par Benoît Jacquot, d'Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée d'Alfred de Musset (1993). Extrait de la fin de la pièce : la demande en mariage (dénouement).

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Date de diffusion du média :
22 févr. 1994
Production :
Arte  |  INA
Page publiée le :
18 févr. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001603

Contexte historique

Par Johanna Pernot

Né à Paris en 1810, sous l'Empire de Napoléon, Alfred de Musset a grandi dans un milieu cultivé et libéral. Il fait de brillantes études au lycée Henri-IV et fréquente très jeune les salons littéraires – dont le Cénacle de Hugo, où il fait la connaissance de Delacroix, Vigny ou encore Lamartine. Il abandonne ses études de médecine, puis de droit. Il publie à vingt ans ses Contes d'Italie et d'Espagne où s'affirment un lyrisme et un exotisme typiquement romantiques. Il rédige quelques articles, fait jouer une pièce, tout cela sans succès. En 1832, la mort violente de son père vient changer la donne. Elle va marquer son œuvre et faire du jeune génie un adulte. L'héritage lui permet par ailleurs de se consacrer pleinement à sa carrière d'écrivain. Si la pièce Un spectacle dans un fauteuil, poésie n'a pas, en 1832, le succès escompté, elle fait connaître Musset, qui est embauché à la Revue des deux mondes et peut vivre de sa plume. Il y publie en mai Les Caprices de Marianne, qui met en scène une jeune femme romantique éprise de liberté. C'est à la même époque qu'il rencontre George Sand, avec laquelle il vit, du voyage à Venise à leur rupture définitive en 1835, des amours tumultueuses, sur fond de tromperies et d'alcool. Cette période exaltée stimule la fécondité de Musset. On ne badine pas avec l'amour et, surtout, son drame romantique le plus abouti, Lorenzaccio, paraissent en 1834. Il traduit la déception politique des romantiques, après la révolution avortée de juillet 1830. La multiplication des décors et des personnages rend la pièce difficilement jouable : elle ne sera créée qu'en 1896. La Confession d'un enfant du siècle, roman autobiographique aux accents romantiques publié en 1836, est également nourrie par l'aventure avec George Sand. Musset écrit aussi son poème des Quatre Nuits où le Poète, qui a perdu son inspiration et son innocence, dialogue avec sa Muse ou encore Il ne faut jurer de rien. Mais le jeune prodige se laisse bientôt submerger par le désespoir amoureux, le découragement et l'alcool et, à 30 ans à peine, son inspiration se tarit. En 1840, à la suite d'une angine mal soignée dans son enfance, il tombe gravement malade. Il le restera plus ou moins jusqu'à la fin de sa vie, alternant rémissions et rechutes. Grâce au soutien de ses amis, une de ses pièces en un acte, jouée au Théâtre Français, remporte en 1847 un grand succès et fait tout à coup de Musset un dramaturge à la mode. Il ne faut jurer de rien, Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ou encore Les Caprices de Marianne sont créées. Cette reconnaissance tardive console un peu Musset qui, après deux échecs, est élu à l'Académie française en 1852. Il continue néanmoins de boire et sa santé décline. Conscient sans doute de sa fin proche, il réunit et publie cette même année l'ensemble de son œuvre poétique. Le poète déchu meurt cinq ans plus tard, à 46 ans, dans l'indifférence presque générale.

Publiée en 1845 dans la Revue des deux mondes, la comédie en un acte Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée met en scène le badinage galant de la Marquise et du Comte qui se rend chez elle, un après-midi d'hiver où il est, en vertu du froid, l'unique visiteur. Après les va-et-vient des jeux de la séduction, la pièce s'achève sur les fiançailles des deux amants – et sur la porte que l'on ferme.

Éclairage média

Par Johanna Pernot

Mise en scène par Louis-Dominique de Lencquesaing, qui s'est le plus souvent illustré au cinéma, dans des rôles d'acteur, Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée a été filmée avec sobriété par Benoît Jacquot au Théâtre de l'Odéon en décembre 1993. Deux comédiens formés à l'école de Patrice Chéreau et Pierre Romans, Marianne Denicourt et Thibault de Montalembert, se prêtent avec grâce et subtilité à cette joute amoureuse. Toute en fluidité, la réalisation de Benoît Jacquot sert admirablement le jeu des acteurs, leur volant des moments de tendresse, d'émotion et de séduction. De fait, la mise en scène de Lencquesaing, contemporaine et dépouillée, met en valeur le langage des corps, au moment de l'aveu final du Comte.

Louis-Dominique de Lencquesaing a opté pour un décor original : la petite pièce à l'étage du théâtre de l'Odéon, à l'écart de la scène prestigieuse, suggère à la fois la théâtralité du jeu mondain et l'intimité des deux amants. Inconfortable et vide, elle peut rappeler que le froid a dissuadé les autres visiteurs de se rendre au jour de réception de la Marquise. Le choix de vêtements actuels, sobres mais bien coupés, nous rappelle que si la langue de Musset est datée, le drame de la passion n'a pas d'âge.

La pièce se dénoue avec la déclaration du Comte. Ses allers et retours, son déplacement heurté trahissent son émoi. Le souffle haletant, il semble par instants chercher ses mots. Loin de regarder dans les yeux la Marquise pour chercher à la persuader, l'amoureux, replié sur lui-même, donne plus de crédit à son aveu. Quant à la Marquise, son émotion se devine dans son subit silence, les gestes qu'elle esquisse, ses sourires et ses rires – tout son corps agité.

Même si elle peint avec vivacité la passion, la mise en scène ne s'abstrait pas de la gangue des mondanités inhérentes au texte, comme le rappellent le marivaudage, la bague et les chapeaux. Mais le plan final sur la porte, claquée insolemment au nez du spectateur, est bien d'aujourd'hui : ce clin d'œil ironique aux bienséances du passé sonne comme un préliminaire érotique.

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