Discours de Lionel Jospin à Craonne
19/20Notice
Résumé
Lors d'une cérémonie officielle dans la petite commune de Craonne, haut-lieu de la bataille du « Chemin des Dames » d'avril 1917, qui avait été l'élément déclencheur d'importantes vagues de mutineries dans l'armée pour protester contre les « offensives suicides », le Premier ministre Lionel Jospin réhabilite la mémoire des mutins qui avaient été « fusillés pour l'exemple ».
Informations
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- Date de diffusion : 05 nov. 1998
- Référence : 01690
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Contexte historique
La question des mutineries qui se sont développées dans l'armée française au printemps 1917, au lendemain de l'échec de l'offensive du Chemin des Dames, n'a cessé de susciter un certain trouble, alimentant de nombreux débats historiographiques ainsi que de violentes polémiques sur le plan politique. L'évènement constitue en effet un moment particulier dans un conflit où l'attitude des soldats a majoritairement été celle du « consentement » et de l'acceptation du devoir sacrificiel. Il soulève de nombreux enjeux et des débats sur les motivations des mutins et leurs intentions.
Pendant longtemps, la mémoire de ces mutineries a surtout été marquée par une forme de rejet. Incarnant l'indiscipline, mais aussi une attitude défaitiste et antipatriotique, la figure des mutins apparaissait comme entièrement négative. Lors des commémorations de la Première Guerre mondiale, une forme de déni les a pendant longtemps entouré.
Les années 1960-1970 ont toutefois marqué un tournant important, sous le double effet des études historiques qui leur ont été consacrées ainsi que la remise en cause des différentes formes d'autorité au sein de la société française, plus particulièrement de l'autorité militaire. Progressivement, la vision des mutins de 1917 a évolué. Si les historiens continuent de s'opposer sur le sens et l'interprétation des mutineries, celles-ci sont de moins en moins présentées comme une tentative révolutionnaire ou un complot. Les soldats qui se mutinent veulent surtout dénoncer les conditions inhumaines des grandes offensives suicides, comme celles qui se sont développées au Chemin des Dames (30 000 morts côté français en une dizaine de jours, du 16 au 25 avril 1917). Ils ne souhaitent pas la défaite de leur pays, sont prêts à continuer à faire leur devoir de défenseur de la patrie, mais ne veulent plus servir de « chair à canon ». L'exécution à titre d'exemple de ceux qui s'étaient mutinés revêtait dans ces conditions une forme d'injustice.
La réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » par le premier ministre socialiste Lionel Jospin lors d'un déplacement à Craonne le 5 novembre 1998 constitue le point d'orgue de cette évolution. En souhaitant que les fusillés « réintègrent aujourd'hui pleinement notre mémoire collective nationale », Lionel Jospin reconnaissait une certaine forme de légitimité aux mutineries par rapport au contexte dans lequel elles s'étaient déroulées. Ce discours et cette prise de position de Lionel Jospin provoquèrent toutefois de violentes polémiques, démontrant que la question des mutineries de 1917 restait particulièrement sensible, 80 ans après la fin du Premier conflit mondial, et continuait de susciter un important clivage entre la gauche et la droite. Dans un contexte particulier, celui de la cohabitation, la droite, par la voix de personnalités de premier plan comme Philippe Séguin ou Nicolas Sarkozy, reprocha ainsi à Jospin d'avoir évoqué le souvenir des fusillés à des fins politiques et partisanes, donnant l'impression qu'il justifiait certaines formes d'indiscipline et préconisait la désobéissance au sein des armées de la République. Le président de la République Jacques Chirac prit lui-même position contre le discours de son premier ministre, qualifiant sa démarche « d'inopportune ».
Éclairage média
Ce reportage diffusé au Journal télévisé de France 3 montre les moments forts de la visite officielle et du discours prononcé par Lionel Jospin le 5 novembre 1998 à Craonne, pour réhabiliter la mémoire des « fusillés pour l'exemple » (dont le nombre s'élève à environ 600 pour l'ensemble de la guerre). L'évènement se situe quelques jours avant le 80e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 1918. Ce choix n'est pas anodin. Il témoigne de la volonté de Lionel Jospin de faire de cette réhabilitation un moment à part, n'interférant pas dans les cérémonies officielles du 11 novembre, auxquelles il doit participer aux côtés de Jacques Chirac. Le choix du lieu, Craonne, apparaît également particulièrement symbolique. Ce petit village fut en effet l'un des sites emblématiques de l'offensive du Chemin des Dames et des pertes très élevées qu'elle provoqua dans les rangs français, en raison de sa situation en contre-pente donnant un net avantage aux positions défensives allemandes installées sur les hauteurs du plateau. La Chanson de Craonne (« C'est à Craonne, sur le plateau, qu'on va laisser sa peau ») était d'ailleurs devenue à la fin de la guerre le symbole de la lassitude et du désespoir des soldats. Et c'est à Craonne qu'un régiment d'infanterie, après avoir connu des pertes très sévères début mai (20 officiers, 820 soldats), refusa à nouveau de monter à l'assaut du plateau où se trouvaient les défenses allemandes, le 27 mai 1917, alors que sa période de repos n'était pas terminée. A titre d'exemplarité, plusieurs soldats de ce régiment seront fusillés après avoir été tirés au sort, sans que leur rôle de meneur dans la mutinerie ne soit réellement démontré.
Mais ce choix de Craonne explique aussi les protestations qui se développèrent à droite contre le discours de Jospin, car il contribua à en transformer quelque peu le sens, identifiant les « fusillés pour l'exemple » avec les mutins de 1917. En réalité, des soldats furent fusillés pour indiscipline dès 1914 (sur un total de 600 fusillés, 430 l'ont été en 1914 et 1915), alors que les conséquences psychologiques de la guerre et des bombardements sur les combattants n'avaient pas encore été totalement évaluées, notamment le phénomène du shell shock consistant à paralyser un soldat et à le rendre incapable de tout mouvement. Des soldats ont ainsi été fusillés par erreur, si l'on peut dire, puisque s'ils n'avaient pas pu respecter un ordre, sous le choc d'un bombardement par exemple, cela n'en faisait pas forcément des déserteurs ou des indisciplinés. C'est aussi à la mémoire de ses soldats injustement fusillés, sur lesquels des travaux historiques commençaient à s'intéresser, que voulut rendre hommage Lionel Jospin.
Si depuis le discours de Lionel Jospin, certains « fusillés pour l'exemple » ont effectivement été réhabilités, et sont désormais considérés comme « morts pour la France », ces réhabilitations sont restées individuelles et isolées. Il n'y pas eu pour le moment en France de « réhabilitation collective » des mutins, comme l'ont fait la Nouvelle Zélande en 2000, le Canada en 2001 et la Grande-Bretagne en 2006, ce qui démontre que le sujet continue de diviser et de poser problème. Une proposition de loi a été déposée en ce sens par le parti communiste en décembre 2011. Alors qu'il était président du Conseil général de Corrèze, François Hollande, avant d'être Président de la République, avait fait voter une délibération « pour que les fusillés soient considérés comme des soldats à part entière de la Grande Guerre ». A l'approche des cérémonies du centenaire de la Première Guerre mondiale, un rapport a été commandé sur la question par le ministre délégué aux Anciens combattants, Kader Arif, à une commission d'historiens présidée par Antoine Prost. Mais à l'automne 2014, la possibilité d'une réhabilitation collective n'avait pas encore été tranchée par le gouvernement.
Transcription
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