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Hommage aux 10 000 travailleurs chinois disparus au cours de la Grande Guerre

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 30 mars 2002 | Date d'évènement : 1916

Au cimetière de Noyelles-sur-Mer, six cent dignitaires chinois ont, pour la première fois, rendu hommage à leurs compatriotes venus travailler en Europe lors de la Grande Guerre. 10 000 d'entre-eux sont morts au cours du conflit et reposent aujourd'hui dans cette commune de la côte picarde.

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de l'évènement :
1916
Date de diffusion du média :
30 mars 2002
Production :
INA
Page publiée le :
05 nov. 2014
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001698

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Si l'utilisation par la France d'une importante main-d'œuvre coloniale au cours du premier conflit mondial, notamment en provenance d'Indochine, est connue, le recours à une main-d'œuvre chinoise l'est beaucoup moins. L'appel aux travailleurs chinois débuta en 1916, alors que les besoins se faisaient cruellement sentir dans les usines d'armement. La main-d'œuvre féminine et celle provenant de l'empire colonial ne suffisaient plus à pallier l'absence des hommes partis combattre tandis que le système des « affectés spéciaux » (ouvriers mobilisés dans les usines plutôt qu'à l'armée) ne pouvait dépasser un certain seuil pour des raisons à la fois psychologique (les « affectés spéciaux » étaient considérés par ceux qui restaient au front comme des « embusqués) et militaire (il ne fallait pas trop affaiblir l'armée). L'évolution du conflit, avec l'échec des grandes offensives destinées à rompre le front adverse, montrait également que l'on s'installait de plus en plus dans une guerre longue, pour laquelle l'arme économique et la mobilisation de l'arrière devenaient essentielles.

Alors que la Chine est encore neutre en 1916, elle apparaît pour les gouvernements britannique et français comme un immense réservoir de main-d'œuvre (« la force jaune »). Les Alliés décident de recruter des milliers de travailleurs chinois, qui sont ensuite mobilisés au sein du Chinese Labor Corps. Beaucoup d'entre eux travailleront dans les ports alliés ou dans les usines comme « coolies », en étant chargés des tâches de manutention les moins considérées. Placés sous surveillance et constamment encadrés, logés en commun au sein de baraquements dans des conditions précaires, recevant des salaires très inférieurs aux ouvriers français pour des travaux pourtant très pénibles, ces travailleurs chinois ont connu des conditions de vie et de travail particulièrement difficiles en Europe. A partir d'août 1917, à la suite de l'entrée en Chine aux côtés des Alliés, l'utilisation de travailleurs chinois en France et en Grande-Bretagne s'intensifia. Minée par de nombreuses tensions internes et se trouvant dans une situation de quasi guerre civile, la Chine n'avait en réalité que des moyens militaires très limités. Sa principale contribution à l'effort de guerre allié fut donc de continuer à envoyer en Europe des milliers de travailleurs. Au total, 140 000 Chinois sont ainsi venus travailler en Europe entre 1916 et 1918, dont un quart environ (37 000) en France. A la fin de la guerre, la Chine s'estimera toutefois lésée de sa participation au conflit aux côtés des Alliés, qui refusèrent de remettre en cause les « traités inégaux » de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, favorisant les intérêts commerciaux des européens. Les traités de paix furent par ailleurs particulièrement favorables au Japon, dont la domination en Asie ne cessait de s'étendre (grâce à la récupération des territoires sous contrôle allemand), au détriment de la Chine. Le sentiment d'avoir été « trahi » par les Alliés fut directement à l'origine du mouvement nationaliste qui éclata à Pékin le 4 mai 1919 et constitua une date fondatrice dans l'histoire de la Chine moderne.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Ce reportage permet d'illustrer combien des commémorations peuvent aussi avoir une dimension diplomatique et politique importante puisqu'il apparaît clairement, selon les commentaires, que cette cérémonie à Noyelles-sur-mer doit servir les relations entre la France et la Chine et permettre un rapprochement entre les deux pays. Depuis le début des années 2000, la croissance économique chinoise fait de ce pays un partenaire incontournable, même s'il continue de vivre sous la dictature du parti communiste.

Les images d'archives montrant des travailleurs chinois en activité lors du premier conflit mondial témoignent de la nature des travaux, pénibles et dangereux, qui leur avaient été réservés, comme par exemple l'enterrement des corps, le déminage, la construction de voies ferrées. Ces images montrent également que ces travailleurs vivaient sur le sol français de façon communautaire, avec leurs coutumes et leurs traditions. Cela ne leur était pas spécifique puisque l'on constate la même chose pour l'ensemble des populations étrangères ou d'origines coloniales venues travailler ou combattre en France durant la Première Guerre mondiale. La présence de Jacques Toubon peut surprendre sur les images, puisqu'en 2002 l'ancien garde des Sceaux n'occupe pas de fonctions politiques à l'échelle nationale. Sans doute est-il là simplement en tant que maire du XIIIe arrondissement de Paris, où se trouve la communauté chinoise la plus importante résidant en France.

Peu connue et peu étudiée, cette présence chinoise en Europe au cours du premier conflit mondial peut-être appréhendée à partir d'un témoignage, celui de Gu Xingqing, intitulé Souvenirs de mon travail dans la guerre européenne. Ce travailleur chinois, né à Shangaï en 1894, travailla entre 1916 et 1918 en France et en Belgique, comme interprète auprès des Britanniques. Il rapporta après la guerre les conditions de travail particulièrement dures auxquels furent soumis ses compatriotes. Parmi les 3000 ouvriers chinois qui travaillèrent dans les usines du Creusot se trouvait également le futur premier secrétaire du Parti communiste chinois, Deng Xiaoping.

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