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Des syndicats français devenus impuissants ? Leur échec face à la réforme ferroviaire

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 29 juin 2018

Malgré leur mobilisation, les syndicats français n’ont pu empêcher la réforme ferroviaire ni celle du code du travail décidées par le président de la République Emmanuel Macron. Des militants syndicaux sont interrogés, ainsi que Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, Rémi Bourguignon, enseignant-chercheur à la Sorbonne, et Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
29 juin 2018
Production :
INA
Page publiée le :
29 août 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001945

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

En 2018, le projet de réforme de la SNCF voulu par le président de la République Emmanuel Macron et proposé par le Gouvernement d’Édouard Philippe provoque un grand mouvement social qui dure près de trois mois.

Trois principales raisons sont avancées par le Gouvernement d’Édouard Philippe pour mettre en place cette réforme ferroviaire : l’énorme dette de la SNCF (54,4 milliards d’euros), la dégradation du service aux usagers et la prochaine libéralisation des transports des passagers dans l’Union européenne prévue pour 2020. À la suite du rapport sur l’avenir du transport ferroviaire remis au Premier ministre le 15 février 2018 par Jean-Cyril Spinetta, l’ancien PDG d’Air France, Édouard Philippe annonce ainsi dès le 26 février suivant un « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire ». Ce texte prévoit notamment d’ouvrir la SNCF à la concurrence, de la transformer en société anonyme et surtout de mettre fin aux embauches au statut de cheminot. Pour le faire passer, Édouard Philippe annonce le recours aux ordonnances, comme il l’avait déjà fait pour réformer le code du travail (voir Signature par Emmanuel Macron des ordonnances réformant le code du travail).

Hostile à cette réforme mais également au recours aux ordonnances, l’ensemble des syndicats des cheminots débute alors le 3 avril 2018 un mouvement de grève qui va durer jusqu’en juillet 2018. Ce mouvement prend, à l’initiative de la CGT, une forme inédite : les cheminots sont invités à cesser le travail deux jours sur cinq. Il s’agit de permettre au mouvement de durer en provoquant des perturbations importantes, tout en limitant les pertes financières pour les grévistes.

Cependant, la mobilisation des cheminots s’étiole peu à peu : de 30 % en début de conflit, le taux de grévistes tombe à 10 % lors des dernières journées d’action. Malgré leur format inédit et leur longueur, ces grèves, les plus longues de la SNCF depuis 1995, ne font pas reculer le président de la République Emmanuel Macron et son Gouvernement qui refusent la moindre concession. La loi portant sur la réforme ferroviaire est ainsi définitivement votée par le Parlement le 14 juin 2018, puis promulguée le 27 juin suivant. Elle prévoit, à partir du 1er janvier 2020, la fin du monopole de la SNCF sur le transport ferroviaire intérieur de voyageurs, la transformation de la compagnie en société anonyme et la fin de l’embauche des nouveaux salariés au statut des cheminots.

L’échec de la mobilisation contre cette réforme révèle l’impuissance croissante des syndicats face au Gouvernement. Déjà en 2017, la CGT n’était pas parvenue à rassembler significativement contre les ordonnances réformant le code du travail (voir Signature par Emmanuel Macron des ordonnances réformant le code du travail). Plus largement, l’influence des syndicats semble ne cesser de décliner. Le taux de syndicalisation en France, en constant recul depuis le milieu des années 1970 (voir L'état du syndicalisme en France au début des années 2000), demeure faible : en 2016, il n’atteignait que 11 % des salariés contre 23 % en moyenne dans l’Union européenne, avec notamment 35 % en Italie, 26 % au Royaume-Uni et 18 % en Espagne.

Le mouvement des « gilets jaunes », à l’automne et à l’hiver 2018, a également témoigné de la perte d’influence des organisations syndicales françaises (voir La première journée de mobilisation des « gilets jaunes » et Les « gilets jaunes » : qui sont-ils ?
). Cette contestation protéiforme et hétéroclite d’une ampleur inédite s’est en effet entièrement construite et développée sans les syndicats. Surtout, contrairement à ces derniers, les « gilets jaunes » sont parvenus à faire fléchir Emmanuel Macron et le Gouvernement sans recourir aux grèves, en mobilisant sur les ronds-points et dans les rues.

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Diffusé dans le journal télévisé de vingt heures de France 2 le 29 juin 2018, ce reportage s’intéresse d’abord à l’échec des syndicats face à la réforme de la SNCF décidée par Emmanuel Macron, avant d’aborder plus largement la question de leur éventuelle perte d’influence. Il s’efforce d’offrir un tableau nuancé, insistant aussi bien sur leur affaiblissement face au Gouvernement que sur la persistance de leur rôle essentiel dans les relations sociales.

Ce reportage a été réalisé dans un contexte bien précis, c'est-à-dire après trois mois de grève échelonnée des cheminots contre la réforme ferroviaire, deux jours après la promulgation de celle-ci par Emmanuel Macron, et immédiatement après l’annonce par la CGT et Sud Rail de nouvelles grèves à la SNCF pour les premiers départs en vacances, les 6 et 7 juillet 2018. Ce sujet succède d’ailleurs à un plateau extérieur réalisé depuis la gare Montparnasse à Paris.

Il propose notamment des images factuelles et d’illustration classiques des mouvements sociaux : des plans de cheminots en grève réunis en assemblée générale, de manifestants défilant dans la rue contre la réforme ferroviaire et, à la toute fin, de manifestants retraités. Il comporte également une infographie présentant les chiffres d’adhérents des trois principaux syndicats français (CGT, CFDT, Force ouvrière) qui n’indique toutefois ni l’évolution historique de ces effectifs, ni le taux de syndicalisation moyen des salariés français. Le reportage de France 2 comprend également des interviews d’acteurs du mouvement syndical : deux cheminots grévistes, et Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Il donne aussi la parole à des experts : Rémi Bourguignon, maître de conférences à la Sorbonne spécialiste du syndicalisme, et Raymond Soubie, présenté seulement comme « expert en relations sociales », sans que ne soit précisé sa qualité de membre du Conseil économique, social et environnemental. Il est également l'ancien conseiller des Premiers ministres Jacques Chirac et Raymond Barre puis du président de la République Nicolas Sarkozy.

Le reportage oppose par ailleurs les syndicats, recourant aux moyens traditionnels des mouvements sociaux (grèves, manifestations), à la figure du président de la République qui impose son autorité pour faire passer ses réformes. Il montre ainsi, dans une brève séquence, qu’Emmanuel Macron a mis en scène la signature de la loi ferroviaire en direct devant les caméras de télévision. À plusieurs reprises depuis le début de son quinquennat, il avait déjà recouru à cette pratique inspirée des présidents américains, pour les textes de loi jugés les plus emblématiques, tels que la réforme du code du travail (voir Signature par Emmanuel Macron des ordonnances réformant le code du travail). On voit ici Emmanuel Macron promulguer la loi de réforme ferroviaire depuis son bureau à l’Élysée, le 27 juin 2018, aux côtés d’Élisabeth Borne, la ministre des Transports, et de Benjamin Griveaux, le porte-parole du Gouvernement.

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