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Le repas gastronomique des Français reconnu par l'Unesco

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 17 nov. 2010

ClassĂ© en 2010 sur la liste du patrimoine immatĂ©riel de l’Unesco, « le repas gastronomique des Français Â» est avant tout associĂ© Ă  la haute cuisine française et perçu comme un levier de dĂ©veloppement Ă©conomique et de rayonnement dans le monde.  

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du mĂ©dia :
17 nov. 2010
Page publiĂ©e le :
24 mars 2021
ModifiĂ©e le :
29 juin 2023
RĂ©fĂ©rence :
00000004085

Contexte historique

Par Isabelle Chalier

En 2010 l’Organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (l’Unesco) a classé sur la liste du patrimoine immatériel le repas gastronomique des Français : une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Cette inscription s’est effectuée dans le cadre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco signée en 2003. Au demeurant assez générale, elle avait été ratifiée en 2006 par l’État français qui déjà comptait inscrire la gastronomie française sur cette liste, occasion et moyen de faire reconnaître l’appartenance de la gastronomie au domaine de la culture.

Cette idée était, entre autres, portée par l’IEHCA (Institut Européen de l’Histoire et des Cultures Alimentaires) à Tours, une agence de développement scientifique située à mi-chemin entre le monde académique et celui des professionnels, qui défend les aspects culturels de l’alimentation, et qui souhaite une reconnaissance politique des scientifiques qui travaillent sur ces questions. Indirectement, il s’agissait pour l’IEHCA d’amener l’État français à mettre en place une politique culturelle en faveur de la gastronomie

Dans un discours prononcĂ© au Salon de l’agriculture le 23 fĂ©vrier 2008, soit deux ans avant le classement dĂ©finitif, le prĂ©sident de la RĂ©publique Nicolas Sarkozy avait annoncĂ© officiellement que la France escomptait dĂ©poser un dossier de candidature auprès de l’Unesco. Pour lui, cette dĂ©marche relevait d’un enjeu de civilisation et devait permettre Ă  la France d’affirmer son rĂ´le de leader en matière culturelle et son rayonnement culturel. Bien Ă©videmment, il s’agissait, par cette promotion internationale que constituerait un classement, de valoriser les filières en lien direct avec la gastronomie, entre autres l’agriculture, l’agroalimentaire ou encore le tourisme : d’importantes retombĂ©es Ă©conomiques Ă©taient ainsi attendues. Cependant une petite phrase du prĂ©sident sur la meilleure gastronomie du monde suscita le mĂ©contentement Ă  la fois d’autres États Ă  la tradition gastronomique bien ancrĂ©e comme l’Italie et de l’Unesco qui jugeait l’assimilation de la gastronomie Ă  la haute cuisine bien trop Ă©litiste. Ce fut l’occasion pour l’Unesco de rappeler que l’inscription ne consistait pas Ă  dĂ©cerner des prix ou des rĂ©compenses ou de sĂ©lectionner des pratiques parmi d’autres pour les hiĂ©rarchiser. La Convention de 2003 avait avant tout pour objectif de valoriser les traditions populaires des pays du Sud ou en dĂ©veloppement beaucoup moins reprĂ©sentĂ©s sur la liste du patrimoine mondial, Ă©tablie Ă  partir de 1978 et actualisĂ©e chaque annĂ©e, crĂ©Ă©e dans le cadre de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel signĂ©e en 1972.  Avec la Convention de 2003, l’Unesco entendait rĂ©Ă©quilibrer la rĂ©partition Ă  l’échelle mondiale et considĂ©rait, Ă  juste titre, que les pays dĂ©veloppĂ©s n’avaient pas forcĂ©ment besoin d’une audience supplĂ©mentaire. 

Éclairage média

Par Isabelle Chalier

Le reportage tournĂ© en 2010 fait l’impasse sur les dĂ©bats qu’avait suscitĂ©s l’annonce de Nicolas Sarkozy en 2008 et fait l’éloge de ce « nouveau monument Â» inscrit sur la liste mondiale du patrimoine immatĂ©riel. A contrario il met en avant la haute gastronomie en donnant la parole Ă  Eric FrĂ©chon, chef trois Ă©toiles au Bristol Ă  Paris. Une assimilation justement que l’Unesco cherchait Ă  Ă©viter en retenant l’expression « repas … des Français Â» et en insistant sur le caractère populaire de cette tradition, notamment sur la commensalitĂ© (la pratique du repas en commun et la convivialitĂ©) et sur une pratique sociale et culturelle comme source de lien social et de bien-ĂŞtre.

En interrogeant des touristes Ă©trangers, le reportage insiste Ă©galement sur les externalitĂ©s positives d’un tel classement et vient rappeler Ă  quel point la gastronomie peut constituer un levier Ă©conomique et comment le processus de patrimonialisation participe au rayonnement, ici culturel, de la France dans le monde. La France la d’ailleurs bien compris avec la gastrodiplomatie, un concept forgĂ© dans les annĂ©es 2000 qui renvoie Ă  l’usage de la gastronomie comme un rĂ©fĂ©rent ou une marque au service de la politique nationale et de la puissance dans le cadre de ses relations avec les autres États. Il s’agit d’une stratĂ©gie de relations publiques afin de promouvoir un pays comme une marque, d’encourager les investissements et de dĂ©velopper les activitĂ©s commerciales et touristiques. C’est pour ce faire qu’a Ă©tĂ© lancĂ©e en 2015 l’opĂ©ration « GoĂ»t de France / Good France Â» auprès des restaurateurs du monde entier qui devaient proposer le mĂŞme jour un repas sur le modèle du repas gastronomique des Français (apĂ©ritif, entrĂ©e, poisson, plat de viande, fromages de France, dessert, cafĂ©, alcool). C’était une reprise des fameux DĂ®ners d’Épicure lancĂ©s par Auguste Escoffier en 1912, dont le troisième, Ă  la veille de la Grande Guerre, avait rĂ©uni 10 000 convives dans 147 villes. 

La scène internationale du goĂ»t apparaĂ®t aujourd’hui comme un espace concurrentiel oĂą les puissances mettent en avant leurs productions ou leurs techniques, et les États, leurs grands cuisiniers. La prĂ©sence de grands chefs Ă©toilĂ©s (JoĂ«l Robuchon est Ă  la tĂŞte d’une trentaine d’établissements, Alain Ducasse aussi, Guy Savoy est installĂ© Ă  Las Vegas, Yannick AllĂ©no Ă  Marrakech et Ă  PĂ©kin) dans le monde contribue Ă  la promotion de la gastronomie française (dans des restaurants privĂ©s mais aussi dans les ambassades, lors des visites d’États) mais Ă©galement une vitrine pour le secteur agro-alimentaire français (exportation de vins...), ce que rappelle, dans la vidĂ©o, le critique gastronomique PĂ©rico LĂ©gasse. Ce dernier en profite pour rappeler que le patrimoine culinaire est menacĂ© par les nouveaux modes de consommation dans un contexte de mondialisation et la nĂ©cessitĂ© de le prĂ©server en tenant compte des filières auxquelles il est adossĂ© comme la filière agricole. 

Ainsi la patrimonialisation du repas gastronomique vient affirmer un des traits de l’identitĂ© culturelle française et exprimer Ă  la fois le rejet d’une uniformisation alimentaire et la diffusion de l’art gastronomique français dans le monde, contre et grâce Ă  la mondialisation. 

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