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La patrimonialisation, levier de développement économique : l’exemple du Pays de Grasse

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 29 nov. 2018

En 2018 l’Unesco reconnaissait comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité les savoir-faire liés au parfum en pays de Grasse : l’espoir de retombées économiques pour une filière, celle des plantes à parfum et des parfumeurs, alors en plein renouveau. 

 

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
29 nov. 2018
Page publiée le :
24 mars 2021
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000004089

Contexte historique

Par Isabelle Chalier

En 2018 l’Unesco inscrivait sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité « les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse » ce qui recouvre trois aspects différents : la culture de la plante à parfum ; la connaissance des matières premières et leur transformation ; et l’art de composer le parfum. 

Dès 2014 ces savoir-faire avaient fait leur entrée à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France (voir Le patrimoine culturel immatériel : de la France à l’Unesco) et en 2016 le ministère de la Culture et de la Communication avait sélectionné le dossier pour une candidature officielle de la France en vue de 2017-2018, un pays ne pouvant présenter un dossier que tous les deux ans. Cette candidature était portée, dès l’origine, par l’Association Patrimoine Vivant du Pays de Grasse sous la présidence de Jean-Pierre Leleux alors maire de Grasse, sénateur des Alpes-Maritimes et président de la communauté d’agglomérations du Pays de Grasse.

À la fin du XVIe siècle, Grasse n’était qu’une petite cité de Provence, spécialisée dans la tannerie de peaux fines dont on masquait l’odeur avec des plantes aromatiques présentes en abondance dans les environs. Les artisans du pays grassois produisaient alors des gants parfumés pour les cours européennes et s’étaient diversifiés dans la cosmétique. Au XVIIIe siècle, ils inventèrent un nouveau procédé, l’enfleurage, qui permettait de capturer le parfum des fleurs les plus fragiles (le jasmin, la rose, la tubéreuse…) et dont les pétales fraîchement cueillis étaient enduits de matière grasse qui captait les odeurs. Le procédé, fastidieux, demandait une abondante main-d’œuvre qualifiée et un matériel considérable. À la fin du XIXe siècle, avec les progrès de la chimie, les producteurs mettent au point un procédé d’extraction des parfums au moyen de solvants qui capturent le parfum contenu dans les fleurs et plantes macérées. Une fois le solvant chassé par distillation, l’élément vecteur de l’odeur, appelée la concrète, permet d’obtenir l’essence absolue. Cette technique rapide est économe en matériel et en main-d’œuvre qualifiée. L’industrialisation est en marche et il est désormais possible de dissocier le lieu d’extraction (la fraîcheur des fleurs n’est plus une condition) du lieu de production des parfums. Les fleurs sont dès lors cultivées dans les contrées lointaines où la main d’œuvre agricole est nombreuse et peu coûteuse, dans les colonies françaises notamment, en Algérie, au Maroc, en Tunisie… Grasse devient la capitale mondiale de la parfumerie, au cœur de l’approvisionnement en matières premières et de la commercialisation des parfums. En 1950, elle contrôle 95 % du marché mondial des matières premières aromatiques d’origine naturelle. 

Dans les années 60, confrontée à la concurrence mondiale, par exemple des arômes de synthèse, et à la pression immobilière (forte dans cette région attractive), mentionnés dans le reportage, la production familiale grassoise de fleurs s’étiole et se voit rachetée par des groupes internationaux. 

Or, depuis les années 2000, la filière de la plante à parfum se redynamise en allant chercher directement les parfumeurs, en développant des partenariats et en diversifiant sa production et ses activités avec notamment le tourisme, encouragée par la patrimonialisation des savoir-faire. 

Éclairage média

Par Isabelle Chalier

Le reportage s’ouvre sur les champs de plantes et de fleurs et sur le travail des producteurs dont le savoir-faire se transmet de génération en générations, un critère que justement l’Unesco retient depuis la Convention 2003 pour inscrire des traditions et pratiques sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.   

Parmi les jasmins et tubéreuses, le journaliste rencontre Patrick Isnard, producteur de la rose centifolia dont il vante le caractère exceptionnel. Cette rose de mai, comme on l’appelle également, se cueille tôt le matin à peine éclose et à la main avec délicatesse. Produite principalement en France, elle entre, tout comme la rose de Damas, sa concurrente venue aujourd’hui de Turquie ou de Bulgarie, dans la composition de nombreux parfums comme l’iconique Chanel n°5 ou encore Coco Mademoiselle

La filière du luxe, représenté dans la vidéo par Éric Fabre, directeur de Fragonard, célèbre parfumeur installé à Grasse depuis 1926, constitue ainsi un enjeu pour le développement local. Par leur puissance économique et leur rayonnement international, les maisons françaises du luxe se placent en position de force sur le marché mondial et ce grâce au savoir-faire des artisans et petits producteurs. Ils seraient 3500 au total d’après le journaliste à exploiter ainsi le climat et le terroir fertiles du pays grassois, faisant face à la pression immobilière forte dans cette région de France et à la concurrence mondialisée des arômes de synthèse. 

Cette articulation entre une filière motrice, le luxe, et des entreprises locales, a permis à des territoires, fragilisés par la mise en concurrence dans la mondialisation, de conserver des savoir-faire, de développer un vivier d’emplois et de renforcer leur attractivité notamment auprès des investisseurs (Dior depuis les années 2010) et aussi des touristes. Ainsi, après une éclipse, le pays de Grasse peut se targuer d’un dynamisme retrouvé. La labellisation Unesco en 2018 est venue contribuer à l’action conjointe de l’État et des collectivités territoriales en encourageant la conservation et la valorisation des savoir-faire. Cette patrimonialisation, en attirant de nouveaux touristes (un million et demi par an selon le reportage), constitue donc un précieux levier de développement économique local. À la suite de cette l’inscription par l’Unesco, un itinéraire de découverte, Chemins parfumés, a ainsi été proposé en 2019 avec une visite des lieux emblématiques de l’histoire du parfum à Grasse.

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