Portrait officiel de Louis XIV

ArteL’Histoire par l'image

Proposé par Arte - L’Histoire par l'image

Date de diffusion : 2020 | Date d'évènement : 1701

Disponible jusqu'au 31 août 2024

En 1701, Hyacinthe Rigaud exécute le portrait en pied de Louis XIV en costume de sacre. Ce portrait, tant de fois reproduit, est le modèle des portraits officiels des rois de France et des chefs d’État français.

La collection « Histoires d'histoire » est proposée par la Rmn-Grand Palais.

Niveaux et disciplines

Pour approfondir

Ressources pédagogiques utilisant ce média

  • Niveaux: Cycle 3 - Cycle 4 - Lycée général et technologique

    21 janvier 1793 : Louis XVI est guillotiné

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Histoires d'histoire
Réalisation :
Renaud David
Date de l'évènement :
1701
Date de diffusion du média :
2020
Production :
@ 2020 -  RMN - Le Grand Palais
Page publiée le :
11 mars 2021
Modifiée le :
28 déc. 2023
Référence :
00000004221

Contexte historique

Par Joël Cornette

On lit, dans les Mémoires du marquis de Dangeau : Jeudi 10 mars 1701, à Versailles : la goutte du Roi continue ; il se fait peindre l’après-dîner par Rigaud pour envoyer son portrait au roi d’Espagne, à qui il l’a promis. Le roi à qui Louis XIV destinait ce tableau était son deuxième petit-fils, Philippe d’Anjou, monté sur le trône espagnol sous le nom de Philippe V suite au testament laissé en 1700 par Charles II qui, s’opposant au partage de ses États, les lui avait légués à condition qu’il renonce à ses droits sur la couronne de France. C’est à Hyacinthe Rigaud (1659-1743), célèbre dès les années 1680 pour son art du portrait, que fut confiée la réalisation de ce tableau.

Les Mémoires inédits des membres de l’ancienne Académie royale de peinture permettent de retracer précisément sa genèse : Ayant fait en 1700 pour Louis XIV le portrait de Philippe V, roi d’Espagne, son petit-fils, quelques jours avant son départ de la France, celui-ci pria le Roy son grand-père, de lui donner aussi son portrait peint de la même main, ce que Sa Majesté lui accorda. Rigaud eut l’honneur de le commencer l’année suivante et, étant achevé, ce monarque le trouva d’une ressemblance si parfaite et si magnifiquement décoré qu’il lui ordonna d’en faire une copie de la même grandeur pour l’envoyer au roi d’Espagne à la place de l’original, qui fut placé à Versailles, dans la salle du trône.

En réalité, les deux grands portraits de Rigaud, l’original et la réplique, restèrent à Versailles. Le tableau fut présenté à Versailles en janvier 1702, dans le grand appartement, à l’admiration dévote des courtisans.

Analyse des images

Ce grand portrait d’apparat serait en fait un montage, réalisé à plusieurs mains, dans l’atelier de Rigaud : la tête du roi, esquissée par Prieur, un des élèves du maître, aurait été peinte sur une toile indépendante, puis fixée sur la grande toile.

Tout oppose, en effet, la partie inférieure du corps – des jambes de jeune homme, gainées de soie, amorçant un pas de danse – et la partie supérieure : le visage réaliste d’un homme alors âgé de soixante-trois ans.

Vieil homme avec un corps de jeune homme, Louis XIV est entouré des insignes de la royauté : le collier de l’ordre du Saint-Esprit, le sceptre – tenu à l’envers, comme une canne ! –, la couronne fermée, la main de justice, et il y apparaît comme hors du temps, dans une sorte d’éternité.

Le tableau de Rigaud construit ainsi un portrait syncrétique, qui illustre parfaitement les deux corps du roi, le cœur de la problématique du grand livre d’Ernst Kantorowicz (voir bibliographie), qui a bien expliqué la double nature de la souveraineté : le roi symbolique, qui ne meurt jamais (la grandeur et les attributs de la monarchie), et le roi physique, le « simple corps » mortel du roi-homme, la personne de Louis XIV.

Ce roi physique est saisi à différents moments de sa vie : maître d’œuvre d’une cour brillante (les éléments du costume mondain, sous le manteau du sacre, contribuent à créer une distance entre les symboles de la royauté et la personne du roi), en perpétuelle représentation ; grand amateur de ballets ; souverain absolu durant un règne déjà long de quarante-sept ans.

Interprétation

Cet emblème de la monarchie absolue de droit divin fut réalisé l’année même où le château de Versailles parvenait à sa perfection cérémonielle et symbolique quand le roi installe sa chambre au cœur du palais de Versailles, tout à côté de la salle du Conseil où il réunit les ministres et les secrétaires d’État, donnant ainsi à voir les « deux corps du roi ». Louis XIV affectionnait ce tableau à un point tel qu’il ordonna d’en multiplier les copies. Saint-Simon n’hésita pas à appeler Rigaud le premier peintre de l’Europe, pour la ressemblance des hommes et pour une peinture forte et durable.

À partir de 1702, nombre d’artistes, peintres ou graveurs, reproduiront cette même figure et sa pose, presque à l’identique. Et l’atelier de Rigaud réalisa, jusqu’en 1715, un très grand nombre de « Louis XIV », de dimensions variées, en armure ou en manteau de sacre, en pied ou en buste, qui furent immédiatement répandus en France et dans les cours d’Europe.

Ce tableau est devenu l’archétype des portraits officiels au-delà même des ruptures historiques : depuis la IIIe République, les présidents sont représentés dans une posture proche de celle du roi tel que peint par Hyacinthe Rigaud.

Bibliographie

  • Ernst KANTOROWICZ, The King’s Two Bodies : a Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957.
  • Ernst KANTOROWICZ, Les Deux Corps du roi : essai sur la théologie politique au Moyen Âge, traduit de l’anglais par Jean-Philippe Genet et Nicole Genet, Paris, Gallimard, 1989.
  • Philippe de DANGEAU, Mémoires.
  • Mémoires inédits des membres de l’ancienne Académie royale de peinture.
  • Myriam TSIKOUNAS, « De la gloire à l’émotion, Louis XIV en costume de sacre par Hyacinthe Rigaud », in Sociétés & Représentations, 2008, n° 26. 

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