Les salons littéraires au XVIIIe siècle

Invitez-vous dans un salon littéraire du XVIIIe siècle : Mme Geoffrin vous accueille et l’assemblée est très sélecte. D’Alembert, Van Loo, Montesquieu, Turgot, Diderot, Soufflot, Rousseau, Marivaux... : ils sont tous là. Le tableau recrée de manière parfaitement imaginaire cette sociabilité des salons du XVIIIe siècle.

Niveaux et disciplines

Ressources pédagogiques utilisant ce média

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Histoires d'histoire
Réalisation :
Renaud David
Production :
@ 2020 -  RMN - Le Grand Palais
Page publiée le :
11 mars 2021
Modifiée le :
12 juil. 2024
Référence :
00000004223

Contexte historique

Par Pierre-Yves BeaurepaireProfesseur d’histoire moderne, université Nice Sophia Antipolis )

Une sociabilité aristocratique et mondaine

Commande de Joséphine Beauharnais, ce tableau du peintre Lemonnier a été exposé au Salon de 1814. Le but de ce portrait de groupe est de fixer pour la postérité tous ceux qui ont compté sur la scène mondaine, philosophique et artistique parisienne au cours du siècle des Lumières, bien au-delà des membres qui ont effectivement formé la société de Mme Geoffrin.

Significativement nommés « sociétés » au XVIIIe siècle, les salons sont en effet l’une des principales composantes d’une sociabilité mondaine dont le XIXe siècle cultive la nostalgie. Si le divertissement lettré et la recherche du bon mot sont au cœur de ces rencontres, la maîtrise de soi et du savoir-vivre sont essentiels à la qualité des rapports entre « salonniers ». Chacun doit s’y faire valoir et reconnaître tout en respectant les autres invités. Lorsque les conversations s’échauffent, l’hôtesse intervient pour en changer le cours et mettre fin aux débats. Dans ces conditions, certaines figures des Lumières, comme le mathématicien d’Alembert, coéditeur des premiers tomes de l’Encyclopédie avec Diderot, sont autant recherchées pour leur sens de l’humour et leur bonne compagnie que pour la fulgurance de leur esprit. Comme le reconnaît lui-même d’Alembert, en Angleterre, on se contentait que Newton fût le plus grand génie de son siècle ; en France, on aurait aussi voulu qu’il fût aimable. Les salons ne décident pas des carrières académiques ni des positions dans la République des Lettres, mais ils font et défont des réputations (dans le cas de Jean-Jacques Rousseau, qui n’arrive pas à se soumettre à leur jugement en termes de bon goût et de performances).

Analyse des images

Portrait de groupe des Lumières

La scène se situe dans un salon richement décoré de tableaux et de tapis, celui de Madame Geoffrin, épouse du directeur de la manufacture des Glaces (future entreprise Saint-Gobain). L’hôtesse, que l’historiographie américaine nomme également « salonnière », accueille dans le cadre confortable du salon les habitués de sa « société ». Elle y convie les visiteurs de marque, notamment dans le cas des salons parisiens, les voyageurs étrangers de condition qui ont pris soin de se munir de lettres de recommandation. Les hôtesses les plus célèbres associent aux hommes de lettres et aux artistes, des puissants - ici des ministres comme Turgot, Malesherbes ou des figures de l’aristocratie comme le maréchal duc de Richelieu. Elles ont aussi le souci de réunir des invités dont les caractères sont compatibles. On reconnaît ici notamment : Georges Louis Leclerc comte de Buffon, Mademoiselle de Lespinasse (autre salonnière célèbre), Jean Le Rond d’Alembert, Carle Van Loo, Claude Adrien Helvetius (dont l’épouse tenait un salon réputé), le prince de Conti, le baron de Montesquieu, Dortous de Mairant, Anne Robert, Louis Turgot, Denis Diderot, François Quesnay, le comte de Caylus (célèbre amateur d’art), Germain Soufflot, le duc de Choiseul, Jean-Philippe Rameau, Jean-Jacques Rousseau, l’abbé Raynal, Marivaux, Françoise de Graffigny, René Antoine Réaumur ou encore Madame du Bocage.

Au centre de ce tableau de groupe des Lumières à leur zénith trône le buste du patriarche de Ferney, Voltaire, au génie duquel les participants rendent un hommage symbolique en lisant sa tragédie L’Orphelin de Chine.

Interprétation

Histoire des Lumières et fiction artistique

Cette œuvre, souvent dénommée Le Salon de Madame Geoffrin en 1755, est l’une des représentations des Lumières européennes les plus fréquemment sollicitées. L’espace privé rencontre l’espace public, les gens de lettres et du monde prennent la pose pour immortaliser un commerce de société épanoui, où le divertissement lettré et la chronique mondaine s’associent harmonieusement, où chacun se soumet librement à des normes de comportement et d’être en société.

L’identification des présents et des absents, des figures attendues du cosmopolitisme des lettres et de l’aristocratie, rassure : les Lumières sont à leur apogée, Paris est leur scène de prédilection, ses salons sont courtisés par toute l’Europe des lettres et du goût. Pourtant, cette scène n’a jamais eu lieu, c’est une reconstruction a posteriori des Lumières en majesté, à la gloire d’un des principaux salons du XVIIIe siècle.

Bibliographie

  • BEAUREPAIRE Pierre-Yves, La France des Lumières (1715-1789), Paris, Belin, coll. « Histoire de France », 2011.
  • BEAUREPAIRE Pierre-Yves, Le mythe de l’Europe française au XVIIIe siècle : diplomatie, culture et sociabilité au temps des lumières, Paris, Autrement, coll. « Mémoire & histoire », 2007.
  • LILTI Antoine, Le monde des salons : sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 2005. 

Lieux

Thèmes

Sur le même thème