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Discours de Dominique de Villepin à l’ONU en 2003 contre une intervention militaire en Irak

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 14 févr. 2003

Extrait de la déclaration du ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, devant le Conseil de Sécurité de l’ONU le 14 février 2003. Il plaide pour un soutien aux inspecteurs de l’ONU chargés du désarmement de l’Irak et contre une intervention militaire.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
14 févr. 2003
Page publiée le :
29 juil. 2021
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000004238

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

À la suite des attentats du 11 septembre 2001 commis à New York et Washington par Al-Qaïda, le président américain George W. Bush déclare la guerre au terrorisme islamiste. Dès le 7 octobre 2001, les États-Unis entrent en guerre en Afghanistan afin de renverser le régime des talibans, soutien d’Al-Qaïda. 

Puis George W. Bush lance une croisade contre l’axe du Mal constitué, selon lui, de l’Irak, de l’Iran et de la Corée du Nord. Les États-Unis accusent ainsi le dictateur irakien Saddam Hussein d’avoir acquis des armes de destruction massive : le 5 février 2003, Colin Powell, secrétaire d’État américain, présente à l’ONU des documents attestant de la présence de ces armes sur le sol irakien et appelle à une intervention armée. La communauté internationale se divise alors sur une opération militaire contre l’Irak : si le Royaume-Uni le soutient, la France du président Jacques Chirac s’y oppose, tout comme la Russie, l’Allemagne et la Chine.

Dans un discours vibrant prononcé devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 14 février 2003, le ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, se fait la figure de proue de l’opposition à une intervention militaire précipitée en Irak. Il dénonce ses risques, jugeant qu’elle pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile et risquerait d’ aggraver les fractures entre les sociétés, entre les cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme. Soutenant la recherche d’une issue pacifique, le ministre des Affaires étrangères français plaide pour accorder le temps nécessaire aux inspecteurs chargés du désarmement de l’Irak depuis novembre 2002, dans le cadre de la résolution 1441 adoptée par l’ONU : Il y a une autre option offerte par les inspections, qui permet d’avancer de jour en jour dans la voie d’un désarmement efficace et diplomatique de l’Irak. Ce choix-là n’est-il pas le plus sûr et le plus rapide ? (...) La guerre est toujours la sanction d’un échec. (...) Et Dominique de Villepin conclut son allocution par une allusion aux critiques formulées par le secrétaire de la Défense des États-Unis, Donald Rumsfeld, contre la France et l’Allemagne, accusées d’appartenir à la vieille Europe : Et c’est un vieux pays, la France, un continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un vieux pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs. Et qui pourtant n’a cessé de se tenir debout face à l’histoire et devant les hommes. Il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Fidèle à ses valeurs, il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur. Fait très rare lors des réunions de l’ONU, Dominique de Villepin est applaudi au terme de son discours. 

Malgré cette opposition farouche de la France et de plusieurs autres pays, George W. Bush décide, sans l’accord de l’ONU, d’intervenir en Irak : fort du soutien de huit pays européens, dont le Royaume-Uni de Tony Blair, l’Espagne et l’Italie, les États-Unis déclarent la guerre à l’Irak le 20 mars 2003. Si l’opération Liberté en Irak aboutit au renversement du régime de Saddam Hussein en seulement vingt-six jours, elle déstabilise profondément le pays. L’Irak est ainsi déchirée pendant plusieurs années par une guerre civile sanglante entre chiites et sunnites. Les troupes américaines font face, de leur côté, à une guérilla incessante menée par Al-Qaïda et divers groupes radicaux sunnites durant huit ans, ne quittant le sol irakien qu’en 2011. Par ailleurs, on découvrira après la chute de Saddam Hussein que l’Irak ne détenait pas d’armes de destruction massive en Irak et que les documents présentés par les États-Unis à l’ONU étaient des faux.

 

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Le 14 février 2003, France Inter a consacré toute la première partie de son journal de 19 heures aux discussions menées à l’ONU sur une éventuelle intervention militaire contre l’Irak de Saddam Hussein, soupçonnée par les États-Unis d’avoir acquis des armes de destruction massive. Dans un premier temps, la chaîne de radio publique française a donné à entendre un extrait de l’allocution de Hans Blix, responsable des inspecteurs chargés d’enquête sur les stocks d’armes de destruction massives de l’Irak : Hans Blix explique que les inspecteurs de l’ONU ne confirment pas la thèse du secrétaire d’État américain Colin Powell selon laquelle l’Irak dissimulerait des armes de destruction massives.

À la suite de ce document, France Inter diffuse un extrait de la déclaration du ministre des Affaires étrangères français Dominique de Villepin devant le Conseil de sécurité de l’ONU, déclaration prononcée un peu plus tôt dans la même journée du 14 février 2003. Il s’agit en l’occurrence de la conclusion du discours du ministre français. On y entend Dominique de Villepin s’opposer avec fermeté à une intervention militaire immédiate en Irak au nom de la paix mondiale, mais également au nom du passé même de la France. Comme le dit le présentateur du journal de France Inter, le ministre français se montre en effet ironique à l’égard des autorités américaines, partisanes d’une intervention armée contre l’Irak de Saddam Hussein. Dominique de Villepin conclut son discours en répondant aux critiques formulées par le secrétaire de la Défense des États-Unis, Donald Rumsfeld, qui avait accusé la France et l’Allemagne d’appartenir à la vieille Europe en raison de leur refus de soutenir une opération militaire contre l’Irak : Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Dans le sens employé par Dominique de Villepin, vieux ne renvoie plus à un supposé immobilisme de la France et de l’Allemagne, mais à celui d’un discernement fondé sur l’expérience. Le ministre français ne cherche cependant pas à apparaître comme le porte-parole d’un antiaméricanisme : il rappelle l’aide apportée par les États-Unis à son pays lors des deux guerres mondiales (Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs.).

Fait très rare à l’ONU, le discours de Dominique de Villepin a été applaudi par une partie notable des membres du conseil de sécurité – le présentateur parle même d’un discours très applaudi. Par sa fermeté et sa précision, ce plaidoyer en faveur d’une solution pacifique et diplomatique à la crise avec l’Irak a marqué les esprits en France et en Europe : il a fait de Dominique de Villepin le héraut de la cause pacifiste et de l’opposition à une guerre injustifiée. Pourtant, quelques semaines plus tard, le 20 mars 2003, les États-Unis, soutenus par certains pays européens, déclarent la guerre à l’Irak. 

 

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