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Controverse sur le déboulonnage de statues en 2020

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 15 juin 2020 | Date d'évènement : Juin 2020

En juin 2020, un mouvement favorable au déboulonnage de statues de figures coloniales et esclavagistes se développe, auquel s’oppose le président de la République Emmanuel Macron. La figure de Jean-Baptiste Colbert est particulièrement remise en cause. L’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault et les historiens Jean Garrigues et Fabrice d’Almeida réagissent à ce mouvement.

Niveaux et disciplines

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de l'évènement :
Juin 2020
Date de diffusion du média :
15 juin 2020
Production :
@ 2020 -  France Télévisions
Page publiée le :
26 sept. 2023
Modifiée le :
26 sept. 2023
Référence :
00000004936

Contexte historique

Par Christophe GracieuxProfesseur agrégé en classes préparatoires littéraires au lycée Watteau de Valenciennes )

La mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier blanc le 25 mai 2020 à Minneapolis, lors d’une interpellation violente, déclenche un vaste mouvement de contestation du racisme, aux États-Unis comme dans le reste du monde. Ce mouvement, animé par les militants antiracistes de Black Lives Matter, remet notamment en cause le passé colonial et esclavagiste de l’Occident. Dans la foulée de ce mouvement antiraciste, des statues honorant des colons blancs et des figures esclavagistes sont prises pour cibles : elles sont dégradées ou déboulonnées dans plusieurs pays en juin 2020.

La fièvre iconoclaste contre les monuments élevés à la gloire de personnalités blanches (Jacqueline Lalouette, Les Statues de la discorde, Passés composés, 2021) se déploie d’abord aux États-Unis. Ainsi, des statues de Christophe Colomb, longtemps présentées comme le découvreur de l’Amérique, mais désormais accusé par les militants antiracistes d’être l’une des figures du génocide des Amérindiens, sont prises pour cible : les 9 et 10 juin 2020, une statue de l’explorateur génois est décapitée à Boston (Massachussetts), une autre est incendiée puis jetée dans un lac à Richmond (Virginie), une troisième est vandalisée à Miami (Floride) avec de la peinture rouge et des inscriptions « Black Lives Matter » et « George Floyd », une quatrième est arrachée de son socle à Saint-Paul (Minnesota). Des statues de dirigeants de l’armée confédérée pendant la guerre de Sécession sont aussi déboulonnées, comme celle du général William Carter Wickham à Richmond le 6 juin.

Ce mouvement d’atteintes à des statues jugées emblématiques du passé esclavagiste, raciste et colonial, ne se réduit pas aux États-Unis. Il touche d’autres pays, en particulier le Royaume-Uni et la Belgique. À Bristol, au Royaume-Uni, le 7 juin 2020, des manifestants antiracistes jettent dans les eaux du port la statue d’Edward Colston, négrier et négociant des XVIIe-XVIIIe siècles. Elle est ensuite repêchée pour être placée dans un musée. À Londres, c’est la statue de Robert Milligan, un planteur esclavagiste du XVIIIe siècle, qui est préventivement déboulonnée le 9 juin par la municipalité. En Belgique, ce sont des statues et des bustes de Léopold II, colonisateur du Congo qui en fit sa propriété personnelle de 1884 à 1908 et dont l’exploitation reposa sur un régime sanglant de terreur, qui sont visées. La statue équestre du monarque, en plein centre de Bruxelles, est maculée de peinture rouge et le mot « pardon » tracé sur sa poitrine, le 10 juin.

La France est, elle aussi, touchée par ce mouvement en juin 2020. Est alors particulièrement ciblée la figure de Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des Finances de Louis XIV et instigateur du Code noir, cadre juridique de l’esclavage dans les colonies françaises, publié en 1685, deux ans après sa mort. Les militants antiracistes demandent ainsi que sa statue placée devant l’Assemblée nationale à Paris soit retirée. Mais le président de la République Emmanuel Macron s’oppose à cette revendication, déclarant dans un discours télévisé le 14 juin 2020 que la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire et que la République ne déboulonnera pas de statue.

Éclairage média

Par Christophe GracieuxProfesseur agrégé en classes préparatoires littéraires au lycée Watteau de Valenciennes )

Diffusé dans la dernière partie du journal télévisé de 20 heures de France 2 du 15 juin 2020, encore largement consacré à la pandémie de Covid-19, alors que la France est encore en train de se déconfiner, ce sujet vise à faire le point sur une controverse : faut-il déboulonner les statues de figures coloniales et esclavagistes ? Cette question a été soulevée par les revendications des militants antiracistes dans de nombreux pays à la suite de la mort de George Floyd, tué par un policier à Minneapolis, aux États-Unis, le 25 mai 2020. Pour répondre de manière nuancée à cette question, le journaliste Jeff Wittenberg propose notamment les interviews de deux historiens habitués à intervenir dans les médias, Jean Garrigues, président du Comité d’histoire parlementaire, et Fabrice d’Almeida, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut français de presse.

Mais le reportage confronte surtout deux opinions antagonistes d’hommes politiques. D’abord, celle du président de la République Emmanuel Macron, qui, lors d’une allocution télévisée prononcée la veille, le 14 juin 2020, et diffusée en ouverture du sujet, a dit son opposition à tout déboulonnage des statues – il est à noter que le discours présidentiel n’était pas du tout spécifiquement consacré aux atteintes aux statues, mais à l’organisation des dernières étapes du déconfinement. À l’inverse, l’ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault exprime quant à lui, sur le plateau de France 3 Pays-de-la-Loire, son soutien aux revendications des militants antiracistes. Président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage depuis 2018, il appelle à débaptiser la salle de l’Assemblée nationale et le bâtiment au ministère de l’Économie et des Finances (Bercy) qui portent tous les deux le nom de Jean-Baptiste Colbert.

S’il évoque aussi le cas d’autres statues – celles de Jules Ferry, de Joseph Gallieni ou du général de Gaulle –le sujet de France 2 s’intéresse en effet plus particulièrement à la polémique née autour de la figure du principal ministre de Louis XIV et instigateur du Code noir. Lors du rassemblement organisé le 6 juin 2020 à Paris en mémoire d’Adama Traoré, mort en juillet 2016 après avoir été interpellé par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise, des manifestants avaient appelé à s’en prendre à la statue de Jean-Baptiste Colbert placée devant l’Assemblée nationale. Le reportage reste prudent et présente les arguments des uns et des autres : l’historien Jean Garrigues, président du Comité d’histoire parlementaire et politique (soutenu par le Sénat et l’Assemblée nationale) appelle à ne pas condamner et à mieux expliquer les rôles des grandes figures nationales. De son côté, l’historien Fabrice d’Almeida, spécialiste notamment de l’histoire des médias et enseignant à l’Institut français de presse, rappelle qu’une Nation choisit les personnes qu’elle valorise. Il cite l’exemple de la dernière rue Pétain, à Belrain, dans la Meuse, qui a ainsi été débaptisée en 2013.

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