PISTE PÉDAGOGIQUE

Comment limiter l’influence des actionnaires sur leurs médias ?

Par Nolwenn NeveuEnseignante agrégée de Sciences économiques et sociales
Publication : 29 sept. 2023 | Mis à jour : 20 déc. 2023

Niveaux et disciplines

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En s'appuyant sur des exemples concrets (grève à i-Télé en 2016 ; nomination de Geoffroy Lejeune au Journal du dimanche en 2023), mais aussi sur des articles et des infographies, cette piste pédagogique invite les lycéens à réfléchir à la concentration des médias et aux moyens à la disposition des journalistes pour garantir leur indépendance.

Place dans le programme

  • HGGSP > S’informer : un regard critique sur les sources et modes de communication
  • SES > Comment se forme et s’exprime l’opinion publique ? 

Objectifs

  • Comprendre le risque que la concentration des médias fait peser sur l’indépendance des journalistes
  • Connaître les différents éléments qui permettent de préserver l’indépendance des journalistes

  • Réfléchir à la manière dont on peut améliorer l’indépendance des journalistes

Durée

3 heures.

1. Introduction : Quel problème peut poser la concentration des médias ?

Lire l'article du Journal du dimanche, puis répondez aux questions ci-dessous : 

Nomination de Geoffroy Lejeune au « Journal du dimanche » : « Un virage à 180 degrés »

Le 23 juin 2023, Geoffroy Lejeune est devenu directeur de la rédaction du Journal du dimanche (JDD). Le transfuge de Valeurs actuelles, fraîchement débarqué de l’hebdomadaire dont il avait fait un soutien au candidat d’extrême droite Éric Zemmour lors de l’élection présidentielle de 2022, retombe donc sur ses pattes. L’ombre de Vincent Bolloré, propriétaire du titre depuis 2021 au travers de sa participation dans le groupe Lagardère News, est dans tous les esprits. L’arrivée d’une telle personnalité à la tête d’un titre comme le JDD inquiète. À tel point que la société des journalistes du titre a annoncé, le 22 juin, se mettre en grève […]. Christian Delporte, spécialiste de l’histoire des médias nous explique les raisons de cette mobilisation.

Voici l'intégralité de l'article de La Revue des médias à lire : Nomination de Geoffroy Lejeune au JDD : « Un virage à 180 degrés » (26 juin 2023).

Téléchargez l'article.

Quelles sont les craintes des journalistes du JDD à l’arrivée de Geoffroy Lejeune à la direction de la rédaction ?

Selon vous, quels sont les leviers des journalistes pour résister à un changement de ligne éditoriale ?

2. Les patrons contrôlent les médias ? Une affirmation excessive !

Durée : 1 heure.

     

A. Une concentration des médias à relativiser

Analyser l'infographie ci-dessous, puis répondre aux questions.

Infographie des médias en France

Infographie intitulée "11 milliardaires détiennent". Les graphiques indiquent :

  • 81 % de journaux vendus pour la presse quotidienne nationale généraliste
  • 12 % de journaux vendus pour la presse quotidienne régionale généraliste
  • 95 % de journaux vendus pour la presse hebdo nationale généraliste
  • 47 % de part d'audience pour la radio généraliste
  • 58 % de part d'audience pour la télévision généraliste
  • 44 % de part d'audience pour les sites d'info généralistes
Téléchargez l'infographie.

D’après l’extrait vidéo et l’infographie, la concentration des médias est-elle un processus uniforme ?

B. Une résistance forte de la part des journalistes

Activité proposée : La classe est divisée en deux groupes. Chaque groupe travaillera sur les cas présentés ci-dessous avant de répondre aux questions.

Groupe 1 – Comment les journalistes du journal Le Monde protègent-ils leur indépendance 

 

À l’aide des documents A, B, C et D ci-dessous, répondez aux questions. Vous pourrez vérifier ainsi si les journalistes du journal Le Monde préservent leur indépendance. 

Pensez à vous répartir le travail afin de ne pas avoir à tout lire, voir, écouter ! 

• Document A – Visionner l'épisode de la série Journaliste ? Pas si simple !

Date de la vidéo: 2017 Collection:  - Journaliste ? Pas si simple !

Les journalistes et leurs patrons

• Document B – Lire l'article de « La Revue des médias » : À quoi servent les sociétés des journalistes ? 

Depuis la Libération, les journalistes s’organisent pour défendre la ligne éditoriale et la déontologie de leurs médias. Une façon de contrebalancer le pouvoir des propriétaires, avec une efficacité qui varie d’une rédaction à l’autre. Qu'est-ce qu'une SDJ ? Quel est son statut ? À quoi sert-elle ?

Réponses dans l'article de La Revue des médias du 1er août 2023 à lire en intégralité : À quoi servent les sociétés des journalistes ?

Téléchargez l'article.

• Document C – Analyser le document du Monde sur le droit d'agrément (23/09/2019)

Infographie du journal Le Monde : le droit d'agrément.

Infographie du journal "Le Monde" expliquant le droit d'agrément. Un actionnaire veut vendre la majorité de ses parts à Monsieur X. Soit le vote du pôle d'indépendance est majoritaire, Monsieur X est agréé. Soit le vote n'est pas majoritaire, Monsieur X n'est pas agréé. il y a un délai de 6 mois pour trouver un autre actionnaire, soit le pôle d'indépendance ne trouve personne alors Monsieur X entre au capital. Ou il trouve Mme Y qui devient actionnaire agréée par le Pôle. Monsieur X peut présenter ultérieurement, et une fois seulement, une seconde offre modifiée si d'autres parts sont en vente. Il se soumet de nouveau au droit d'agrément.

Téléchargez l'infographie du Monde.

• Document D – Lire l'article du « Monde » : Une indépendance éditoriale totale et absolue

En octobre 2018, les journalistes du Monde ont été informés que Matthieu Pigasse, l’un des actionnaires majoritaires du Monde, allait vendre 49 % de ses parts à un industriel tchèque, le milliardaire Daniel Kretinsky. Contrairement aux usages, ni la rédaction du journal ni le pôle d’indépendance n’avaient été consultés avant cette opération. Daniel Kretinsky, dirigeant d’un groupe énergétique et du premier groupe de médias tchèque, était déjà, cette année-là, devenu propriétaire du magazine Marianne et d’une partie du pôle magazine du groupe Lagardère. Les journalistes du journal Le Monde se sont dès lors inquiétés de ce qu’ils ont vu comme une offensive de Daniel Kretinsky sur les médias français. 

Téléchargez l'article du Monde.

Que s’est-il passé en octobre 2018 ?

Qu’ont craint les journalistes à ce moment-là ?

Existe-t-il une société des journalistes au journal Le Monde ? Si oui, quel est son rôle ?

Quel est son rôle ?

Qu’est-ce que le pôle d’indépendance du journal Le Monde ?

Qu’est-ce que le droit d’agrément dont bénéficie ce pôle d’indépendance ?

Comment les journalistes du Monde s’assurent-ils que les actionnaires ne participeront pas aux choix éditoriaux ?

L’indépendance des journalistes du Monde vous paraît-elle assurée ? Justifiez votre réponse.

Groupe 2 – Comment les journalistes de la chaîne i-Télé ont-ils défendu leur indépendance ? 

 

À l’aide des documents A, B, C et D ci-dessous, répondez aux questions. Vous pourrez ainsi analyser comment les journalistes d’i-Télé ont cherché à préserver leur indépendance. 

Pensez à vous répartir le travail afin de ne pas avoir à tout lire, voir, écouter ! 

• Document A – Visionner l'extrait issu de la série SPAM

Les journalistes sont aux ordres des puissants (vidéo élèves)
2023 - Les journalistes sont aux ordres des puissants (vidéo élèves) [EXTRAIT]

Remarque : En réalité, le mouvement de grève a iTélé n’a pas immédiatement démarré après le rachat du groupe Canal+. La chaîne a connu une succession de crises cette année-là, qui s’est soldée par la grève, puis par le départ d’un bon nombre de journalistes : rachat du groupe Canal par Vincent Bolloré, installation à la direction de la rédaction de Guillaume Zeller, proche de Vincent Bolloré, installation à la direction de la chaîne de Serge Nedjar (qui reprendra d’ailleurs quelques mois plus tard la direction de la rédaction), autre proche de Vincent Bolloré, réduction des effectifs, etc. Mais c’est véritablement l’arrivée de Jean-Marc Morandini, accusé de corruption de mineurs aggravée, qui fera éclater la longue grève dont parle la vidéo. 

• Documents B et C – Lire les deux articles ci-dessous : 

Document B – Lire l'article du « Monde » : Un mois de grève à i-Télé, les raisons et l’échec d’un conflit sans précédent depuis 1968

Les journalistes de la chaîne d’info ont repris le travail au 31e jour de grève. Plus de trente salariés ont annoncé leur départ.

Les salariés d’i-Télé ont voté mercredi 16 novembre la fin d’un mois de grève, la plus longue dans l’histoire de l’audiovisuel privé. Ce conflit a dépassé le record de vingt-sept jours à Radio France en 2015, mais pas celui des sept semaines de grève à l’ORTF en 1968.

Les journalistes avaient cessé le travail le 17 octobre, pour protester contre l’arrivée à l’antenne de l’animateur Jean-Marc Morandini, mis en examen pour corruption de mineur, et pour réclamer des gages d’indépendance de la rédaction.

La sortie de crise a un goût amer puisque les grévistes n’ont pas obtenu satisfaction sur leurs revendications et ont enregistré de nombreuses défections au sein de la rédaction. Au moins trente salariés, y compris des cadres et journalistes historiques, ont annoncé leur démission. Cette grève sans précédent a en effet été le révélateur d’une crise profonde au sein de la chaîne d’information en continu du groupe Canal+.

CHRONOLOGIE

De l’« affaire Morandini » à la paralysie de l’antenne

  • Mercredi 13 juillet : une enquête des Inrocks révèle que Jean-Marc Morandini a organisé des castings dénudés et formulé des propositions sexuelles à des jeunes gens lors du tournage d’une websérie. Europe 1 décide, fin juillet, de déprogrammer « provisoirement » son émission de rentrée. NRJ 12 l’écarte aussi de l’écran. L’animateur venait aussi d’être recruté par i-Télé, qui repousse le début de son émission pour qu’il prépare sa défense. En effet, Jean-Marc Morandini est mis en examen le 23 septembre.
  • Vendredi 7 octobre : la chaîne i-Télé annonce que Jean-Marc Morandini – proche de l’actionnaire Vincent Bolloré – « rejoindra comme prévu i-Télé à partir du 19 octobre » pour une émission quotidienne. La décision suscite la stupeur et la colère de la rédaction, qui vote une motion de défiance le 11 octobre, contre cette atteinte à l’image de la chaîne.
  • Jeudi 13 octobre : dans une tribune publiée par Le Monde, la Société des journalistes d’i-Télé demande officiellement à Jean-Marc Morandini de ne pas venir. L’animateur refuse au nom de la présomption d’innocence. Le lendemain, la direction propose aux journalistes de partir en évoquant leur clause de conscience. Durant le week-end, le mot clé #jesoutiensitele se propage sur les réseaux sociaux.
  • Lundi 17 octobre : Jean-Marc Morandini arrive et présente sa première émission. La rédaction se met en grève. Le mouvement est ensuite reconduit sans interruption. Le directeur adjoint de la rédaction, Alexandre Ifi, annonce son départ le jour même. D’autres journalistes lui emboîtent le pas : Olivier Ravanello, Amandine Bégot…
  • Mercredi 19 octobre : une rencontre entre les grévistes et la direction se déroule dans un climat de franche hostilité. Un rassemblement de soutien est organisé.
    Durant le week-end, une partie des locaux sont déménagés dans le cadre du rapprochement des rédactions d’i-Télé et du quotidien gratuit Direct Matin, pour former un ensemble unique, CNews. Une initiative mal perçue par les grévistes, qui assurent que « des effets personnels sont mis à la poubelle ».
  • Lundi 24 octobre : au huitième jour de grève, la direction « suspend temporairement » l’émission de M. Morandini, en précisant qu’elle reprendra après le mouvement social, et repousse la création de CNews. Mais aucune concession n’est faite aux grévistes qui poursuivent leur bras de fer.
  • Jeudi 3 novembre : les émissions que les journalistes s’étaient engagés à assurer, avant et après le deuxième débat de la primaire de droite, sont annulées par la direction. Mais le débat lui-même, dont i-Télé est co-organisateur avec BFM-TV, est diffusé comme prévu. Le même jour, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) adresse deux mises en demeure à i-Télé, sur le contenu de l’émission « Morandini Live », et sur l’absence de comité d’éthique. C’est le plus haut niveau d’intervention du CSA avant d’éventuelles sanctions.
  • Lundi 7 novembre : après trois semaines de grève, trois syndicats de salariés d’i-Télé sont reçus pour la première fois par la ministre du travail, Myriam El-Khomri, qui a proposé une médiation. La direction ne répond pas.
  • Mercredi 9 novembre : une soirée de soutien aux journalistes grévistes est organisée au Bus Palladium.
  • Lundi 14 novembre : après un rendez-vous avec les ministres du travail et de la culture, la direction du groupe Canal+ entame des négociations avec les représentants des journalistes.
  • Mercredi 16 novembre : les grévistes votent la reprise du travail « dès la signature du protocole d’accord avec la direction ».

EXPLICATIONS

Des difficultés économiques persistantes
I-Télé est lancée en 1999, comme une chaîne d’information en continu payante, sur le modèle de LCI, puis devient gratuite lors du passage à la TNT en 2005. Elle se trouve alors en concurrence avec BFM-TV, avec un écart d’audience qu’elle ne parvient jamais à rattraper, et qui s’est même creusé dans les derniers mois.

Depuis sa création, et malgré des redevances versées par Canal+ pour la fourniture de contenu d’information, la chaîne ne parvient pas à dégager de bénéfice. L’arrivée cette année d’une quatrième chaîne d’information, France Info, déstabilise encore sa position. Les pertes d’i-Télé sont passées de 16 millions d’euros en 2014 à 20 millions en 2015 et devraient atteindre 25 millions d’euros, selon son actionnaire majoritaire, Vivendi.

Un premier mouvement social en juin
Le président du conseil de surveillance du groupe Canal+, Vincent Bolloré, débarque la direction de la rédaction et impose à la rentrée 2015 un de ses fidèles, Guillaume Zeller, malgré la méfiance de la rédaction. L’ambiance se tend encore davantage après l’arrivée à la direction de la chaîne de Serge Nedjar, autre proche, déjà patron du quotidien gratuit Direct Matin, où il dirigeait également la régie publicitaire dans un discutable mélange des genres.

En juin 2016, des réductions d’effectif sont annoncées : 53 CDD d’usage ne sont pas reconduits, soit un quart des quelque 200 postes de la rédaction. Les journalistes votent une motion de défiance et entament une grève de quatre jours, la première dans l’histoire de la chaîne.

Des craintes pour l’indépendance de l’information
À la rentrée, le directeur de la rédaction, Guillaume Zeller, quitte son poste sans être remplacé. Serge Nedjar reprend sa fonction, en plus de celle de directeur de la chaîne. Les journalistes déplorent de nouvelles réductions budgétaires, qui réduisent la couverture éditoriale de sujets d’importance, comme la primaire américaine ou la bataille de Mossoul, en Irak.

Le projet stratégique de Vivendi, qui devait être lancé mi-octobre, repose sur une synergie accrue entre les divers médias du groupe : Canal+, i-Télé, Direct 8… Elle veut transformer i-Télé en CNews et y donner plus de place aux points forts du groupe : sport, divertissement, cinéma et international.

Les journalistes d’i-Télé craignent que les « synergies » se traduisent par des contenus publirédactionnels à la gloire du groupe Vivendi, ou Bolloré (Universal Music, jeux vidéo Gameloft, voitures Autolib, etc.), comme cela s’est déjà produit dans les colonnes de Direct Matin.

C’est pourquoi les grévistes demandaient, outre le départ de Jean-Marc Morandini, la nomination d’un directeur de la rédaction distinct du directeur de la chaîne, et la signature d’une charte éthique. Sur ce dernier point, ils ont reçu le soutien du CSA, mais l’instance restait impuissante à régler le volet social du conflit.

Résultat de la grève

Des concessions sur l’indépendance, pas sur Morandini

À l’issue de 30 jours de grève, les salariés d’i-Télé ont obtenu des résultats mitigés sur leurs revendications principales :

  • Jean-Marc Morandini conforté. La présence de l’animateur, qui avait servi de point de départ à la grève, n’est pas remise en cause par la direction. Mais les salariés pourront choisir de ne pas travailler avec lui.
  • des avancées sur le volet social. Les journalistes qui décideraient de partir en activant leur clause de conscience recevront deux mois de salaire par année d’ancienneté (au lieu d’un) avec un plancher de six mois.
  • un « directeur de l’information délégué » (et non un directeur de la rédaction) garant de l’indépendance des journalistes, sera nommé. Il travaillera aux côtés de Serge Nedjar. Toutefois, celui-ci continuera de cumuler la direction de la chaîne et la direction de la rédaction.
  • un comité et une charte d’éthique. La direction s’est engagé à créer rapidement un nouveau comité d’éthique et à élaborer une nouvelle charte, qui sera de toute façon obligatoire dans la future loi sur l’indépendance des médias.

Anne-Aël Durand

Source : Le Monde, Un mois de grève à i-Télé : les raisons et l’échec d’un conflit sans précédent depuis 1968, 4 novembre 2016.

Téléchargez l'article.

Document C – Lire l'article de Franceinfo : La direction d'i-Télé ouvre une «clause de conscience» pour les journalistes refusant de travailler avec Morandini

Une majorité de la rédaction s'oppose à la venue de l'animateur sur la chaîne, après sa mise en examen pour corruption de mineur aggravée.

Une réponse qui risque de jeter de l'huile sur le feu. La direction d'i-Télé a ouvert une clause de conscience pour les journalistes qui souhaitent partir plutôt que travailler avec Jean-Marc Morandini, a indiqué un porte-parole de la chaîne de Canal+, vendredi 14 octobre. 

Avec cette mesure, qui ouvre le droit à des indemnités de départ, la direction de la chaîne d'info réplique aux journalistes qui ont massivement protesté mardi contre l'arrivée de l'animateur à l'antenne, malgré sa mise en examen pour corruption de mineur aggravée.

Une motion de défiance contre la direction
Un courrier devrait être envoyé vendredi aux journalistes pour préciser les conditions de cette clause. Une assemblée générale des salariés avait lieu en fin de matinée. La Société des journalistes a été reçue vendredi matin par la direction. La rédaction de la chaîne du groupe Canal+, déjà échaudée par un plan d'économies drastique, avait appris vendredi avec consternation l'arrivée de l'animateur pour réaliser une émission quotidienne sur l'actualité des médias.

Jeudi, par une tribune publiée dans Le Monde, la Société des journalistes d'i-Télé avait demandé expressément à Jean-Marc Morandini de renoncer à son émission, après avoir voté, mardi à une écrasante majorité, une motion de défiance contre sa direction. L'animateur avait répondu vendredi dans une autre tribune en demandant qu'on le laisse travailler et qu'on respecte la présomption d'innocence.

L'animateur de 51 ans, mis en examen le 23 septembre, a été mis en retrait des plateaux de NRJ 12 et des matinales d'Europe 1, dont il était un pilier depuis des années. Aucune décision n'a été prise concernant la date exacte du retour de l'animateur à l'antenne, a précisé le porte-parole d'i-Télé.

Source : Franceinfo, le 14 octobre 2016.

Téléchargez l'article.

Que s’est-il passé en 2016 à i-Télé ?

Que craignent les journalistes à ce moment-là ?

Existe-t-il une société des journalistes à i-Télé ? Si oui, quel est son rôle ?

Qu’est-ce qu’une motion de défiance ?

Que gagnent les salariés d’i-Télé à l’issue de leur grève ?

Qu’est-ce qu’une clause de conscience ?

L’indépendance des journalistes d’iTélé vous paraît-elle assurée à l’issue de ce mouvement ? Justifiez votre réponse.

3. Un cadre protecteur pour les médias… qui doit être amélioré

Nous avons vu dans la partie précédente que les grands patrons de l’industrie ou les milliardaires ne contrôlent pas tous les médias. Il serait néanmoins naïf de penser que le risque est nul. C’est d’ailleurs bien l’existence d’un tel risque qui justifie l’existence de sociétés des journalistes et de différents garde-fous. Les projets d’amélioration des règles aux niveaux français et européen témoignent d’ailleurs d’une conscience du problème du côté des pouvoirs publics et d’une volonté de le combattre. C’est ce que nous allons voir à présent.

Activité possible : Faire travailler les élèves sur les pistes d’amélioration de la loi française en proposant un bref état des lieux des dispositifs légaux existants et en leur fournissant des ressources sur les propositions faites pour améliorer le cadre légal. 

A. Un cadre légal protecteur…

• Document A – Lire la section « Les fondements des aides à la presse » de l'article publié sur le site Vie Publique

 

• Activité sur le document A – Compléter le texte à trous.

 

• Document B – Lire la section « Les fondements des aides à la presse » dans l'article ci-dessous, publié sur le site Vie Publique.

 

• Activité sur le document B – Compléter le texte à trous.

B. ...qui doit évoluer pour s’adapter aux évolutions des médias contemporains

• En France

Lire les articles ci-dessous :

Article publié sur le site Vie publique : La loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins

La loi vise à protéger les agences et les éditeurs de presse dont les contenus sont reproduits et diffusés comme libres de droits par les moteurs de recherche. Pour cela, la proposition de loi instaure un droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse.

Elle fixe à cinq ans la durée des droits patrimoniaux détenus par les éditeurs et les agences de presse sur leurs productions au titre des droits voisins. Ces droits voisins s’appliqueront aux publications de presse, collections composées d’œuvres de nature journalistique ayant pour objet de fournir des informations sur l’actualité. Seront tenus d’acquitter des droits voisins les services de communication au public en ligne ce qui inclut les moteurs de recherche et les réseaux sociaux. Les journalistes auteurs de publications auxquelles s’appliquent le droit voisin pourront obtenir une part de la rémunération due aux éditeurs et aux agences de presse, dans des conditions déterminées par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord collectif.

Source : Vie publique : Loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse

Téléchargez l'article.

 

• Les « droits voisins », qu'est-ce que c'est ?

Les « droits voisins » sont des droits moraux ou patrimoniaux perçus par les artistes. Les journalistes demandent à étendre ce droit à la presse dans le cadre de la réforme du droit d’auteur européen. Concrètement, l’application de ce droit permettrait à la presse d’être payée quand un article est lu à partir d’un réseau social ou d’une plateforme [1] Une plateforme numérique est un service qui sert d’intermédiaire d’accès à des informations, des contenus, des biens ou des services. En ce qui concerne l’accès à l’information, on peut prendre ici les cas de Facebook, Google, déjà cités dans l’article, ou encore de X (anciennement Twitter).

Une loi sur les droits voisins a été votée en France en 2019, mais son application n’est pas effectuée à ce jour. Cette loi vise à protéger les agences et les éditeurs de presse dont les contenus sont reproduits et diffusés comme libres de droits par les moteurs de recherche. 

Article publié sur le site Vie publique : «Aides à la presse écrite : faut-il réformer le système ?»

En 2021, un rapport du sénateur Roger Karoutchi fait un état des lieux des aides publiques à la presse dont le système a été réformé en 2019. Le sénateur s’interroge sur le bien-fondé de maintenir un système d’aide majoritairement orienté vers la presse papier à l’heure du tout digital. […]

Dans la crainte d'une trop grande dépendance des titres de presse vis-à-vis des subventions, dans un secteur en difficulté, il dresse une série de préconisations parmi lesquelles :

- la mise en place de nouveaux critères de qualification à cette aide pour les titres de presse (niveau d’accessibilité en ligne, participation du titre à la connaissance et au savoir, degré d’indépendance du titre) qui pourrait se substituer à la catégorisation ;

- le désengagement financier progressif de l’État de l'aide au portage et au transport postal pour les titres de presse, compte tenu de la baisse du volume de titres postés (- 35 % de 2013 à 2018) ;

- la fusion de ces aides en une aide unique, évolutive selon le degré d’indépendance des entreprises de presse, tout en comptant sur le renfort des instruments juridiques susceptibles d’améliorer les ressources des titres (application des droits voisins, augmentation des recettes liées à la publicité en ligne…).

Source : Vie publique : Aides à la presse écrite : faut-il réformer le système ?

Téléchargez l'article.

À votre avis, pourquoi l’application de la loi sur les droits voisins et/ou une réforme des aides à la presse permettraient-elles d’améliorer l’indépendance de la presse vis-à-vis du pouvoir économique ?

• Au niveau européen

Article du « Monde » : Bruxelles veut légiférer pour préserver l’indépendance et la liberté des médias en Europe

[…] Vendredi 16 septembre devaient être dévoilés à Bruxelles les contours d’un futur règlement sur la liberté des médias (European Media Freedom Act, EMFA) auxquels ils travaillent depuis près d’un an. Objectifs du texte : lutter contre la concentration dans les médias en Europe afin de protéger leur indépendance éditoriale et le pluralisme, mais aussi exiger davantage de transparence sur la propriété des chaînes, sites d’information, groupes de presse.

Pour l’UE, ce texte sur les médias est une première. « Nous n’avions pas encore de marché unique de l’information, il fallait des règles communes », se félicite Thierry Breton [ancien ministre de l’Économie français].  […] Entre les éditeurs de presse qui y voient une menace sur « la liberté d’investir et de diriger une entreprise » – l’Association européenne des éditeurs de journaux (ENPA) et l’Association européennes des médias magazine, en particulier –, et les associations ou ONG qui souhaitent le renforcer, les débats promettent de se transformer en joutes.

Ce texte « ne nous paraît vraiment pas indispensable », proteste Jean-Pierre de Kerraoul, le président de l’ENPA, qui représente plus de 5 000 titres répartis dans vingt-quatre pays. « Même s’il relève d’une volonté générique et généreuse, je ne suis pas très enthousiaste », confirme le PDG du groupe Les Échos-Le Parisien Pierre Louette, au nom de l’Alliance pour la presse d’information générale – 285 membres et plus de 300 titres de presse en France. L’article 6 de ce texte qui en comporte 26 est particulièrement dans leur viseur. Car en proposant de « garantir aux rédacteurs en chef la liberté de prendre individuellement toute décision éditoriale, estime M. De Kerraoul, il revient à priver l’éditeur de sa responsabilité juridique et économique. Opposer les journalistes à leurs éditeurs, ça n’a pas de sens ! » Ce à quoi une source européenne rétorque que la lutte contre les ingérences des propriétaires de médias sur les lignes éditoriales n’a rien de cosmétique : « On constate des risques dans une vingtaine de pays », souligne-t-elle.

[…] La Commission devrait proposer des critères pour définir ce qu’est un média et s’accorder sur un standard (être indépendant des États, soumis à régulation, etc.).

Pour Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans frontières, cette loi sur la liberté des médias constitue « une avancée importante vers la préservation de la démocratie et de l’État de droit à travers l’UE ». Elle « répond à une grande attente du secteur », ajoute Ricardo Gutierrez, le secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes, qui rassemble 71 organisations syndicales de la profession dans 45 pays. Le souci de protéger les audiovisuels publics et de leur assurer un financement « adéquat et stable » est notamment salué. […].

Aude Dassonville

Source : Le Monde, Bruxelles veut légiférer pour préserver l’indépendance et la liberté des médias en Europe, 15 septembre 2022.

Téléchargez l'article du Monde.

Pourquoi les éditeurs de presse sont-ils opposés à l’article 6 du European Media Freedom Act ?

Éléments de correction

Les éditeurs de presse sont les propriétaires des médias. L’article 6 du European Media Freedom Act vise à garantir l’indépendance de la rédaction d’un média vis-à-vis de ses propriétaires. Les éditeurs disent s’y opposer parce qu’ils craignent que leur responsabilité juridique (si des propos problématiques étaient tenus dans ces médias) et économique (si les choix éditoriaux effectués aboutissaient à une baisse des ventes) soient engagées sans qu’ils ne puissent rien faire. On peut aussi penser que ces éditeurs craignent de perdre la possibilité d’influencer la ligne éditoriale des médias. Si beaucoup ne le font pas, d’autres pratiquent cette influence.

Pourquoi les ONG comme Reporters sans frontières y sont-ils au contraire favorables ?

Éléments de correction

Les ONG telles que Reporters sans frontières sont favorables à cet article car il permet de garantir l’indépendance des journalistes. L’article précise que ce risque n’est pas nul puisqu’il existe réellement dans une vingtaine de pays d’Europe (sur 27). 

Décrypter les médias avec la série SPAM

Retrouvez toutes les ressources de la série SPAM pour décrypter les médias et l'information avec vos élèves.

Article

Niveaux: Cycle 2 Cycle 3 Cycle 4 Lycée général et technologique Lycée professionnel

SPAM, une série pour décrypter les médias et l'information avec vos élèves (EMI)

Dans « SPAM » (« Savoir, Penser, Analyser les Messages »), des professeurs et des experts répondent aux questions que se posent les élèves sur 11 thématiques-clés pour décrypter les médias et l’information. Produite par l’INA pour France Télévisions et créée avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (CLEMI), cette série s'adresse aux élèves du cycle 2 à la Terminale.

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