Les revues littéraires clandestines sous l'Occupation

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 25 août 1976

Les éditions clandestines et les écrivains de la Résistance sont évoqués à partir de témoignages et de documents d'archives.

Niveaux et disciplines

Ressources pédagogiques utilisant ce média

Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Chroniques du temps de l'ombre, 1940-1944
Date de diffusion du média :
25 août 1976
Production :
INA
Page publiée le :
10 sept. 2015
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001732

Contexte historique

Par Anne Doustaly

Au début de l'année 1943, le maréchal Pétain présente aux Français des vœux très prudents, voire pessimistes. Il annonce ne pas savoir ce que l'année nouvelle apportera et adresse un conseil aux Français : Méditez vos malheurs. Au même moment, les mouvements de la Résistance traversent, eux, un hiver porteur d'espoir : ils s'organisent, s'unifient, se donnent une presse et des éditions clandestines, qui permettent l'expression des écrivains et d'une vie littéraire libre. Depuis 1940, la liste Otto (nommée ainsi en référence à l'ambassadeur d'Allemagne à Paris Otto Abetz), recensait les ouvrages retirés de la vente par les éditeurs ou interdits par les autorités allemandes. Établie avec la collaboration du Syndicat des éditeurs français et des maisons d'édition, elle interdisait 1 060 titres, parmi lesquels Mein Kampf et des essais critiquant l'Allemagne ou le racisme, des textes d'auteurs juifs, communistes ou opposants au nazisme, comme Heinrich Heine, Thomas Mann, Stefan Zweig, Max Jacob, Joseph Kessel, Sigmund Freud, Carl Gustav Jung, Julien Benda, Léon Blum, Karl Marx, Léon Trotski, Louis Aragon, etc. Après la rupture du pacte germano-soviétique en juin 1941, d'autres ouvrages marxistes furent ajoutés à la liste. En juillet 1941, c'est au tour de livres d'auteurs anglais et américains d'y figurer. Une deuxième liste Otto de 15 pages prend le relais le 8 juillet 1942. Classée par éditeurs, elle recense 1 170 titres interdits : ouvrages jugés anti-allemands, œuvres d'écrivains juifs ou consacrés à des juifs, livres communistes, traductions d'auteurs anglais et polonais. Une troisième édition de la liste des ouvrages littéraires français non désirables sera publiée le 10 mai 1943, complétée en annexe par une liste de 739 écrivains juifs de langue française. La liste Otto devait être appliquée dans toutes les librairies, les maisons d'édition et les bibliothèques de la zone occupée. Dès sa diffusion, des opérations policières aboutirent à la saisie et à la destruction de 713 382 livres.

La liste Otto sera aussi effective quelques mois plus tard en zone libre à l'initiative du régime de Vichy. Dans les écoles et les bibliothèques, les préfets et les maires sont chargés de la faire respecter sous l'autorité du ministre de l'Éducation nationale et du directeur de l'Enseignement supérieur. Dans ce contexte apparaissent des revues littéraires clandestines, parmi lesquelles Les Lettres françaises (1941, fondateurs Jacques Decour et Jean Paulhan), mais aussi La Pensée libre, créée par Georges Politzer, Jacques Salomon et Jacques Decour, qui ne comporta que deux numéros, tous trois ayant été fusillés au mont Valérien en août 1941, Les Cahiers de Libération de Louis Martin-Chauffier (1942), ou encore Les Étoiles fondée entre autres par Aragon et Georges Sadoul (1943, destinée à la zone sud).

Éclairage média

Par Anne Doustaly

L'émission Ce jour-là, j'en témoigne : Chronique du temps de l'ombre 1940-1944 est une production de la télévision française en 1976. Dans l'extrait choisi, Madeleine Braun, secrétaire du Front National clandestin (zone sud), parle de la poésie de la Résistance et des auteurs interdits par la liste Otto. Elle insiste sur le choix politique fait par le Syndicat des éditeurs de collaborer activement avec le régime de Vichy et l'Allemagne. D'où la mobilisation des écrivains pour publier clandestinement en échappant à la censure. Vercors, écrivain et résistant, auteur du Silence de la mer (1942, première publication des Éditions de Minuit, éditeur clandestin et résistant) raconte sa rencontre et son amitié avec Paul Éluard et la parution du recueil L'Honneur des poètes, puis sa rencontre avec Aragon et Elsa Triolet. Madeleine Braun évoque aussi les revues littéraires de la Résistance. Claude Morgan, écrivain, raconte la parution de la revue Les Lettres Françaises et son succès grâce à la collaboration d'Éluard (le premier numéro paraît symboliquement le 20 septembre 1942 en référence à la bataille de Valmy). Madeleine Braun rappelle la genèse du poème Liberté de Paul Éluard, et comment la censure de Vichy ne l'ayant pas lu jusqu'à la fin, a pensé qu'il s'agissait d'un poème d'amour. Le poème était paru sous le titre Une seule pensée et pas encore sous celui de Liberté. Éditrice, résistante et femme politique française, Madeleine Braun fut la première femme vice-président de l'Assemblée nationale (1946).

Bibliographie

- Stéphanie Corcy, La Vie culturelle sous l'Occupation, Perrin, 2005

- Anton Ridderstad, L'Édition française sous l'Occupation (1940-44), Oslo, 2002

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