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Proposé par Institut national de l’audiovisuel
Date de diffusion : 13 sept. 1981
Le tableau Guernica de Pablo Picasso, peint en 1937, arrive en Espagne après avoir passé quarante-et-un aux Etats-Unis. Ce « retour » fait polémique à Guernica et au pays Basque car Picasso le conditionnait au rétablissement de la démocratie.
Niveaux et disciplines
Ressources pédagogiques utilisant ce média
Niveaux: Cycle 4 - Lycée général et technologique
Qu'a représenté Picasso dans Guernica en 1937 ?
Niveaux: Cycle 4 - Lycée général et technologique - Lycée professionnel
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Informations et crédits
- Type de ressource :
- Forme :
- Collection :
- Date de diffusion du média :
- 13 sept. 1981
- Production :
- INA
- Page publiée le :
- 26 nov. 2013
- Modifiée le :
- 29 juin 2023
- Référence :
- 00000001538
Contexte historique
Guernica est l'un des tableaux les plus célèbres au monde. Pablo Picasso (1881-1973) le réalise à la demande du gouvernement républicain qui voulait une œuvre forte et de grandes dimensions (3,51 x 7,52 m). Il est exposé à partir de juillet 1937 dans le pavillon de l'Espagne à l'Exposition internationale de Paris, pendant la guerre civile qui oppose le gouvernement républicain au coup d'Etat du général Franco.
Picasso souhaitait peindre une œuvre de grande dimension. Il découvre le 1er mai les images de la destruction de Guernica et décide de rendre hommage aux habitants de ce petit village basque bombardé le 26 avril 1937 par les avions de la légion Condor. Cette légion, composée d'appareils et de pilotes allemands « prêtés » par Hitler à Franco pour saper le moral des républicains, bombarde sur l'ordre de Franco le village situé sur le front de Biscaye, faisant 1654 morts et 889 blessés, pour l'essentiel des civils, femmes, enfants et vieillards.
Picasso réalise sous l'oeil et l'appareil photo de sa compagne Dora Maar une soixantaine de croquis et de dessins en couleur qu'il souhaite aménager sur la toile. Il opte finalement pour une composition en noir, gris et blanc, à l'image des photographies que l'on peut en découvrir dans la presse de l'époque. Picasso fait également le choix de ne pas montrer des avions et les bombes du massacre et se concentre sur les victimes. Il accroît la violence en ne réalisant pas une œuvre purement cubiste mais en proposant des métamorphoses des hommes et des animaux qui rendent les cris plus terribles.
A la victoire de Franco en 1939, le tableau Guernica est transféré à New-York. Picasso a toujours refusé qu'il retourne en Espagne, même après sa mort, tant que le pays ne serait par redevenu une véritable démocratie. Il ne voulait pas que le tableau y vienne sous le règne de Juan Carlos, car bien que le roi ait installé une monarchie constitutionnelle, Picasso lui reprochait d'être le successeur désigné de Franco à sa mort en 1975.
La vie du peintre est parsemée d'oeuvres qui rappellent ses engagements, notamment auprès du Parti communiste, ou son regard sur le monde. Il réalise sur le modèle de Guernica en 1945 Le Charnier, tableau de taille plus modeste (1,90 x 1,50 m) à nouveau inspiré par les photographies, cette fois de l'ouverture des camps de concentration. Il peint également Massacre en Corée en 1951 et les panneaux de La Guerre et la Paix en 1952, dont la Colombe de la paix est demeurée célèbre, reprise par l'Organisation des Nations Unies dans sa communication.
Éclairage média
« Guernica c'est d'abord un paradoxe. Menacée de toute part, l'annexe du Prado n'est surveillée que par deux gardes civils débonnaires »... mais armés. L'Espagne craint les attentats des indépendantistes basques de l'ETA, responsables de l'assassinat du premier ministre Luis Carrero Blanco en 1973. Le mouvement initialement anti-franquiste ne désarme pas avec la transition démocratique de 1975 et demeure l'un des symptômes d'un pays dont les plaies mettent du temps à se refermer.
Les travaux au musée de Madrid pour accueillir le tableau de Pablo Picasso ont lieu sous surveillance alors que les esprits s'échauffent. Le retour du tableau Guernica en Espagne après quarante et un ans d'exil respecte-t-il les volontés de l'artiste ? Il refusait que son œuvre ne retourne en Espagne tant que la démocratie ne serait pas de retour. Les images d'archives de la ville martyre de Guernica éclairent le commentaire en présentant les termes du débat. D'un côté, l'Espagne du roi Juan Carlos est officiellement une démocratie. Choisi par le dictateur Franco pour lui succéder en 1975, le jeune roi décide la transition démocratique vers une monarchie constitutionnelle entre 1975 et 1978. Son rôle actif dans l'échec du coup d'Etat militaire de février 1981 fait de lui le symbole de l'identité démocratique de l'Espagne. De l'autre côté, les opposants à ses réformes rappellent la désignation du roi par le dictateur mourant et son refus de reconnaître l'indépendance des Basques et des Catalans. Le militant de l'ETA José-Angel Iturbe, dans un français de qualité, qui peut s'expliquer par des années d'exil en France, précise que le pays vit des temps troublés. Le coup d'Etat du colonel Tejero quelques mois plus tôt, un autre en juillet, l'entrée de l'Espagne dans l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, alliance militaire fondée par les Etats-Unis en 1949) ont un prix pour le peuple espagnol. Il se prévaut d'exprimer le point de vue de Picasso, qui n'aurait jamais voulu que le tableau revienne en Espagne dans de telles conditions, mais ce dernier n'est plus là pour le dire.
Dans ce contexte, le choix du lieu d'exposition du tableau Guernica, à Madrid comme caution du changement en cours ou à Guernica comme symbole d'une terre rebelle, est un enjeu important et « une vive polémique s'est installée sur le choix de la ville où le chef-d'oeuvre doit être exposé ». A Guernica, il y a « tout ceux qui pensent que l'heure de la démocratie n'a pas encore sonné ». C'est le cas de Dunixi de Abaitua, maire de Guernica, qui érige en preuve du déni de démocratie le fait que les Espagnols (ou les Basques, la formulation est ambigüe) ne soient pas consultés sur le sort du tableau, décidé à Madrid par « le parti au pouvoir ».
« Le plus vieil habitant de la ville » (Juan-José Guerrikabeitia, 91 ans) témoigne de la façon dont le massacre s'est déroulé après qu'"ils" soient venus « à trois heures ». La force de cette expérience des bombardements suffit dans le reportage à justifier la position de la ville de dix-huit mille habitants. La ville de centre-gauche (donc modérée ?) est portée par une identité de ville meurtrie résumée par « les morts ici, et Picasso là-bas, non ». Le reportage replace l'épisode dans l'histoire longue de la ville et de ses symboles, comme « le chêne sous lequel les députés de la province ont siégé sans discontinuer depuis l'an 1040, excepté bien sûr pendant les quarante années du franquisme ». L'histoire est reconstruite par la continuité de l'autonomie revendiquée par Guernica.
Les visages se succèdent, pittoresques et truculents comme cet homme à béret expliquant avec animation ne rien penser de cette affaire pour la simple raison qu'il n'a jamais vu le tableau. Le reportage évoque d'ailleurs le tableau de Pablo Picasso pendant près de trois minutes sans le montrer - sauf une fresque qui n'est qu'une copie. Il s'intéresse ainsi davantage aux enjeux politiques et sociaux dont le tableau est porteur, « partout dans la ville » après avoir été si longtemps interdit.