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Guerre d’Algérie : Emmanuel Macron reconnaît la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 13 sept. 2018

Emmanuel Macron reconnaît, le 13 septembre 2018, la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin en 1957 pendant la guerre d’Algérie. Cette reconnaissance suscite des réactions contrastées : Cédric Villani et Sébastien Jumel s’en réjouissent, Marine Le Pen la dénonce, Bruno Retailleau la regrette, Guy Darmanin, de la FNACA, prend la défense de l’armée en Algérie.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Date de diffusion du média :
13 sept. 2018
Production :
INA
Page publiée le :
29 août 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000001960

Contexte historique

Par Christophe Gracieux

Maurice Audin, enseignant de mathématiques à l’université d’Alger âgé de vingt-cinq ans, est arrêté au soir du 11 juin 1957 à son domicile par des parachutistes français. Militant anticolonialiste, membre du Parti communiste algérien, il est soupçonné d’aider le Front de libération nationale. Il est ensuite porté « disparu » sans que les circonstances de sa mort n’aient jamais été officiellement établies et que son corps ait été retrouvé.

Dès novembre 1957, l’historien Pierre Vidal-Naquet fonde le Comité Maurice Audin avec Laurent Schwartz, Jacques Panijel, Luc Montagnier et Michel Crouzet afin d’obtenir la vérité sur le sort de Maurice Audin (voir Pierre Vidal-Naquet et son engagement contre la torture pendant la guerre d’Algérie). Ce comité, inspiré des comités dreyfusards, se réunit régulièrement jusqu’en 1962. Puis le 12 mai 1958, Pierre Vidal-Naquet publie un livre-brulôt, L’Affaire Audin. Dans cet ouvrage, il s’attache à démêler les circonstances de la « disparition » de Maurice Audin. Jugeant son évasion impossible, il défend la thèse de sa mort lors d’une séance de torture au centre d’interrogatoires d’El Biar, sur les hauteurs d’Alger. Selon lui, le décès de Maurice Audin a été maquillé en prétendue « évasion » par des militaires, embarrassés par le cadavre d’un Français. Pierre Vidal-Naquet contredit donc ouvertement la thèse de l’armée.

L’historien continue par la suite tout au long de sa vie de rassembler des preuves sur la disparition de l’enseignant de mathématiques malgré la clôture de l’enquête par un non-lieu en 1962. Sa femme Josette Audin n’a également jamais cessé de se battre auprès des autorités pour faire connaître la vérité sur ce qui était arrivé à son mari. En 2012, au cours d’une visite d’État en Algérie, François Hollande est le premier président de la République à rendre hommage à Maurice Audin (voir Discours de François Hollande pendant sa visite officielle en Algérie en 2012) : le 20 décembre 2012, à Alger, il se recueille devant la stèle qui l’honore sur la place qui porte son nom.

Surtout, le 13 septembre 2018, son successeur Emmanuel Macron reconnaît pour la première fois la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin. Dans une déclaration, il affirme que le jeune enseignant de mathématiques « a été torturé puis exécuté, ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté ». Emmanuel Macron inscrit la disparition de Maurice Audin dans le contexte plus large des méthodes utilisées en Algérie par l’armée française à partir de 1956 : « Sa disparition a été rendue possible par un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement, le système appelé arrestation-détention à l’époque, qui autorise les forces de l’ordre à arrêter, détenir et interroger tout "suspect" dans l’objectif d’une lutte plus efficace contre l’adversaire. Ce système s’est institué sur un fondement légal : les pouvoirs spéciaux ». Et d’ajouter que « ce système a été le terreau malheureux d’actes parfois terribles, dont la torture, que l’affaire Audin a mis en lumière. » Le président français a également annoncé l’ouverture de tous les fonds d’archives de l’État sur la question des « disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires. »

Éclairage média

Par Christophe Gracieux

Dans son journal télévisé de vingt heures du 13 septembre 2018, la rédaction de France 2 a choisi de consacrer deux sujets enchaînés à la reconnaissance par Emmanuel Macron de la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin en 1957. Le premier porte sur la déclaration du président de la République elle-même, le second sur les réactions qu’elle a suscitées.

Dans le premier sujet, on constate qu’Emmanuel Macron a choisi une forme inhabituelle pour faire une déclaration sur un sujet mémoriel. Il n’a ainsi pas prononcé d’allocution solennelle, comme l’avait par exemple fait Jacques Chirac en 1995 lorsqu’il avait reconnu la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs (voir Discours de Jacques Chirac sur la responsabilité de Vichy dans la déportation, 1995). Il ne s’est pas non plus contenté d’un communiqué, comme l’avait fait François Hollande en 2012 quand il avait reconnu la répression sanglante d’Algériens le 17 octobre 1961. Emmanuel Macron a choisi de se rendre en personne au domicile de la veuve de Maurice Audin afin de lui remettre en main propre une déclaration reconnaissant la responsabilité de l’État français dans la mort de son mari. La visite du chef de l’État à Josette Audin s’est faite dans la discrétion, en l’absence de caméras. Des équipes de télévision l’ont en revanche filmé à la sortie puis ont interviewé Josette Audin et son fils Pierre à leur domicile.

Le second sujet porte donc sur les réactions, principalement politiques, à cette décision historique. Entièrement composé d’interviews, il donne à entendre deux points de vue opposés, celui qui félicitent Emmanuel Macron pour sa déclaration et ceux qui la déplorent. Dans le premier camp figurent deux députés qui ont porté le combat pour la mémoire de Maurice Audin : Cédric Villani, député de l’Essonne de La République en marche et mathématicien réputé, ainsi que Sébastien Jumel, député communiste de la Seine-Maritime. Ce dernier, ayant accompagné Emmanuel Macron auprès de Josette Audin, est interrogé à la sortie du domicile de cette dernière. Bien que de sensibilité politique très différente, Cédric Villani, qui avait présidé le prix Maurice-Audin attribué chaque année à des mathématiciens français et algériens, et Sébastien Jumel, avaient pourtant mené ensemble le combat pour la mémoire de Maurice Audin, convoquant la presse à l’Assemblée nationale le 14 février 2018 afin de réclamer la « reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État » dans sa mort.

Dans le camp des opposants à la déclaration d’Emmanuel Macron figure notamment sa rivale de l’élection présidentielle de 2017, Marine Le Pen. Invitée sur le plateau du Talk Le Figaro, émission politique du journal Le Figaro, la présidente du Rassemblement national, fidèle à son soutien aux pieds-noirs, critique une décision qui joue à ses yeux « sur la division des Français ». De fait, ce sujet montre bien l’ampleur des divisions qui continuent de fracturer la classe politique française à propos de la mémoire de la guerre d’Algérie.

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