Jean Mattéoli évoque ses premières actions de désobéissance en 1940

Institut national de l’audiovisuel

Proposé par Institut national de l’audiovisuel

Date de diffusion : 01 janv. 2002 | Date d'évènement : Aout 1940

Ancien résistant-déporté, le président du Conseil économique et social Jean Mattéoli témoigne de ses premières actions de désobéissance au cours de l’été 1940 alors qu’il travaille comme rédacteur à la préfecture de Dijon.

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Informations et crédits

Type de ressource :
Forme :
Collection :
Mémoires de résistants
Date de l'évènement :
Aout 1940
Date de diffusion du média :
01 janv. 2002
Production :
INA
Page publiée le :
29 oct. 2019
Modifiée le :
29 juin 2023
Référence :
00000003449

Contexte historique

Par Fabrice Grenard

Sans aller jusqu’à s’engager de façon officielle dans une organisation résistante, nombreux sont ceux qui au quotidien manifestent différentes formes de refus et de désobéissance au cours des premières semaines de l’Occupation. Le fait d’assister à l’inhumation d’aviateurs britanniques tombés au-dessus de la France, de cacher des armes et du matériel afin qu’ils ne tombent pas dans les mains du vainqueur, l’aide apportée aux soldats alliés qui cherchent à regagner la Grande-Bretagne, aux prisonniers de guerre qui ont réussi à s’évader et aux différentes catégories de persécutés qui cherchent à gagner la zone Sud constituent autant d’exemple de ces comportements. Si elles ne sont parfois que ponctuelles, ces actions n’en sont pas moins décisives pour que les différentes organisations naissantes, notamment les réseaux, puissent trouver les relais nécessaires au sein de la société française pour développer leur activité de renseignement ou de sauvetage. Sur un plan individuel, ces actions constituent également souvent une première étape avant de rejoindre la Résistance organisée.

Témoignant sur ses débuts dans la Résistance au cours de l’été 1940, le président du Conseil économique et social Jean Mattéoli évoque ces petites actions quotidiennes qui ont pu caractériser chez de nombreux Français à la fois le refus de l’occupation allemande et de l’ordre nouveau que souhaite imposer Vichy.  Alors qu’il n’est âgé que de 18 ans en 1940 et réside à Dijon, non loin de la ligne de démarcation, il souhaite venir en aide aux prisonniers de guerre évadés qui souhaitent franchir clandestinement cette frontière intérieure imposée par la convention d’armistice. Grâce à ses connaissances personnelles, il se fait pour cela embaucher à la préfecture de la Côte d’Or, comme rédacteur. Et avec la complicité du préfet Chevreux, il fabrique de faux papiers nécessaires pour pouvoir passer la ligne. En quelques mois, Jean Mattéoli se trouve à la tête d’une véritable officine de faux papiers qui fournit des cartes d’identités, feuilles de démobilisation, cartes de ravitaillement, laissez-passer… Son emploi à la préfecture lui permet également d’obtenir des informations stratégiques et utiles à la Résistance. Diversifiant ses activités clandestines, le jeune fonctionnaire rejoint progressivement la Résistance organisée, intégrant le réseau Navarre. Il devient en 1942 membre du Bureau des Opérations aériennes (BOA), responsable de la région D (Bourgogne Franche-Comté). Son action dans la Résistance dure jusqu’à son arrestation par la Gestapo le 7 avril 1944. Incarcéré à la prison de Dijon, Jean Mattéoli est ensuite transféré au camp de Compiègne puis déporté en Allemagne, au camp de Neuengamme puis à Bergen-Belsen. Malade et très affaibli, il est libéré par un détachement britannique le 15 avril 1945.

Après la guerre, Jean Mattéoli poursuit une carrière dans la haute fonction publique. Il occupe la fonction de ministre du Travail en 1979 dans le gouvernement de Raymond Barre puis est élu en 1987 président du Conseil économique et social, fonction qu’il occupe jusqu’en 1999. Sa carrière ne lui fait pas pour autant oublier ses camarades de la Résistance et de la Déportation. Adhérant très tôt à la Fédération nationale des Déportés et des Internés de la Résistance (FNDIR), il en devient le président en 1987. Il participe en 1993 à la création de la Fondation de la Résistance, dont il assume la présidence jusqu’en 2006. Jean Mattéoli est mort en 2008, à l’âge de 86 ans.

Éclairage média

Par Fabrice Grenard

Le témoignage de Jean Mattéoli sur l’état d’esprit qui est le sien au lendemain de la défaite est intéressant car il va à l’encontre de l’idée selon laquelle les Français, totalement traumatisés par la défaite, auraient fait preuve au début de l’Occupation de la passivité la plus totale tout en accordant une confiance démesurée au maréchal Pétain. Résidant dans un territoire particulier, caractérisé par la présence de la ligne de démarcation, le jeune homme est immédiatement confronté à la question des passages clandestins qui favorise l’émergence de toute une organisation du passage dans les zones frontalières.

Son témoignage permet également d’illustrer les différences importantes qui existent entre les deux zones sur le plan de l’état d’esprit. La population de la zone occupée, immédiatement confrontée aux contraintes et à l’humiliation de l’occupation allemande, adopte une attitude de refus plus précoce et un soutien plus limité au maréchal Pétain qu’en zone sud, qui échappe à l’occupation jusqu’en novembre 1942. Enfin, Jean Mattéoli évoque un personnage totalement oublié, le préfet de la Côte d’Or, Charles Chevreux, dont l’attitude dénote par rapport à celle de la plupart de ses collègues au cours de l’été 1940. Alors que l’image qui colle aux préfets de 1940 est celle de la docilité et d’un travail zélé au service du régime de Vichy, le cas du préfet Chevreux fournit un contre-exemple très rare puisque ce haut fonctionnaire ne cache pas ses désaccords avec le nouveau pouvoir et permet que des actions clandestines se développent au sein même de sa préfecture. Nommé préfet de la Côte d’Or en 1938, Charles Chevreux ne se maintiendra toutefois en place qu’au cours des premiers mois de l’Occupation. Il sera démis de ses fonctions en novembre 1940, dans le cadre d’une vaste purge du corps préfectoral menée par le régime de Vichy à l’égard des préfets qui ont pu avoir un passé républicain trop marqué, dont le préfet d’Eure et Loir Jean Moulin fut également la victime.

Ce témoignage fait partie de la collection « Mémoires de résistants » réalisée en 2002 sous l’égide du réalisateur Henri Rolland Coty, résistant, déporté. Cette collection est consultable en ligne sur ina.fr.

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